Dans ce rapport intitulé Beijing’s Red Line in Hong Kong, l’organisation attire l’attention sur le fait que les restrictions croissantes des libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique ont conduit aux manifestations de cet été.
« L’érosion continue des droits et des libertés à Hong Kong a commencé il y a longtemps, bien avant l’annonce du projet de loi sur l’extradition. Les autorités chinoises, agissant main dans la main avec les dirigeants de Hong Kong, rognent depuis des années le statut spécial dont est censé bénéficier Hong Kong concernant la protection des droits humains, a déclaré Joshua Rosenzweig, responsable du bureau régional d’Amnesty International pour l’Asie de l’Est.
« La réaction intolérable de la police face aux manifestations contre le projet de loi sur l’extradition a attisé les craintes d’un glissement, à Hong Kong, vers le type de régime répressif observé en Chine continentale. Nous demandons aux autorités de Hong Kong d’entendre les revendications des millions de manifestants et de protéger leur droit de réunion pacifique, conformément aux obligations qui leur incombent au titre des normes nationales et internationales. Il faudrait, dans un premier temps, qu’elles ordonnent qu’une enquête indépendante et efficace soit menée sur les agissements de la police, cette mesure étant absolument cruciale. »
Le rapport d’Amnesty International, qui est basé sur des entretiens menés auprès de journalistes, de militants, d’universitaires, d’étudiants, d’employés d’ONG et de législateurs, montre que les autorités de Hong Kong, sous l’impulsion de Pékin, appliquent des politiques de plus en plus répressives depuis les manifestations du « mouvement des parapluies », en 2014. Les droits à la liberté d’expression et d’association sont attaqués, et plus de 100 personnes ont ainsi été traînées devant la justice depuis 2014 en raison de leurs activités militantes pacifiques. Outre le fait que la police utilise des méthodes de plus en plus brutales pour le maintien de l’ordre et qu’elle ne prend pas les mesures nécessaires pour protéger les manifestants contre les violences commises par des tiers, les autorités de Hong Kong ont utilisé à mauvais escient la législation et la réglementation pour harceler et poursuivre en justice des personnes et des groupes accusés d’avoir franchi la « ligne rouge » fixée par Pékin.
Une ligne rouge qui empiète sur les droits fondamentaux
Le rapport d’Amnesty International examine la période comprise entre deux mouvements de protestation cruciaux : les manifestations d’« Occupy Central » et du « mouvement des parapluies » en 2014, et les manifestations liées au projet de loi sur l’extradition qui ont débuté en juin 2019. Il montre que les autorités chinoises ont recouru à leur définition imprécise et trop générale de la « sûreté nationale » – qui a été utilisée avec des conséquences dévastatrices contre des militants et d’autres personnes en Chine – pour s’en prendre à des journalistes, des militants et des détracteurs du gouvernement à Hong Kong.
En 2017, le président Xi Jinping a fixé « une ligne rouge » [1] pour Hong Kong concernant « toute tentative d’atteinte à la souveraineté ou à la sûreté, de contestation du pouvoir du gouvernement chinois, ou d’utilisation de Hong Kong à des fins d’infiltration et de sabotage à l’encontre de la Chine continentale ». Les autorités chinoises ont de façon croissante considéré l’exercice ordinaire des droits comme un franchissement de cette « ligne rouge ». Le gouvernement de Hong Kong a adopté cette politique, violant ainsi les principes sur lesquels se fondent ses obligations internationales en matière de droits humains et la Loi fondamentale de Hong Kong.
Un grand nombre de personnes interrogées par Amnesty International ont expliqué que leurs activités pacifiques de plaidoyer pour les droits humains et la démocratie les ont conduites à être prises pour cible par les autorités de Hong Kong et de Pékin.
Un journaliste a déclaré qu’il recevait toutes les semaines des appels de représentants du gouvernement de Pékin l’engageant à atténuer ses critiques concernant le président Xi Jinping et des questions telles que l’indépendance de Taiwan. Des employés d’ONG ont dit avoir été harcelés de façon répétée par des représentants des autorités de Hong Kong et de Pékin, et forcés à s’autocensurer pour protéger leur financement.
Il est également apparu que le fait que la police n’ait pas eu à rendre des comptes pour les cas de recours illégal à la force lors des manifestations représente un des principaux motifs de préoccupation des militants interrogés par Amnesty. Un militant qui a été frappé par des policiers pendant une manifestation en 2014, a déclaré à Amnesty :
« Cela ne sert à rien de porter plainte contre la police. Les chances d’obtenir gain de cause quand on se plaint de violences policières avoisinent le zéro. »
Lors des récentes manifestations qui ont été déclenchées par le projet de loi sur l’extradition présenté en mars 2019, Amnesty et d’autres organisations ont rassemblé des informations sur des cas répétés de recours par la police à une force inutile et excessive en violation du droit international et des normes connexes. Depuis l’annonce du retrait de ce projet de loi, le 4 septembre, Amnesty International continue de demander aux autorités de Hong Kong de mener des enquêtes exhaustives et indépendantes sur le recours non approprié à la force et les autres abus commis par la police au cours des manifestations, et de cesser d’utiliser les poursuites judiciaires motivées par des considérations politiques contre des manifestants pacifiques.
Les autorités de Hong Kong doivent également faire la preuve de leur détermination à respecter, protéger et mettre en œuvre les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique en cessant de restreindre indument ces droits sous prétexte de préserver la « sûreté nationale ».
« Pour les millions de personnes qui sont descendues dans la rue cet été à Hong Kong, le projet de loi sur l’extradition n’a représenté que la partie visible de l’iceberg par rapport à l’offensive menée par Pékin contre leurs droits humains, a déclaré Joshua Rosenzweig.
« Les autorités doivent montrer qu’elles entendent protéger les droits humains à Hong Kong même si cela implique de s’opposer à la politique de la "ligne rouge" fixée par Pékin. »