Mozambique, intimidation préélectorale de l’opposition

Le principal candidat de l’opposition dans le cadre de l’élection historique au poste de gouverneur de la province de Zambézia, dans le centre du Mozambique, est victime de menaces de mort et d’actes d’intimidation en amont du scrutin d’octobre, a déclaré Amnesty International vendredi 19 juillet.

Manuel de Araújo est le candidat de la Résistance nationale mozambicaine (RENAMO), le principal parti d’opposition ; il est actuellement le maire de Quelimane. Le vote du 15 octobre est controversé car il s’agira de la première fois que le gouverneur sera choisi par les électeurs, et non plus désigné par le président.

« Ces tactiques d’intimidation pré-électorales sont un rappel sinistre de ce qui caractérise généralement les élections aux Mozambique : menaces de mort et actes d’intimidation. Nous avons observé cette tendance à de multiples reprises - des dirigeants politiques ayant été harcelés, voire tués, pour leurs positions dissidentes », a déclaré Deprose Muchena, directeur régional pour l’Afrique australe à Amnesty International.

« Les élections ne devraient jamais être meurtrières. Après tout, le combat se situe sur le terrain des idées, et la violence n’y a pas sa place. »

La lettre anonyme la plus récente adressée à Manuel de Araújo date du 10 juillet. Elle rappelait à l’homme politique qu’il lui avait précédemment été conseillé de s’abstenir de se présenter comme candidat de la RENAMO. Elle lui disait aussi de faire attention car il serait tué s’il poursuivait sa campagne. Cette lettre a été envoyée à son bureau, puis imprimée et affichée sur plusieurs marchés locaux. Elle a aussi été diffusée sur les réseaux sociaux.

Avant les élections municipales d’octobre 2018 - à l’issue desquelles il est devenu maire de Queliminane - il avait également reçu plusieurs messages anonymes menaçants cherchant à le dissuader de se présenter. Manuel de Araújo dénonce systématiquement la corruption à l’échelon de la province comme de l’État, ce qui lui a valu de devenir la cible d’attaques politiques. Le 27 septembre 2016, sous le gouvernement précédent, un conseiller municipal du Front de libération du Mozambique (FRELIMO), le parti au pouvoir, l’a menacé lors d’un des conseils à Quelimane, déclarant que le « maire mérite une balle dans la tête ».

La politique - un jeu dangereux au Mozambique

Manuel de Araújo n’est pas le premier dirigeant issu du principal parti d’opposition à recevoir des menaces de mort cette année. En mai, Paulo Vahanle, le maire de Nampula, a également reçu un message lui recommandant de quitter ses fonctions, sans quoi il perdrait la vie. Il lui a également été dit que ces fonctions avaient un « propriétaire ».

Paulo Vahanle a lui-même remporté une élection partielle à Nampula en janvier 2018, organisée après le meurtre du maire précédent, Mahamudo Amurane, membre du Mouvement démocratique du Mozambique (MDM), en octobre 2017.
 

Liste chronologique des assassinats et tentatives d’assassinats politiques

Le 4 octobre 2017, le maire de Nampula, Mahamudo Amurane, a été assassiné à son domicile par un homme armé non identifié. Depuis son élection à la mairie de Nampula en 2013, Mahamudo Amurane s’employait à éliminer la corruption à la racine au sein de l’administration municipale et à redynamiser les infrastructures publiques.

Le 8 octobre 2016, Jeremias Pondeca, haut responsable de la RENAMO et membre de l’équipe de médiation chargée de mettre fin au conflit entre son parti et le gouvernement, a été tué par balle dans la capitale, Maputo, par des inconnus dont certains sont soupçonnés d’appartenir aux forces de sécurité.

Le 16 janvier 2016, Manuel Bissopo, alors secrétaire général de la RENAMO, a été grièvement blessé par balle par des inconnus alors qu’il se rendait en voiture à Beira, une ville de la province de Sofala. Son garde du corps a succombé à ses blessures. Ces faits ont eu lieu quelques heures après une conférence de presse lors de laquelle Manuel Bissopo avait accusé les forces de sécurité de l’État d’avoir enlevé et tué des membres de son parti.

Amnesty International déplore vivement que l’impunité persistante pour ces crimes crée un climat de peur et d’insécurité dans lequel on essaie de dissuader les opposants politiques de participer à la vie politique.

« Les autorités du Mozambique doivent diligenter une enquête indépendante et efficace sur les allégations de menaces de mort et d’intimidation, et traduire en justice les auteurs présumés de ces actes », a déclaré Deprose Muchena.

« Elles doivent aussi veiller à ce que les droits à la liberté d’association et d’expression soient pleinement respectés et protégés, en amont de l’élection générale d’octobre 2019 et au-delà. Participer à la vie politique du pays ne devrait exposer personne à un risque d’assassinat. »

Complément d’information

L’élection présidentielle et les élections à l’échelle des provinces doivent se tenir en octobre 2019 au Mozambique. Les gouverneurs des provinces étaient précédemment nommés par le président par le biais d’un système de parrainage, et les élections de cette année marqueront la première fois qu’ils seront choisis directement par les citoyens.

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