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Forum sur la gouvernance d’Internet : Une occasion manquée pour les droits humains

Par Sherif Elsayed Ali, directeur adjoint du programme Thématiques mondiales d’Amnesty International

À l’heure où vous lirez ceci sur votre ordinateur portable, smartphone ou tablette, 3 000 dirigeants gouvernementaux et représentants du monde de l’entreprise et de la société civile auront fait le chemin jusqu’à Istanbul pour façonner le futur d’Internet, qui vous permet de lire ces mots.

Le Forum sur la gouvernance d’Internet s’est achevé vendredi 5 septembre, et il semble qu’il restera dans les mémoires moins pour les sujets qui y ont été abordés que pour ceux qui ne l’ont pas été.

Les poursuites engagées contre 29 utilisateurs de Twitter en Turquie, les programmes illégaux de surveillance à l’échelle mondiale mis en place par les États-Unis et le Royaume-Uni, et le commerce non réglementé des logiciels utilisés par certains régimes pour traquer les militants des droits humains faisaient partie des sujets épineux qui ont été évités durant cette conférence...et la liste était longue.

La société civile est arrivée à faire inscrire un grand nombre de ces questions au programme de la conférence mais les gouvernements ont choisi de ne pas en tenir compte.

Le refus de certains gouvernements de ne serait-ce que reconnaître l’existence des questions les plus pressantes en ce qui concerne les libertés en ligne était plus que clair lors de la conférence de presse qui marquait l’ouverture du Forum. Un journaliste a posé la question qui était à l’esprit de tous : n’est-il pas ironique que la Turquie accueille le Forum étant donné que 29 personnes y sont poursuivies pour des propos publiés sur Twitter ? Le représentant des autorités turques faisant partie du panel s’est contenté de l’ignorer.

Plus tard, au cours de la cérémonie d’ouverture, le ministre turc de l’Information n’a pas mentionné les « droits humains », pourtant un thème officiel de la conférence qu’il présidait, au cours de son discours, qui a duré 15 minutes.

La Turquie est loin d’être le seul gouvernement à utiliser Internet à mauvais escient.

Plus tôt cette année, les autorités saoudiennes ont condamné Raif Badawi à 10 ans de prison, 1 000 coups de fouet et une amende d’environ 205 000 euros pour avoir fait part de ses opinions sur son blog. Lundi 1er septembre, sa condamnation a été confirmée en appel.

Toujours au cours de l’année écoulée, les gouvernements américain et britannique ont porté atteinte aux libertés en ligne dans le cadre des programmes de surveillance de grande ampleur mis en place par l’Agence nationale de sécurité (NSA) et le Quartier général des communications du gouvernement (GCHQ), qui portent atteinte au droit à la vie privée dans le monde entier. Le fait qu’ils rechignent à lutter contre les violations massives du droit à la vie privée perpétrées par leurs agences de sécurité tourne en dérision leur prétendu intérêt pour la promotion de la liberté d’expression en ligne.

Comment peuvent-ils s’adresser à l’assistance et dire à d’autres gouvernements qu’ils ne devraient pas chercher à mettre sur pied leurs propres programmes de surveillance ?

Des entreprises ayant leur siège dans des pays occidentaux tels que le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie exportent même des logiciels qui permettent aux gouvernements d’États tels que l’Éthiopie d’accéder aux ordinateurs de militants des droits humains, de blogueurs et de journalistes, et de les persécuter.

Il est néfaste que ces pays et d’autres prétendent d’une part protéger la vie privée, mais manquent d’autre part à leur devoir consistant à empêcher ces entreprises de vendre des technologies qui seront utilisées pour porter atteinte aux droits humains.

Cependant, pas une seule de ces questions cruciales n’a été évoquée au Forum, et alors que je m’apprête à partir, il me semble clair que ce sommet n’améliorera pas la gouvernance d’Internet pour les utilisateurs.

Si tous les responsables que j’ai vus à Istanbul diront volontiers qu’Internet favorise l’innovation et la croissance économique, des gouvernements du monde entier, chacun à sa façon, contribuent à ce qu’il soit moins ouvert, en bloquant des sites, en interdisant Twitter ou en surveillant tout ce que les gens font en ligne.

Le fait est que les gouvernements veulent contrôler l’utilisation que nous faisons d’Internet et restreindre nos libertés en ligne.

Mais le pouvoir de les arrêter est entre les mains des internautes. Nous devons tous garder un œil sur ce que font nos gouvernements. Demandez-leur de rendre des comptes et prenez le contrôle d’Internet.

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