Si la rhétorique anti-trans fut moins présente dans la première campagne présidentielle de Donald Trump en 2016, son premier mandat a néanmoins été marqué par des législations qui ont restreint l’accès des transgenres à l’armée et aux prestations de santé, ainsi que par plusieurs décrets fédéraux qui ont limité la portée des lois existantes contre les discriminations. Lors de sa seconde campagne, les déclarations contre les personnes transgenres et « l’idéologie du genre » n’ont en revanche pas manqué. Des déclarations qui ne se sont pas taries après son élection. Ainsi, le 22 décembre dernier, face à une foule conservatrice à Phoenix, Donald Trump a déclaré qu’il mettrait fin « au délire transgenre » dès le premier jour de son mandat et qu’il n’y aurait dans la politique officielle des États-Unis que « deux genres, homme et femme. » [1]
Bien que les personnes transgenres ne représentent que 0,6% de la population aux États-Unis, cette communauté est devenue ces dernières années la cible de nombreuses attaques et législations restrictives. Au point que de nombreux activistes y voient une similitude avec les actes et propos tenus à l’époque des débuts de l’épidémie de SIDA contre les gays. Pour la communauté LGTBQIA+ – et spécifiquement les personnes transgenres –, le prochain mandat du président Trump pourrait s’avérer bien plus terrible que le premier, renforçant discriminations et souffrances.
Les personnes transgenres - dont les plus jeunes - dans la ligne de mire de Donald Trump
L’une des mesures phares de la politique anti-droits du président élu vise directement les écoles et les jeunes transgenres : il s’agit en effet de définancer les établissements scolaires qui accueillent les enfants, adolescentes et adolescents transgenres, et acceptent en leur sein les changements de prénoms et pronoms. Une mesure dévastatrice qui pèserait lourdement et avant tout sur les écoles dépendant des subsides publics. Par ailleurs, les écoles seront tenues de promouvoir la famille « nucléaire et célébrant les rôles des mères et pères. »
« Si 2025 risque d’être l’année de tous les dangers pour les droits des personnes transgenres aux États-Unis, 2024 se révéla déjà bien sombre »
Une proposition qui généralise à l’ensemble des États des législations déjà en vigueur dans la moitié des États américains, ceux comptant parmi les plus conservateurs [2]. Cette mesure – si elle est votée – va restreindre très largement le droit à l’éducation pour les jeunes transgenres dont la reconnaissance de l’identité de genre ne sera plus possible dans la sphère scolaire. Un désespoir pour des jeunes qui affrontent souvent au quotidien moqueries, voire le harcèlement.
Si 2025 risque d’être l’année de tous les dangers pour les droits des personnes transgenres aux États-Unis, 2024 se révéla déjà bien sombre. En une seule année, les législations réduisant les droits des personnes transgenres – pourtant peu nombreuses à l’échelle du pays – ont connu une inflation sans précédent. 672 projets de lois ou législations ont vu le jour, dont 84 ont été votées interdisant notamment des traitements, des accès aux toilettes, certains livres ou contenus LGBTQIA+ [3].
Par ailleurs, le président élu Trump a annoncé fin décembre que tout service de santé permettant à des personnes mineures de bénéficier de traitements – que ce soit une transition hormonale ou chirurgicale – ne recevrait plus de subsides. Une mesure qui empêchera à des jeunes d’avoir accès aux soins de santé dont ils et elles ont besoin, violant ainsi leur droit à la santé, augmentant les risques de suicide [4] et qui amènera les services de santé à ne pas donner des soins adéquats par peur des représailles.
Mais les États-Unis ne sont pas le seul pays où les voyants sont passés au rouge pour les droits des personnes transgenres...
Les personnes transgenres, une communauté encore privée de ses droits dans de nombreux pays
Si des avancées ont été enregistrées en matière de reconnaissance des droits des personnes transgenres dans plusieurs pays, c’est loin d’être une généralité dans le monde. Ainsi, 13 États criminalisent explicitement les personnes transgenres, et ce, en majorité pour des raisons religieuses. Cette criminalisation se fait via des lois, que ce soit de manière directe, en visant spécifiquement la communauté transgenre, soit de manière plus indirecte, au travers de la pénalisation du « travestissement », des « nuisances publiques », de « l’indécence », voire de la « flânerie ». C’est entre autres le cas, en Europe, de la Hongrie, qui interdit depuis 2020 la reconnaissance de l’identité de genre.
À l’opposé, 90 autres États autorisent la reconnaissance juridique du genre, permettant aux personnes transgenres de changer leur état civil en fonction de leur identité de genre. Citons également le cas particulier du Bangladesh, qui a choisi de reconnaître un troisième genre, celui des hijras, nom ancestral donné à la communauté transgenre et intersexe (à noter que cette décision n’a pas encore permis une pleine égalité de droits pour la communauté transgenre bangladaise, qui subit encore des discriminations [5]).
C’est une bonne nouvelle, mais notons toutefois que seuls 25 États sur 195 dans le monde – dont la Belgique – permettent la reconnaissance du genre sans aucune contrepartie, toutes obligations d’interventions chirurgicales et/ou hormonales ayant été supprimées des législations.
Les droits humains comme nécessaire point focal
En conclusion, dans de nombreux pays, on observe des attaques systématiques contre les droits des personnes transgenres et une supposée « idéologie du genre ». Qu’il s’agisse du droit à la reconnaissance légale du genre, de la reconnaissance des familles LGBTQIA+ ou du droit d’accès aux soins de santé et aux services d’avortement, les arguments tendent à être très similaires.
Rapellons qu’en vertu du droit international, tenus par la nécessité absolue de respecter la dignité de chaque individu, le droit de vivre sans discrimination, ainsi que le droit à la vie privée et à la famille, l’ensemble des gouvernements de la planète devraient reconnaître le droit à changer son état civil en fonction de son identité de genre, sans y adjoindre de conditions spécifiques.
Il est également essentiel de ne pas perdre de vue que la non-reconnaissance des droits des personnes transgenres a des conséquences graves et profondes. Cette situation les expose à des discriminations systémiques, à des violences physiques et psychologiques, ainsi qu’à un accès limité à des soins de santé pourtant vitaux.
« Les droits des personnes transgenres sont des droits humains et chaque attaque contre ces droits fragilise la dignité et l’égalité pour toutes et tous. »
Refuser la reconnaissance légale du sexe en fonction de son identité de genre ou avoir des procédures lentes et/ou assorties de conditions, ce n’est pas seulement priver les personnes transgenres de documents administratifs adaptés, c’est également nier leur identité et les condamner à une vie de marginalisation et d’humiliation.
Dans un pays qui s’apprête à faire des personnes transgenres des parias, les mots éloquents de l’actrice transgenre Karla Sofia Gazcon lors de la cérémonie des Golden Globes ont résonné avec force : « La lumière l’emporte toujours sur les ténèbres. Vous pouvez nous mettre en prison, vous pouvez nous battre, mais vous ne pourrez jamais nous enlever notre âme, notre résistance ou notre identité. »
Nous aussi, élevons nos voix dans un contexte de discriminations accrues. Les droits des personnes transgenres sont des droits humains et chaque attaque contre ces droits fragilise la dignité et l’égalité pour toutes et tous. La Belgique – tant au sein de l’Union européenne que dans sa politique étrangère – a un rôle à jouer, en défendant systématiquement le respect des droits des personnes LGBTQIA+ et des personnes transgenres partout dans le monde.
Souvenons-nous que les conséquences de cette non-reconnaissance vont bien au-delà des individus concernés : elles portent atteinte à l’ensemble de la société. Nous devons rester intransigeants et protéger ces droits, car toute régression est une menace pour la justice et l’humanité que nous défendons.
Cette carte blanche a initialement été publiée sur le site du Soir