Bahruz Samadov est azerbaïdjanais et doctorant en sciences politiques. Il est passé notamment par l’Université libre de Bruxelles dans le cadre de ses recherches sur le conflit arméno-azerbaïdjanais et fait partie d’un centre de recherche de la VUB. Accusé d’avoir trahi son pays en raison de ses recherches sur la politique azerbaïdjanaise et de son implication dans la promotion du dialogue et de la paix entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, il est détenu depuis le 21 août dernier.
Défenseur renommé des droits humains en Azerbaïdjan, Anar Mammadli subit les foudres des autorités de son pays depuis de longues années. Il dirige le Centre de surveillance des élections et d’études sur la démocratie et a cofondé l’Initiative pour un climat de justice, un collectif qui cherche à promouvoir l’espace civique et la justice environnementale. Il a été arrêté le 29 avril et est accusé d’avoir introduit illégalement des devises étrangères en Azerbaïdjan. Ces accusations fabriquées de toutes pièces pourraient lui valoir jusqu’à huit ans d’emprisonnement.
Ulvi Hasanli est le directeur du média azerbaïdjanais indépendant Abzas Media. Tout comme ses collègues Sevinj Vagifgizi, Nargiz Absalamova et Mahammad Kekalov, et le journaliste d’investigation Hafiz Babali, il a été arrêté après la publication par Abzas Media d’allégations de corruption mettant en cause le gouvernement.
Il ne s’agit pas de cas isolés. Alors que la répression des voix critiques en Azerbaïdjan est loin d’être une nouveauté dans ce pays dirigé depuis plus de vingt ans par le président Ilham Aliyev, la situation s’est fortement aggravée depuis l’annonce de la tenue de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (29 COP) à Bakou.
Une répression qui s’aggrave à l’approche de la COP 29
Sous la pression des autorités, de nombreuses organisations de la société civile ont été fermées. Les médias indépendants sont aussi visés et plusieurs d’entre eux ont dû mettre un terme à leurs activités suite à l’arrestation des journalistes qui les faisaient vivre grâce à leur travail d’investigation sur des sujets comme la corruption ou des scandales financiers et environnementaux, dont certains impliquant les autorités. L’Azerbaïdjan a adopté des lois qui réglementent de manière excessive le travail des médias. Une loi adoptée en 2022 exige que les médias s’enregistrent auprès des autorités et les soumet à des conditions particulièrement onéreuses et restrictives.
On estime qu’approximativement 300 personnes – défenseur·es des droits humains, journalistes, manifestant·es pacifiques, avocat·es et activistes politiques – sont détenues après avoir été soumises à des procès inéquitables se basant sur des accusations de nature politique. Leurs conditions de détention ne respectent pas les normes internationales et les autorités les privent souvent de contacts avec les membres de leur famille et leurs avocat·es, mais aussi de soins de santé adaptés. Leurs familles ne sont pas à l’abri et peuvent aussi devenir des cibles pour les autorités, via des campagnes de dénigrement ou le gel de leurs avoirs. Dans un tel contexte, on comprend que de nombreuses personnes aient choisi de quitter le pays pour échapper à la répression.
Les participant·es à la COP 29 dans le viseur ?
En tant que pays hôte de la COP 29, l’Azerbaïdjan a conclu un accord avec les Nations unies qui définit les conditions d’accueil de cet événement planétaire. Cet accord [1] est loin de fournir des garanties suffisantes aux participant·es à la COP 29, en particulier lorsqu’il précise que ces dernier·es devront respecter les lois azerbaïdjanaises et s’abstenir d’interférer dans les affaires intérieures. Cette clause pourrait-elle voir des membres de la société civile internationale devenir les cibles de la répression des autorités azerbaïdjanaises ?
À moins d’un changement spectaculaire, la société civile indépendante et les voix critiques – en particulier azerbaïdjanaises – ne pourront pas participer pleinement à ce sommet essentiel pour la lutte contre le dérèglement climatique, ce qui nuira inévitablement à son résultat. Il est en effet indispensable que les voix – y compris critiques – de la société civile soient entendues pour que les négociations débouchent sur un résultat suffisamment ambitieux et respectueux des droits humains.
La Belgique doit faire entendre sa voix
Une délégation belge se rendra à Bakou pour participer à la COP 29. Parmi les membres de cette délégation figureront des membres des gouvernements régionaux et fédéral. Il est essentiel que leur participation aux négociations sur le climat contribue à obtenir des avancées réelles pour la justice climatique. Mais il est tout aussi indispensable que la Belgique fasse entendre une voix forte sur le respect des droits humains dans le pays hôte de la COP 29.
Les autorités azerbaïdjanaises chercheront très certainement à utiliser l’événement pour améliorer leur image et renforcer leur position sur la scène internationale. Face à cette stratégie de relations publiques et à la répression implacable des voix dissidentes, les autorités belges doivent avoir le courage de montrer qu’elles ne sont pas dupes et placer les droits humains au cœur de leur présence à Bakou. Se taire reviendrait à tolérer les abus aussi graves qu’innombrables dont sont responsables les dirigeant·es de l’Azerbaïdjan.
Signataires :
Amnesty International Belgique
Canopea
CNCD-11.11.11
CSC
FGTB
Greenpeace
Cette carte blanche a initialement été publiée sur le site de La Libre Belgique [2].