Bain de sang au marché de Douma en Syrie

Par Neil Sammonds, chercheur sur la Syrie pour Amnesty International, @nelsai

Les frappes aériennes du dimanche 16 août sur un marché très fréquenté, près de Damas, ont tué plus de 100 civils et en ont blessé près de 500 autres. Elles ont été dévastatrices, mais n’étaient pas surprenantes.

Ces attaques visant le marché de Sahat al Ghanem à Douma (Ghouta orientale) s’inscrivent dans une longue série de frappes lancées par le régime de Bachar el Assad contre les zones où l’opposition est active. Les avions de combat du gouvernement syrien, de fabrication russe, ont fréquemment pour tactique de viser des espaces publics très fréquentés, notamment des marchés ou des mosquées après les prières, s’acharnant manifestement à faire un maximum de victimes civiles et de destructions.

Mercredi 12 août, Amnesty International a publié un rapport intitulé ‘Left to Die under Siege’ : War crimes and human rights abuses in Eastern Ghouta, Syria’, dans lequel l’organisation recensait plus d’une dizaine de ces frappes aériennes. Les victimes, en nombres impressionnants, étaient dans leur immense majorité des civils. En l’absence de cibles militaires sur place ou dans les environs, la plupart des attaques semblent avoir directement ciblé les civils, ce qui constitue un crime de guerre.

Le jour même de la publication du rapport, les avions du régime ont attaqué ce même marché de Douma, ainsi que les marchés des villes voisines de Hamouriya, Kafr Batna et Saqba. Il y a eu des dizaines de victimes. Ces zones se trouvent toutes dans des zones passées sous le contrôle de groupes armés opposés à Bachar el Assad, et ces schémas d’attaque indiquent que les forces du régime veulent terroriser la population locale et rendre la vie aussi douloureuse que possible pour tous les habitants.

Dimanche 16 août, sur un temps de 10 minutes, quatre frappes aériennes ont été signalées sur le marché de Douma. De ce fait, alors que les habitants et les services d’urgence se précipitaient sur les lieux pour secourir les victimes, ils étaient frappés à nouveau – autant de cibles faciles pour les chasseurs perfectionnés qui les survolaient. Cette tactique, une fois encore, n’est pas une nouveauté.

Les installations médicales locales sont complètement dépassées. Un responsable médical a déclaré à Amnesty International qu’elles manquaient d’équipements de soins intensifs, de poches de sang, de réserves de fluides, d’antibiotiques, d’anesthésiques et de personnel. « La plupart des opérations sont effectuées par des étudiants », a-t-il ajouté.

Un militant local des droits humains que je connais depuis une dizaine d’années m’a confié qu’envoyer une ambulance pour récupérer les blessés et les emmener à un quelconque hôpital de campagne coûtait en carburant plus d’un mois du salaire moyen des habitants de la région.

Douma et la Ghouta orientale sont assiégées par le gouvernement et les forces alliées depuis plusieurs années, ce qui provoque de graves pénuries de denrées alimentaires de base et de médicaments. Ces pénuries auraient provoqué la mort de plus de 200 personnes. L’utilisation de la famine comme arme est également un crime de guerre.

Malgré ces souffrances généralisées et ces bains de sang, la communauté internationale reste paralysée au Conseil de sécurité des Nations unies et ailleurs. Combien faudra-t-il de nouveaux charniers de civils à Douma pour que le monde prenne enfin des mesures concrètes ?

La situation en Syrie aurait dû être déférée depuis longtemps à la procureure de la Cour pénale internationale. En outre, tous les États devraient recourir à la compétence universelle pour appréhender toute personne traversant leurs territoires et soupçonnée d’avoir commis des crimes de guerre et autres exactions dans le conflit en Syrie. La Russie et l’Iran doivent cesser de contribuer aux atrocités du régime, de même que d’autres pays doivent utiliser leur influence pour freiner les exactions commises par les groupes armés, notamment le groupe autoproclamé État islamique.

En attendant des changements dans ces domaines, Amnesty International et d’autres observateurs vont continuer de recenser ces crimes de guerre. Hélas, informer le reste du monde ne suffit pas.

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