Canada : Le discours d’Alicia Keys lors de la remise du prix Ambassadeur de Conscience

Hier soir, le prix Ambassadeur de la conscience d’Amnesty International a été remis à Alicia Keys pour son action et son engagement en faveur des droits humains.

À cette occasion, elle a prononcé le discours ci-après :

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».

Et de sororité !

Je ne vais pas déclamer toute la Déclaration universelle des droits de l’homme. Je vais m’arrêter là, à l’Article premier.

Longtemps, j’ai ignoré qu’il existait une déclaration universelle des droits de l’homme. Trop de gens, en dehors de cette salle, ignorent eux aussi son existence. Ou, s’ils la connaissent, s’en détournent délibérément. En font abstraction.

Libres et égaux en dignité et en droits.

Une demi-vérité, une demi-promesse faite il y a près de 70 ans. Une idée d’une simplicité si inaltérable. Si limpide, si sage.

Pourtant, il y a des gens parmi nous ce soir, sur cette terre, ce territoire des Kanien’kehá:ka, pour qui la défense de ces principes fondamentaux a été un combat désespéré, un voyage qui a exigé une résilience et une détermination immenses, le travail de toute une vie. Des gens remarquables. Des gens courageux. Cindy Blackstock, sénateur Sinclair, Delilah, Melissa, Widia, Melanie, je suis impressionnée par ce que vous avez accompli.

De l’autre côté de la frontière, au pays de la liberté, où je suis née, des gens livrent le même combat. Je m’interroge : pourquoi les personnes autochtones sont-elles les plus opprimées, elles qui sont là depuis le plus longtemps ? Pourquoi celles qui ont bâti un pays entier dans la sueur et les larmes doivent-elles encore se battre pour leur dignité ? Pourquoi nous battons-nous encore pour être vus, pour être entendus, pour être respectés ? Pour être…

libres et égaux.

En Amérique du Nord, nous sommes libres et égaux sur le papier, mais pas dans la réalité. Les femmes sont toujours moins payées que les hommes. Des enfants sont privés de nourriture, de soins de santé. Nos sœurs et frères LGBTQ sont victimes de crimes de haine. Et la couleur de notre peau détermine si nous pouvons rentrer chez nous sains et saufs après un contrôle routier de routine.

Je pense à Jordan Edwards, 15 ans à peine, abattu par un policier alors qu’il partait d’une fête en voiture. Je pense à Terence Crutcher, de Tulsa, dans l’Oklahoma, père de quatre enfants, non armé, tué par balle par une policière blanche, Betty Shelby. Je pense à Richard Collins III, un étudiant noir, poignardé à mort par un inconnu blanc, quelques jours à peine avant la cérémonie au cours de laquelle il devait recevoir son diplôme, la semaine dernière. Et à Sherrell Faulkner, la 11e femme transgenre de couleur tuée cette année aux États-Unis, mettant 2017 sur la bonne voie pour être l’année la plus meurtrière de l’histoire pour la communauté transgenre.

Libres et égaux ?

Mais il y a tant de lumières dans l’obscurité. Ericka Huggins. L’héritage laissé par votre lutte, les persécutions et les sacrifices que vous avez endurés pour défendre ces mêmes principes. Vous nous avez montré que malgré des pressions soutenues, aucun gouvernement, aucun président, passé ou actuel, ne peut nous priver de notre vision d’un monde plus sûr et plus juste, où les vies des Noirs comptent et où, comme Martin Luther King l’a rêvé, le désert étouffant de l’oppression est transformé en une oasis de liberté et de justice.

Les personnes qui militent pour une réforme de la justice pénale, les familles qui demandent justice pour leurs proches victimes de brutalités policières. Les défenseurs des droits de l’enfant qui veillent à ce que les mineurs aient une couverture d’assurance maladie. Les militants engagés dans la lutte contre le sida (dans des organisations comme Keep A Child Alive), qui sont déterminés à faire que des enfants et leurs familles ne soient plus touchés par cette maladie ; les communautés qui ouvrent leurs bras et leurs foyers aux personnes fuyant des guerres et des persécutions inimaginables. Van Jones, Leigh Blake, Bono, Tamika Mallory, Carmen Perez, Linda Sausor, « Maman » Carol, Pasquine Ogunsanya, DeRay McKesson, Alicia Garza, Opal Tometi et Patrice Cullors, Nicole Gonzales, Laverne Cox... Voilà les gens courageux chez qui je puise ma motivation, qui me poussent à crier plus fort et à faire davantage. Nous sommes tous, au bout du compte, guidés par le même principe.

Libres et égaux.

Revenons à cette promesse. Qu’est-ce qui nous encourage à agir lorsque nous voyons que les droits humains sont menacés ? Le fait qu’ensemble, nous pouvons changer les choses. Car c’est écrit là, dans l’Article premier : Nous sommes tous doués de raison et de conscience.

Et nous sommes tous liés les uns aux autres. Peuples autochtones, personnes de couleur, femmes, réfugiés, immigrants, personnes LGBTQ, personnes de toutes confessions, personnes handicapées... nous savons ce que cela signifie d’être privés de nos droits. De ne pas être respectés. De perdre courage. De savoir que nos vies sont en danger. Mais nous sommes tous concernés. Et je continue à croire qu’ensemble, nous sommes plus forts. Lutter pour l’un de nous, c’est lutter pour nous tous.

Nous luttons en prenant la parole. Nous luttons en nous faisant entendre. Écrivez une lettre. Signez une pétition. Défilez. Faites un don. Écrivez une chanson ou un poème. Appelez vos représentants. Engagez la conversation avec un inconnu. Défiez l’autorité.

Pouvons-nous compter les uns sur les autres pour prendre la parole de toutes les façons possibles ?

Car sur qui compter pour soutenir le combat pour la liberté, la promesse de dignité et d’égalité, si ce n’est sur nous-mêmes ?

Nous comptons les uns sur les autres. Nous avons pour responsabilité première, pour responsabilité durable, de nous soutenir les uns les autres, avant tout. D’avoir une conscience. De respecter la vie des autres.

Et nous pouvons compter sur Amnesty International. Cela fait plus de 60 ans qu’elle défend les droits universels de la personne, dénonce les injustices et mobilise des millions de personnes dans le monde entier pour qu’elles résistent et exigent des changements.

Amnesty, merci de tendre ce miroir à l’humanité – de nous montrer que nous sommes capables de plus de gentillesse, de compassion et d’amour que nous le pensons. Vous nous avez inlassablement rappelé cette vérité, et rappelé que nous ne pouvions la traduire dans les faits qu’en étant solidaires et en faisant valoir les droits qui sont les nôtres.

John Lennon a dit : « Un rêve que l’on rêve seul n’est qu’un rêve. Un rêve que l’on rêve ensemble peut devenir réalité. » Nous rêvons tous ensemble, ce soir. C’est pour moi un honneur et une source de motivation que d’être votre Ambassadrice de conscience, et je suis à vos côtés.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit