Le changement climatique n’a pas besoin de visa pour traverser les frontières Par Rimmel Mohydin, chargée de campagne sur l’Asie du Sud

Il est temps de commencer à parler du réchauffement climatique comme d’une question de vie et de mort. Parce que c’est le cas. La vague de chaleur actuelle au Pakistan est la manifestation d’une vérité aussi déplaisante que le temps qu’il fait : le changement climatique est là, et il ne nous fera pas de quartier.

C’est simple. Les gaz à effet de serre emprisonnent la chaleur et réchauffent la planète. Plus de gaz à effet de serre sont émis, plus la planète se réchauffe. Plus la planète se réchauffe, plus nous nous approchons de la ruine.

Selon des journalistes de Carbon Brief, les changements climatiques causés par des comportements humains ont accru la probabilité ou la gravité de 68 % des phénomènes météorologiques extrêmes étudiés depuis 2011. Les vagues de chaleur représentent 43 % de ces phénomènes, les sécheresses 17 %, et les fortes précipitations et inondations 16 %.

La richesse des pays industrialisés, qui s’est bâtie sur les énergies fossiles et des pratiques contraires à une gestion durable, a rendu plus instable le monde dans lequel nous vivons tous, et le changement climatique n’a pas besoin de visa pour traverser les frontières.

Le fait que les canicules soient devenues saisonnières au Pakistan, catégorisables par année, devrait terrifier tout le monde. Les villes de ce pays battent désormais des records en la matière. En 2018, la température est montée jusqu’à 50,2°C à Nawabshah - il s’agissait de la journée la plus chaude jamais enregistrée sur terre au mois d’avril. Il y a quelques jours, il a fait 51°C à Jacobabad.

Aussi manifeste que soit le problème au Pakistan, les autorités n’ont toujours pas agi de manière adéquate sur les liens unissant le changement climatique, les conditions climatiques extrêmes et la survie du genre humain. Il n’y a aucun doute, l’inaction face à la crise climatique est une violation de nos droits fondamentaux et des mesures de protection auxquelles nous avons droit.

Quelque 65 personnes sont mortes lors de la canicule de 2018, et près de 1 200 en 2015. Environ 1 600 ont été tuées par les inondations de l’été 2010. Les plus favorisés auront la possibilité de se soustraire au danger immédiat, mais finiront par connaître le même sort que les plus marginalisés d’entre nous.

Quand les gouvernements s’abstiennent de réduire les émissions dans les proportions et avec la rapidité recommandées par les scientifiques, lorsqu’ils négligent les besoins des personnes les plus affectées par les phénomènes climatiques extrêmes ou lorsqu’ils ne réglementent pas les conditions de travail lors des vagues de chaleur, ils échouent dans leur mission de protection de nos droits.

Il est probable que les pays tels que le Pakistan, dont les ressources pour faire face aux pires impacts du changement climatique sont limitées, seront les premiers touchés par le chaos que la crise climatique va semer sur la planète. Le Pakistan pourrait devenir le septième pays le plus affecté dans le monde, alors qu’il n’est responsable que d’1 % des émissions de gaz à effet de serre.
Les paysans éprouvent désormais des difficultés à s’adapter à une réalité dans laquelle les cultures ne poussent plus au même moment qu’avant, il pleut quand il ne le devrait pas et la sécheresse survient lorsqu’ils ont le plus besoin de pluie. Ils savent que quelque chose a changé.

Les choix de pays plus riches tels que les États-Unis, la Russie, la Chine et la plupart des États européens, dans des secteurs cruciaux comme l’énergie, l’industrie, l’agriculture et les transports, par exemple, ont mis en péril la survie de millions d’habitants de l’hémisphère Sud.

La richesse des pays industrialisés, qui s’est bâtie sur les énergies fossiles et des pratiques contraires à une gestion durable, a rendu plus instable le monde dans lequel nous vivons tous, et le changement climatique n’a pas besoin de visa pour traverser les frontières.

Pour réparer cette injustice, le Pakistan doit se faire entendre. Il doit dénoncer la violation des droits humains que constitue l’échec de la réduction des émissions. Lors des forums internationaux, le Pakistan peut devenir le fer de lance de la justice climatique pour l’hémisphère Sud. Il a toutes les raisons d’accroître la pression sur l’hémisphère Nord - dont le principal représentant nie l’existence du changement climatique - en faveur d’un transfert des financements relatifs au changement climatique et des technologies vertes vers les pays qui en ont le plus besoin.

Mais la crédibilité est importante pour un mouvement de ce genre, et il serait difficile d’inspirer confiance si le Pakistan ne respectait pas son obligation immédiate de réduire les émissions dans toute la mesure de ses moyens - une tâche devenue tout à fait réalisable, puisque le prix des énergies renouvelables diminue de manière continue chaque année et est désormais compétitif par rapport aux énergies fossiles.

Une évolution en faveur des énergies renouvelables qui soit respectueuse des droits humains est nécessaire dans les portefeuilles d’entreprise, et s’abstenir de prendre des mesures en ce sens doit donner lieu à de lourdes sanctions. Ce n’est que justice. Leurs agissements nous pénalisent tous. Lorsque leur enrichissement se fait au prix de l’anéantissement de la planète, cela ne doit pas rester sans conséquence.

Il est tout aussi important que le Pakistan prenne les mesures qui s’imposent afin d’aider chaque personne dans le pays à s’adapter aux effets prévisibles et inévitables du changement climatique, de sorte que nos droits, notamment à la vie, au logement, à la santé et à l’assainissement, soient respectés.

Le ministère du Changement climatique - un des très rares dans le monde à se pencher explicitement sur la question - doit disposer des pouvoirs nécessaires afin de continuer sur la lancée des votes respectables du Pakistan sur la scène internationale en matière de conservation de l’environnement. L’action en faveur du climat doit être institutionnalisée par le biais d’un soutien et d’une participation politiques dignes de ce nom.

Le Premier ministre Imran Khan distance de nombreux dirigeants sur le terrain de la compréhension du changement climatique, et il l’a fait savoir. Lors du Sommet des Nouvelles routes de la soie, à Pékin, en avril, la première des cinq initiatives qu’il a proposées avait expressément pour objectif d’atténuer les effets du changement climatique.

Il doit désormais montrer l’exemple, en mettant en place des politiques ambitieuses et centrées sur les droits humains, afin de réduire les émissions et de protéger le peuple du Pakistan des effets du changement climatique, ainsi qu’en devenant un véritable défenseur de la justice climatique sur la scène internationale.

Au Pakistan, les conversations de tous les jours ont souvent porté sur des menaces existentielles : le terrorisme, la guerre avec l’Inde, l’économie...mais jamais la crise climatique, qui s’annonce comme la plus grave de toutes. Il est temps que nous commencions à en parler comme s’il s’agissait d’une question de vie et de mort. Parce que c’est le cas, et cela n’a rien d’une exagération.

Cet article a été publié dans le journal Dawn

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