COVID-19 : un défi urgent pour les droits humains

Afrique australe

Deprose Muchena est directeur du bureau régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe d’Amnesty International

Tout le monde parle du COVID-19, que ce soit dans nos maisons, dans la rue, dans les lieux publics, à la radio, dans les journaux ou sur les chaînes de télévision internationales. Pour réduire sa transmission, les autorités ont recommandé des mesures préventives, à savoir garder une distance raisonnable avec les autres, adopter une bonne hygiène personnelle, comme se laver régulièrement les mains, et éviter de porter sa main au visage. Face au COVID-19, les gouvernements du monde entier ont riposté en décrétant une série de mesures visant à contenir sa propagation, notamment en restreignant la liberté de mouvement et en imposant la distanciation sociale dans les lieux publics comme dans les centres commerciaux, les trains et les églises.

En Afrique de l’Est et en Afrique australe, certains gouvernements, tels que le Rwanda, l’Afrique du Sud, l’Ouganda et le Kenya, ont mis en place des mesures sans précédent avec un « confinement » au niveau national, ce qui comprend la fermeture des écoles, la restriction de circulation des populations et la limitation des heures d’ouverture des bars et des restaurants voire leurs fermetures. Le nombre de personnes présentes lors de rassemblements dans les églises, lors d’obsèques et dans d’autres lieux publics a également été limité. Dans certains pays comme en Afrique du Sud, les forces de sécurité sont chargées de faire respecter ces mesures en patrouillant dans les rues.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, le COVID-19 est actuellement présent dans plus de 195 pays et territoires à travers le monde. Ni les riches ni les pauvres ne sont épargnés. Le nombre de morts et le nombre de personnes testées positives au virus augmentent de jour en jour. On constate en Afrique une hausse quotidienne des cas positifs détectés. L’épidémie a été déclarée catastrophe nationale dans des pays comme l’Afrique du Sud et le Zimbabwe au regard des conséquences désastreuses dont pourraient souffrir les populations défavorisées et marginalisées, en particulier dans les zones de forte densité de population où l’eau, les installations sanitaires et les infrastructures de soins de santé font défaut.

À l’heure où nous rédigeons ces lignes, l’Afrique du Sud a enregistré un bilan record de cas confirmés avec plus de 900 contaminations. Mais le pays ne compte jusqu’à présent aucun décès. Il note aussi les premiers signes de rétablissement chez certains patients. Au Zimbabwe, le COVID-19 a toutefois fait une première victime. Il s’agit de Zororo Makamba, un jeune journaliste de télévision très connu dans le pays. Il a succombé à l’infection après qu’il aurait été isolé à l’hôpital Wilkins à Harare, le centre de santé de référence du gouvernement pour le COVID-19, mais sans avoir reçu aucun traitement. Selon certaines informations, l’hôpital Wilkins souffre d’un manque d’équipements de soins intensifs, notamment des respirateurs médicaux et du matériel de protection pour les professionnels de santé. Dans le contexte d’une flambée épidémique, les États ont l’obligation de veiller à la disponibilité et à l’accessibilité pour toutes et tous de soins, de biens, de services et d’informations de prévention.

Toujours au Zimbabwe, le cas d’un patient mis en isolement fin mars pendant plusieurs jours à l’hôpital Thorngrove à Bulawayo a été signalé. Il n’aurait pas été testé en raison de l’absence des kits médicaux qui sont indispensables au dépistage du COVID-19.

En Angola, un vol en provenance du Portugal le 22 mars a débarqué environ 280 passagers de classe économique, qui ont été conduits dans un lieu situé à environ 50 kilomètres de l’aéroport de Luanda aux fins de quarantaine forcée. Selon des informations, 20 autres passagers de première classe ont été emmenés vers un hôtel local pour une mise en quarantaine. Ils n’auraient pas été informés du lieu où ils ont été conduits, les hommes et les femmes ayant aussi été séparés.

L’épidémie touche également Madagascar avec 23 cas confirmés de COVID-19 au 26 mars. Or les prisons du pays comptent des milliers de personnes détenues qui vivent dans des conditions déplorables [1] et dont un grand nombre attendent d’être jugées. Une catastrophe se profile à l’horizon si le COVID-19 franchissait les murs des prisons. Amnesty International a rassemblé en 2018 des informations selon lesquelles le recours excessif à la détention provisoire s’est traduit par une forte surpopulation des prisons, de nombreuses personnes ayant été incarcérées pour des infractions mineures comme le vol d’un poulet par exemple. Cette situation implique que les personnes détenues ne pourront pas respecter les gestes barrière comme le lavage des mains et le maintien d’une distanciation sociale. Les autorités malgaches doivent envisager de libérer certaines personnes détenues de façon provisoire afin d’atténuer l’impact probablement désastreux du COVID-19 dans les prisons, en particulier pour les personnes détenues âgées ou déjà malades qui ne représentent aucune menace pour la société. Une libération pourrait être envisagée pour certaines d’entre elles.

La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a déjà fait part de ses préoccupations [2] quant à la propagation de la pandémie à travers le continent, notamment au sujet de la faible capacité de la plupart des pays à effectuer des tests de dépistage. Elle s’inquiète aussi des conséquences désastreuses de l’épidémie sur les populations à risque, telles que les personnes âgées, les sans-abri et les personnes vivant dans des logements inadéquats comme les bidonvilles, les réfugiés et les personnes avec un système immunitaire affaibli en raison d’affections sous-jacentes.

Bien que certains pays aient adopté des mesures de protection pour lutter contre la diffusion du virus, comme la distanciation sociale par le confinement des populations chez elles, les États doivent aussi garantir, dans le contexte épidémique, la disponibilité et l’accessibilité de soins, de biens, de services et d’informations de prévention pour toutes et tous. Il s’agit notamment de communiquer des informations exactes, scientifiquement fondées et facilement accessibles sur la façon dont les gens peuvent se protéger, et de veiller à ce que les biens nécessaires à la prévention soient disponibles, physiquement et financièrement, pour toutes et tous.

Les pays qui ne sont pas en mesure d’y répondre doivent demander de l’aide à la communauté internationale. La coopération et la solidarité au niveau international sont donc fondamentales en cette période. Tous les pays qui peuvent agir doivent le faire aussi rapidement que possible. L’action engagée doit elle-même être respectueuse des droits et tenir compte des besoins immédiats comme à long terme, sans oublier les besoins particuliers de groupes marginalisés précis.

Cet article a été publié initialement par The Daily Maverick [3].

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