Échec des négociations sur le climat à Madrid. Et maintenant ?

« Que voulons-nous ? La justice climatique ! Quand la voulons-nous ? Maintenant ! » Si vous avez assisté ne serait-ce qu’à une marche pour le climat, vous avez forcément entendu ce slogan. Il est devenu emblématique de l’expression des inquiétudes quant à la crise climatique.

Ce slogan simple reflète des demandes profondes fondées sur des principes de droits humains. Il reflète l’appel à une action pour le climat de la part des gouvernements et des entreprises, en vue d’éviter des conséquences encore plus catastrophiques pour les droits humains que celles dont nous sommes déjà témoins. Il reflète la demande formulée aux États riches et industrialisés qui ont le plus contribué au changement climatique de prendre leurs responsabilités afin de remédier à certaines des injustices accentuées par le changement climatique. Il reflète le rappel que l’action pour le climat doit être centrée sur la participation de la population et les droits humains, y compris les droits des populations autochtones. Cette action doit à tout prix éviter les atteintes aux droits humains et contribuer à avancer vers une société plus égalitaire, plus juste et plus inclusive pour tous.

Et pourtant, les considérations relatives aux droits humains jouent toujours un rôle marginal dans les négociations sur le climat. Les résultats des négociations sur le climat à Madrid lors de la COP25 en sont une nouvelle preuve.

Après une année marquée par des grèves scolaires et des mobilisations massives pour le climat dans de nombreux pays du monde, il était attendu des États qu’ils prennent des mesures en ligne avec l’urgence prouvée par les scientifiques et de plus en plus ressentie par la population. Au lieu de cela, la plupart des pays les plus riches et des autres pays gros émetteurs de gaz à effet de serre sont restés campés sur des positions à court terme égoïstes, empêchant ainsi tout progrès.

Bien que la décision finale de la COP25 reconnaisse l’urgence d’une action pour le climat renforcée, elle ne fixe cependant aucune obligation pour les États de mettre en place des projets nationaux ambitieux pour le climat en 2020 qui permettraient de limiter la hausse mondiale moyenne des températures à moins de 1,5 °C. Cela démontre un mépris total pour les droits humains des personnes qui seront les plus touchées par les conséquences de plus en plus graves du changement climatique. Pour des millions de personnes dans le monde, l’élaboration et, surtout, la mise en œuvre de projets solides en matière de climat sont une question de vie ou de mort.

Les pays les plus riches sont responsables de la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre et en ont profité pendant des années, alors que les personnes vivant dans des pays pauvres sont les principales victimes des dégâts causés par la crise climatique. À Madrid, ils avaient l’occasion de reconnaître ce déséquilibre historique et d’assumer leur responsabilité de payer pour les ravages déjà causés par le changement climatique, comme les cyclones, les sècheresses et l’élévation du niveau des océans. Au lieu de cela, ils se sont opposés à la mobilisation de ressources supplémentaires pour soutenir les personnes affectées. Cela revient à tourner le dos à près de quatre millions de personnes qui ont perdu leur logement, leurs moyens de subsistance et l’accès aux services publics lorsque deux cyclones ont ravagé le Mozambique [1] en 2019 et aux habitants des îles du Pacifique qui ont besoin d’être réinstallés de toute urgence en raison de l’élévation du niveau de la mer.

De la même manière, les États ne sont encore une fois pas parvenus à un accord sur des mécanismes qui permettraient aux pays d’échanger des droits d’émission (compensation carbone). Des pays comme l’Australie, le Brésil et la Chine continuent de faire pression en faveur de failles qui auraient pour effet d’affaiblir les mesures d’atténuation du changement climatique, bafouant ainsi les droits des personnes les plus menacées par les effets du changement climatique.

En outre, les États ont été réfractaires à l’idée d’inclure des références explicites à la protection des droits humains dans les règles de compensation carbone. Ces garanties sont nécessaires (et devront être établies lors des prochaines négociations) pour veiller à ce que les impacts négatifs en termes de droits humains puissent être évalués avant l’adoption de projets et à ce que les personnes directement touchées par les projets sur le marché carbone aient leur mot à dire dans l’élaboration de ces mesures. Ceci est une demande très importante des populations autochtones [2], qui ont trop souvent payé le prix de projets de lutte contre le changement climatique mal conçus, comme des barrages hydro-électriques ou des projets de biogaz, lancés sans que leur consentement préalable libre et éclairé ait été obtenu et ayant entraîné des expulsions forcées, une pollution de l’eau ou des atteintes à leurs droits culturels.

Le bilan de ces dernières négociations sur le climat brosse un tableau bien sombre. La frustration était palpable lors de la COP25 et des observateurs de la société civile ont ainsi organisé des actions fortes en direct [3] sur les lieux des négociations le 11 décembre. Les agents de sécurité de l’ONU ont réagi à ces actions en expulsant plus de 300 observateurs pour la journée, une décision inédite.

Mais l’espoir vient des gens, comme l’a dit Greta Thumberg dans son discours [4] lors de la séance plénière de la COP. L’espoir vient des chants en faveur de la justice climatique qui résonnent partout et des gens qui les entonnent avec passion. L’espoir vient du fait que les militants pour le climat sont chaque jour plus nombreux et du fait que nos demandes sont de plus en plus alignées.

En 2020, nous devrons aller encore plus loin. Nous devons former des coalitions solides à l’échelle nationale pour exiger une action pour le climat ambitieuse et respectueuse des droits humains qui permette une transition juste menant à l’abandon des combustibles fossiles. Nous devons nous mobiliser comme jamais auparavant. Le combat le plus important au monde exige la mobilisation du mouvement de masse le plus grand, le plus uni et le plus divers jamais réuni dans le monde. Alors que l’année 2019 touche à sa fin, nous avons l’occasion de faire de l’engagement en faveur de la justice climatique notre résolution pour l’année 2020.

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