Une situation alarmante
Détresse psychologique. Décrochage scolaire. Violences intrafamiliales. Listes d’attente dans les services de pédopsychiatrie. Manque de perspectives. Augmentation de la pauvreté infantile... Les impacts de la pandémie sur les enfants et les jeunes sont alarmants : leur sécurité, leur vie de famille, leur développement corporel, cognitif, émotionnel, social… sont en péril.
Si la vaccination offre quelques espoirs, le tableau reste bien sombre, et peu d’éléments nous rassurent quant à la suite. Les conséquences sont et seront dramatiques pour la jeunesse. C’est d’ailleurs le constat déjà dressé dans de nombreux rapports, rédigés par le secteur des droits de l’enfant [1] .
Dans ce contexte très inquiétant, il faut reconnaitre que les autorités ont été attentives aux difficultés des enfants et des jeunes : présentiel à 100% pour l’enseignement spécialisé, et partiel pour le classique, fonds supplémentaires pour l’accueil de la petite enfance, et pour l’aide à la jeunesse… Mais ces mesures sont très insuffisantes.
Agir en amont : la participation et l’intérêt supérieur de l’enfant
Ces mesures se veulent, surtout, curatives, et ont donc souvent un temps de retard… Il est pourtant possible, et indispensable, d’intégrer les droits de l’enfant plus tôt dans leurs décisions. Depuis un an, c’est une demande que font, d’une seule voix, tant les jeunes que les associations et les professionnel-le-s du secteur.
Cette exigence, c’est le respect du droit des enfants à participer aux décisions qui les concernent. Celui-ci implique plusieurs prérequis. Premièrement, qu’on leur demande leur avis sur les mesures. Ensuite, qu’elles leur soient communiquées directement et dans un format adapté à leur âge et à leurs capacités, en aval comme en amont. Enfin, au grand minimum, que des expert-e-s en droits de l’enfant soient consulté-e-s dans ces résolutions, pour veiller à ce que l’intérêt de l’enfant y prime.
Une inertie inquiétante
Trois millions de nos citoyens et citoyennes sont absent-e-s des décisions qui les concernent. On ne leur demande rien. On ne leur dit rien.
Un des neufs objectifs du Plan d’actions relatif aux droits de l’enfant, adopté cette année en Fédération Wallonie-Bruxelles, est de « garantir la participation des enfants aux décisions qui les concernent ». En attendant de voir sa mise en œuvre, c’est au moins une lueur d’espoir. Car pour l’instant, seul un exemple de communication directe et adaptée aux enfants nous vient à l’esprit : la semaine passée, le Premier Ministre s’est rendu dans les deux journaux télévisés pour enfants du pays, pour discuter avec eux. Après un an de crise sanitaire, il était temps !
A l’heure où l’on écrit ces lignes, on apprend que la possibilité de fermer les écoles est à nouveau sur la table, alors que les expert-e-s pédiatres répètent sans arrêt qu’elles sont essentielles. Après 365 jours de covid-19, demander l’avis de la jeunesse sur les mesures ne semble toujours pas une priorité. Demander celui des adultes non plus, d’ailleurs. Les associations de défense des droits humains appellent pourtant depuis des mois à la tenue de débats ouverts sur la gestion de la crise. On ne trouve d’ailleurs pas de trace de la participation dans la loi pandémie. Qu’est-ce que cela dit à nos enfants et nos jeunes de notre démocratie en Belgique ?
Un cri à l’unisson
Un an après le début de la pandémie, on en est donc toujours à la case départ en ce qui concerne le droit à la participation. Dans la même année, pour pallier les manquements de l’Etat, la société civile n’a pas chômé. Elle a essayé d’offrir des espaces d’expression aux enfants et aux jeunes, à l’image des campagnes « Mon Cri » d’Amnesty International, lancée en février, ou « #Enviedecole », d‘UNICEF Belgique l’été dernier. Elle leur a communiqué des informations, via des plateformes comme « Joy », née en juillet 2020 [2] . Et elle a remis des rapports au groupe d’experts qui conseille les autorités.
Ces voix ne parlent pas assez fort ? S’y sont jointes des dizaines de cartes blanches de psychologues, de pédiatres, de pédopsychiatres, d’enseignant-e-s, de travailleurs sociaux, d’instances indépendantes, de jeunes…
Ce cri à l’unisson ne suffit pas ? Depuis le 23 février, des milliers de Belges se rassemblent chaque dimanche à travers le pays, via le mouvement citoyen « Trace ton Cercle », pour soutenir la jeunesse. Et, cette semaine, UNICEF Belgique, la Belgian Pediatric COVID-19 Task Force et l’Académie royale de pédiatrie ont fermement pris position contre la fermeture des écoles.
Mais combien de pétitions, de plateformes, de mouvements citoyens, de rapports, d’analyses, de cartes blanches, va-t-il encore falloir pour que l’on comprenne l’importance d’intégrer la jeunesse dans les décisions qui la concernent ? Les principes de l’intérêt supérieur et de la participation sont deux piliers de la Convention internationale des droits de l’enfant. La Belgique l’a ratifiée et s’est engagée à la respecter. La société civile ne devrait donc pas avoir à faire ces demandes.
Un message clair
Mais elle le fait quand même… et son message est clair. Répétons-le encore : il faut prendre en compte l’intérêt supérieur des enfants et des jeunes dans les décisions qui les concernent. Demandez-leur ! Écoutez-les ! Parlez-leur ! Pas seulement dans cette crise, mais tout le temps. La participation n’est pas un cadeau qu’on leur fait, c’est un droit. Les enfants et les jeunes ne sont pas une variable d’ajustement. Ils sont des citoyens et des citoyennes, même sans droit de vote. Sans participation, ils doivent se contenter d’être les cibles des mesures. Pour apporter une meilleure compréhension de la situation, une plus grande adhésion et des solutions plus adaptées, il faut aussi qu’ils en soient les acteurs. Vous seriez surpris de leur lucidité, si vous preniez la peine de vous adresser à eux.
Le message est clair, crié au porte-voix par la société civile qui alarme, qui s’échine, qui s’épuise. Qui se demande si son rôle démocratique de défense des intérêts des enfants est vraiment respecté. Sa voix doit être entendue et prise en compte, pour que celle de la jeunesse le soit aussi.
Cette carte blanche a initialement été publiée sur le site de La Libre Belgique [3] .
La Coordination des ONG pour les droits de l’enfant rassemble 15 associations membres :
- Amnesty International
- ATD Quart Monde Jeunesse Wallonie-Bruxelles
- BADJE (Bruxelles Accueil et Développement pour la Jeunesse et l’Enfance)
- Défense des Enfants International (DEI) Belgique
- ECPAT Belgique
- Famisol - Familles Solidaires
- Forum des Jeunes
- GAMS Belgique
- Le Forum - Bruxelles contre les inégalités
- Ligue des droits humains
- Ligue des familles
- Plan International Belgique
- Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté
- Service droit des jeunes Bruxelles
- UNICEF Belgique
Pour plus d’informations :
- Trace ton cercle : https://tracetoncercle.be/fr
- Mon cri : https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/parleur-jeunes-temps-covid
- Envie d’école : https://enviedecole.unicef.be/
- Joy : https://www.joy-platform.be/fr/accueil/
- Rapport d’UNICEF Belgique : https://ncrk-cnde.be/IMG/pdf/annexe_unicef_belgique.pdf
- Rapport du DGDE et de l’OEJAJ : https://ncrk-cnde.be/IMG/pdf/annexe_dgde_-_oejaj.pdf
- Rapport de la CODE et de la Kireco : https://ncrk-cnde.be/IMG/pdf/annexe_code_-_kireco.pdf
- Rapport de la Kireco et du KRC : https://ncrk-cnde.be/IMG/pdf/bijlage_krc_-_kireco_-_keki.pdf
- Enquête de Joy : https://ncrk-cnde.be/IMG/pdf/communique_joy_14082020_def.pdf