Une émission de radio diffuse des débats en direct sur les droits humains et la police dans un bidonville kenyan

Par Kajuju Maore, Camille Roch

Tous les premiers jeudis du mois, le journaliste de Pamoja FM, Philip Muhatia, se prépare pour son émission de radio Change with the Police. À sept heures du matin, il est prêt pour une heure de débat en direct qui répondra aux questions des habitants du bidonville de Kibera, au Kenya.

Philip Muhatia, également connu sous le nom du « Lion qui mange des humains », est la voix de l’émission de radio Change with the Police. Une fois par mois, Philip s’installe au micro de la radio pour parler de questions relatives aux droits humains et des réformes de la police avec les habitants de Kibera, le plus grand bidonville urbain d’Afrique orientale et centrale (dans le sud de Nairobi).

L’émission Change with the Police, diffusée depuis avril 2015, vise à augmenter la participation publique au processus de réforme de la police à travers l’éducation aux droits humains. Environ 2 000 personnes suivent l’émission en direct, au cours de laquelle des experts discutent des réformes et répondent aux questions et commentaires des auditeurs.

Philip est chef de projet pour la radio locale gérée par des bénévoles, Pamoja FM. Tous les mois, il programme avec son équipe les sujets qui seront débattus. « Notre prochaine émission traitera de l’origine de la réforme de la police », explique-t-il. « Nous reviendrons sur la crise postélectorale de 2007 au Kenya et analyserons les origines du processus et les raisons pour lesquelles ces réformes sont importantes pour le pays. »


[argent]Philip Muhatia (à droite) anime le débat sur la réforme de la police pendant l’émission « Rights Radio Show », plus tard renommée « Change with the Police » ;. Nairobi, Kenya, 21 octobre 2014 © Amnesty International Kenya[/argent]

Philip explique que beaucoup de personnes appellent le studio pour comprendre ce que la réforme de la police implique. Il s’agit de la réaction du gouvernement pour lutter contre la corruption et encourager la transparence et la responsabilité des forces de police. Les auditeurs posent des questions sur le processus d’examen des policiers et sur la manière dont ils peuvent exercer leurs droits à l’information et à la participation citoyenne.

« Pendant des siècles, les relations entre la police et la population ont été conflictuelles. De nombreuses violations des droits humains ont eu lieu, particulièrement dans les bidonvilles où je travaille. Les cas de torture, de violence et d’inhumanité étaient toujours plus fréquents, ce qui alimentait une atmosphère de panique au sein de la population entière. Ni la police ni les habitants ne connaissent leurs droits. Ils ne savent par exemple pas qu’ils ont le droit d’être informés des raisons de leur arrestation et ne savent pas non plus comment et où signaler les cas d’infractions commises par la police », explique Philip. « J’ai réalisé qu’il était nécessaire que je m’implique en informant mes auditeurs sur l’utilisation de la radio comme plateforme permettant de communiquer avec un grand nombre de personnes ».

Animer une émission sur les droits humains a valu à Philip la réputation de n’avoir peur de rien, d’où le surnom que ses auditeurs lui ont donné : le Lion qui mange des humains (Simba Mla Watu en swahili).

« L’émission « Change with the Police » permet aux habitants des bidonvilles de former une communauté avertie qui connaît ses droits, ses libertés et ses responsabilités, et qui est capable de faire des choix informés pour la prospérité du pays. »

Avant de lancer cette émission, Philip a participé à une formation d’éducation aux droits humains d’Amnesty International Kenya, apprenant ainsi à animer une émission de radio sur les droits humains. « Au cours de nos études de journalisme, les droits humains n’ont jamais été une priorité. Les étudiants en apprennent donc très peu sur la défense des droits humains et les méthodes de sensibilisation à ces questions. La formation d’Amnesty International Kenya a été utile non seulement pour la population des bidonvilles, mais également pour notre équipe, tous ayant appris à transmettre et diffuser les informations et à nous battre pour nos droits. Tellement de violations des droits humains ont lieu à Kibera. Maintenant, nous essayons de les combattre en communauté informée. »


[argent]Entretien entre Philip Muhatia et Michel Banz, à l’époque conseiller en éducation aux droits humains au Centre international d’éducation aux droits humains, faisant une analyse comparative des services de police au Kenya et au Danemark. Nairobi, Kenya, 21 octobre 2014 © Amnesty International Kenya[/argent]

« Kibera était l’un des principaux théâtres des violences et brutalités policières pendant les violences postélectorales de 2007-2008. C’est ce que nous essayons de changer en soutenant l’émission de radio et en mettant en place des projets avec les populations locales, comme par exemple des projets de théâtre participatif à but éducatif », déclare Juniper Wanjiru, assistant du programme Croissance et éducation aux droits humains d’Amnesty International Kenya.

Depuis que l’émission a été lancée, Pamoja FM a pu accorder plus de temps d’antenne à Change with the Police et l’émission est maintenant également diffusée le samedi après-midi. « Au fil du temps, l’émission de radio a développé son contenu et nous avons maintenant pour projet de mettre en place une initiative similaire avec une autre radio locale dans la ville de Kisumu », ajoute Juniper.


[argent]Michel Banz, à l’époque conseiller en éducation aux droits humains au Centre international d’éducation aux droits humains, et Charles Nyukuri, coordinateur du programme Croissance et éducation aux droits humains d’Amnesty International Kenya, discutent avec les auditeurs de l’état des réformes de la police. Nairobi, Kenya, 21 octobre 2014 © Amnesty International Kenya[/argent]

À en juger par les discussions à la station de radio, Philip pense que les habitants ont acquis une meilleure compréhension de leurs droits et changent d’attitude envers la police. « Certains habitants ont commencé à organiser un forum public collaboratif où ils invitent la police pour aborder les problèmes de sécurité. Ce type d’initiative n’a jamais été mis en place auparavant, en raison des relations conflictuelles entre les deux groupes », explique-t-il.

À travers des émissions de radio sur les droits humains et des forums ouverts, Philip espère informer des personnes de professions et d’origines sociales diverses. « Beaucoup de problèmes persistent, comme les droits des femmes par exemple. Une émission de radio permettrait d’informer de très nombreuses personnes ».

Pour l’instant, Philip continue de travailler pour Pamoja FM afin de veiller à ce que l’éducation aux droits humains se développe dans tout le pays. « Je veux apporter à ma communauté un degré de compréhension qui lui permettrait de changer la perception négative du militantisme en faveur des droits humains selon laquelle il s’agit seulement de faire du bruit, de protester et de manifester en public. Je veux qu’ils comprennent qu’il s’agit d’aider les autres à comprendre leurs droits et à exiger leur respect  ».

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