Le 17 mai 2018, l’État burundais a organisé un référendum visant à modifier la Constitution de 2005. Le nouveau texte permet au président en exercice, Pierre Nkurunziza, de briguer deux mandats supplémentaires de sept ans chacun. Contre toute attente, celui-ci a déclaré un mois plus tard qu’il ne se représenterait pas en 2020.
Après qu’il avait annoncé, le 25 avril 2015, sa décision de briguer un troisième mandat, des milliers de Burundais étaient descendus dans la rue pour protester contre ce que beaucoup considéraient comme une violation de la Constitution et des Accords d’Arusha, qui avaient contribué à mettre fin à une longue guerre civile. Les autorités burundaises ont fait usage d’une force excessive, y compris d’armes à feu, contre les manifestants.
Jean Népomuscène Komezamahoro (16 ans) a été abattu, ainsi que d’autres personnes. Celui que ses amis surnommaient Jean Népo a été tué par les forces de sécurité burundaises le 26 avril 2015. En 2007, il était entré dans le groupe de scouts Saint-Exupéry de Cibitoke, un quartier du nord de la capitale, Bujumbura. En 2014, il avait fait le serment de vivre dans le respect des idéaux du scoutisme : être digne de confiance, loyal, serviable, avenant, courtois et aimable. Peu après, il était devenu chef de la patrouille des Aigles rapides.
Dans un poignant récit livré en juin 2015, un témoin de l’homicide de Jean Népo par la police a indiqué à Amnesty International que l’adolescent n’avait pas pris part aux manifestations. Selon lui, le jeune homme courait pour fuir la police lorsqu’il s’est retourné, a buté sur des pierres puis est tombé.
Quand il a pris son dernier souffle, il était à genoux sur l’avenue Buconyori, dans le quartier de Ngagara ; il implorait un policier de lui laisser la vie sauve, en expliquant qu’il n’était pas un manifestant. Il a été tué d’une balle dans la tête.
Au moment des élections de 2015, Jean Népo avait été nommé jeune animateur pour la paire éducation dans le cadre du projet Éducation des jeunes vers une culture de paix, de tolérance et de résolution pacifique des conflits durant la période électorale de 2015 au Burundi. Selon un scout qui le connaissait, les camarades de Jean Népo se souviennent de lui comme d’une personne qui cherchait toujours les solutions aux différents problèmes. Pour eux, c’était un jeune homme courageux, serviable et enjoué.
Pour sa famille, c’était un trésor. Quatrième enfant d’une fratrie de six, Jean Népo voulait devenir prêtre ou entrer dans l’armée comme son frère aîné, qu’il admirait et respectait énormément. Ces rêves ont été anéantis en ce funeste 26 avril 2015.
Si Jean Népo était toujours en vie, il pourrait voter en 2020 et aider à construire l’avenir de son pays. Il a été privé de cette possibilité, à l’instar des dizaines d’autres enfants et adultes tués lors de la crise électorale de 2015.
Que Pierre Nkurunziza tienne ou non sa promesse de ne pas se représenter en 2020, son régime est synonyme d’une répression brutale des détracteurs, réels ou supposés, depuis 2015 et c’est l’image qu’il laissera. Le monde gardera le souvenir d’un président dont les forces de sécurité n’ont pas protégé la population et sont allées encore plus loin en pointant leurs armes sur elle et en ôtant la vie à des jeunes comme Jean Népo. Son héritage sera un système judiciaire en panne.
Dans un rapport publié en septembre 2018, la Commission d’enquête des Nations unies sur le Burundi indique que de graves violations des droits humains continuent d’être commises dans le pays. Dans ce document de 272 pages, elle dénonce l’impunité et le manque de volonté politique des autorités burundaises, qui empêchent de lutter efficacement contre ces atrocités.
Comme à son habitude, l’État burundais nie ces allégations. Toutefois, il est difficile pour lui de nier l’homicide de Jean Népo.
Lorsqu’Amnesty International a présenté ce cas, entre autres, le conseiller en communication du président Pierre Nkurunziza, Willy Nyamitwe, qui est aujourd’hui conseiller principal, a déclaré que de la drogue avait été donnée à des enfants afin qu’ils descendent dans la rue.
Il est encore temps de faire ce qu’il faut. Il est encore temps de veiller à ce que Jean Népo et les nombreuses autres personnes tuées ou victimes de disparition forcée, ainsi que leurs proches, obtiennent la vérité et la justice. Il est encore temps aussi de faire en sorte que les personnes détenues illégalement et torturées pour avoir exprimé des opinions différentes de celles du parti au pouvoir obtiennent la vérité et la justice. À deux ans des prochaines élections, il faut que Pierre Nkurunziza et son gouvernement montrent qu’ils ont à cœur de faire primer l’intérêt supérieur du peuple burundais et de remplir leurs obligations en matière de droits humains. Les autorités burundaises doivent enquêter et traduire en justice le policier soupçonné d’avoir abattu Jean Népo de sang-froid et tous les responsables présumés d’autres violations des droits humains commises sur l’ensemble du territoire.
Pour Jean Népo et pour tous les autres, nous continuerons à réclamer la justice et à demander des comptes.
Une pétition adressée au Président Nkurunziza est disponible sur le site d’Amnesty International.
*La campagne Abacu : En 2015, Amnesty International a lancé la campagne Abacu (« Notre peuple ») afin de rendre hommage aux victimes des violations des droits humains au Burundi.