Chaque année, le 7 avril, les Mozambicains célèbrent la Journée nationale de la femme. Cette journée est un symbole important du patriotisme inscrit dans l’histoire du pays. Elle est l’occasion de reconnaître la contribution des femmes à l’indépendance nationale, au développement social et au bien-être de leurs familles. Mais il est grand temps que cette journée serve également à rendre hommage à la lutte pour les droits des femmes et l’égalité des genres !
Le Mozambique a instauré la Journée de la femme en 1972 en l’honneur de Josina Machel, qui s’est personnellement battue pour la libération et était l’épouse de Samora Machel, le premier président du pays après l’indépendance. Elle a été l’une des premières recrues du détachement de femmes de la guérilla et a dirigé le département des Relations internationales et celui des Affaires sociales du Front de libération du Mozambique (FRELIMO). Ainsi, elle a lutté contre l’ordre patriarcal au sein du FRELIMO en menant des campagnes d’envergure en faveur de la pleine intégration des femmes dans tous les aspects de la lutte pour la libération. Elle est morte à l’âge de 25 ans, le 7 avril 1971, après avoir beaucoup voyagé pendant deux mois dans les zones libérées afin d’évaluer les programmes des Affaires sociales, le plus souvent à pied malgré sa maladie qui l’affaiblissait. Du point de vue des droits des femmes et de l’égalité des genres, il s’agissait d’une révolution compte tenu de la répartition traditionnelle des rôles entre les genres à cette époque.
De nos jours, cependant, nous devons repenser l’image de Josina Machel au-delà des considérations patriotiques et la voir comme une personnalité clé de la lutte pour les droits humains et l’égalité des genres, et aller au-delà de la signification courante du 7 avril. Quels ont été les impacts de la vie et la mort de Josina Machel sur la lutte pour les droits des femmes ? Quel est le lien entre Josina Machel et le 7 avril d’une part et la dignité humaine inaliénable et les droits indivisibles de tous, et en particulier des femmes, d’autre part ?
Josina Machel a passé sa vie à se battre et est morte en se battant pour l’émancipation de tous les Mozambicains ; pour qu’ils revendiquent leur dignité et leurs droits après la misère de la vie coloniale.
De plus, au-delà du patriotisme, Josina Machel est le symbole de la lutte pour les droits des femmes inscrits dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes, connu sous le nom de Protocole de Maputo. Au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, les gouvernements sont tenus d’éliminer toutes les formes de discrimination contre les femmes, et de promouvoir activement l’égalité des genres et les droits des femmes. Le Protocole de Maputo, quant à lui, condamne spécifiquement « toutes les pratiques culturelles et traditionnelles néfastes et […] toutes autres pratiques fondées sur l’idée d’infériorité ou de supériorité de l’un ou l’autre sexe, ou sur les rôles stéréotypés de la femme et de l’homme. »
N’est-il pas ironique que la convention africaine sur les droits des femmes porte le nom de la ville de Maputo, capitale du Mozambique, pays où le patriarcat et la misogynie dominent l’ordre social ?
Globalement, les indicateurs sur les droits des femmes dressent un portrait affligeant du Mozambique. En 2014, l’Indice d’inégalités de genre du PNUD classait le Mozambique parmi les pires pays, en 145e position sur 188. Les autres indicateurs sont également désastreux. Le taux de mortalité maternelle était de 480 décès pour 100 000 naissances vivantes et le taux de natalité chez les adolescentes était de 138 pour 1 000 naissances. La population âgée de 25 ans et plus ayant suivi un enseignement secondaire comprend 1,4 million de femmes contre 6,2 millions d’hommes – soit une différence de 342,85 %. Ce n’est certainement pas ce que Josina Machel et le 7 avril représentent.
Ces chiffres reflètent la triste histoire de l’inégalité des genres dans la société. Le rapport de 2015 de l’UNESCO révèle qu’à l’école, les filles sont souvent victimes de violences sexuelles et d’exploitation par leurs professeurs masculins, ce qui provoque des souffrances physiques et psychologiques, des grossesses précoces et l’abandon des études. Les méthodes d’enseignement ne tiennent pas compte des questions de genre. Les filles sont souvent forcées à avoir des relations sexuelles avec leurs professeurs en échange de bonnes notes. Ce n’est certainement pas ce que Josina Machel et le 7 avril représentent.
Les droits des femmes sont bien trop souvent bafoués dans les établissements de santé. Dans les maternités, les femmes se font crier dessus et frapper pendant qu’elles accouchent. Elles doivent payer des pots-de-vin pour être traitées avec un semblant d’humanité et de dignité. Dans la province de Nampula, les femmes ont dénoncé des pots-de-vin dans les maternités allant de 500 à 2 000 meticais, alors que le salaire minimum moyen dans le secteur public est de 5 272 meticais par mois. L’organisation Women and Law in Southern Africa (WLSA) a décrit les établissements de santé comme des « prisons dans lesquelles aucune femme ne devrait vivre ». Ce n’est certainement pas ce que Josina Machel et le 7 avril représentent.
Les violences liées au genre sont courantes dans la famille et la société. En 2015, la fille de Graça Machel, nommée d’après sa belle-mère héroïque, Josina, aurait été frappée par son compagnon, à la suite de quoi elle a perdu l’usage d’un œil. En 2016, Velentina Guebuza, la fille de l’ancien président, aurait été abattue par son propre mari. Le fait que ces femmes célèbres n’aient pas été à l’abri de tels actes de cruauté témoigne de l’ampleur et de l’étendue de la misogynie au Mozambique, ce qui va à l’encontre des valeurs de Josina Machel et du 7 avril inscrites dans le droit mozambicain et les traités régionaux et internationaux sur les droits humains et les normes en la matière.
Josina Machel et le 7 avril sont des symboles de la dignité humaine et des droits humains au sens général, et plus spécifiquement de la dignité et des droits des femmes, et c’est en tant que tels qu’il convient de leur rendre hommage. Josina Machel et la journée du 7 avril doivent être intégrées chaque jour au tissu social, tant au niveau individuel et familial qu’au niveau de la société. Plus important encore, le gouvernement doit prendre des mesures décisives pour veiller à ce que les droits des femmes et l’égalité des genres, symbolisés par Josina Machel et le 7 avril, se reflètent dans ses structures, ses lois, ses politiques et ses actions.