« Mon cœur est épuisé » : Le récit d’une mère sur le quartier des condamnés à mort Par Nassra al-Ahmed, mère de Ali al Nimr

Ali al Nimr n’avait que 17 ans lorsqu’il a été appréhendé le 14 février 2012, quelques mois après avoir participé à des rassemblements contre le gouvernement saoudien. Bien qu’il ait été mineur au moment de son arrestation, il a été condamné à mort à l’issue d’un procès inique, sur la base d’« aveux » arrachés sous la torture selon ses dires. Il attend désormais son exécution. Sa mère, Nassra al Ahmed, raconte ce qu’ils ont traversé jusqu’à présent.

« Quand j’ai entendu que mon petit garçon était condamné à mort, c’est comme si j’avais été frappée par la foudre. Je me suis sentie en deuil et dépossédée de ce que j’avais de plus cher et de plus beau.

Mon cœur est épuisé par son absence. Je verse des larmes automatiquement, je me languis de lui. Ses traits angéliques me manquent terriblement. J’ai toujours son sourire à l’esprit, et je pleure à chaque fois que je vois une de ses photos et me remémore certains souvenirs.

Tout ce qui était beau

Avant l’arrestation d’Ali, ma famille menait une vie normale. C’était un enfant gentil, dont la beauté n’a jamais cessé de croître à mesure qu’il grandissait. Cette beauté était le résultat de sa gentillesse, de son amour des autres et de son sens moral. Il aimait tout ce qui était beau : Allah, la vertu, la nature, la mer, le soleil, les arbres et les animaux.

Il n’y a pas de place pour le désespoir dans le cœur d’Ali. Il a toujours été optimiste et souriant. Il aimait la lecture et la photographie, et passait la majeure partie de la journée à s’occuper d’oiseaux, à les baigner, à les nourrir. Il n’aimait pas les garder en cage - il les laissait sortir, libres de voler dans le jardin sans que personne ne les ennuie.

Son père l’emmenait avec lui lors de ses voyages de commerce, et s’est vite rendu compte de la passion de notre fils pour les voyages et le savoir. Il posait toujours des questions sur les origines des différences entre les peuples en matière de cuisine et d’habillement. Il s’interrogeait aussi sur la foi. Il disait : « Les chrétiens adorent Dieu, les musulmans Allah, alors pourquoi sont-ils différents les uns des autres ? »

Le goût amer de la prison

J’ai pleuré et pleuré quand il a été arrêté, mais je n’aurais jamais cru que je continuerais à verser des larmes pendant quatre longues années. On l’a arraché à la chaleur de notre foyer et placé en détention dans le froid glacial de sombres prisons. On l’a éloigné de sa maison et de ses proches, pour lui infliger le goût amer et insipide de la vie dans une cellule.

Aucune autre situation n’a été aussi douloureuse que le fait de voir mon fils en prison. Je voulais tellement le voir, mais j’ai dû détourner le visage parce que je ne le reconnaissais pas. Il n’avait pas la même silhouette, ni la même voix, parce qu’il avait été torturé.

Il n’a pas eu besoin de me dire ce qui s’était passé, parce que son visage, ses mains, ses pieds et son corps ont parlé pour lui. Des plaies et des hématomes enflés étaient clairement visibles sur son corps. Il était faible et émacié, semblait jaunâtre et frêle. C’est parce qu’il avait été frappé, notamment à coups de pied.

Générosité, passion et bonté

L’absence d’Ali me prive de beaucoup de choses et se fait sentir partout. Sa présence et sa générosité manquent. Rien n’est pareil dans la maison sans son attention, sa nature passionnée et sa bonté.

Chaque fois que je pleure, j’imagine qu’Ali essuie mes larmes et me tapote la tête, en me disant : « Ne pleure pas maman, ne me fais pas mal au cœur. » Avant, la nuit, j’attendais que le jour se lève, mais maintenant je n’arrive plus à distinguer le jour de la nuit ; ils se confondent dans l’obscurité. J’ai des maux de tête toutes les nuits et l’insomnie a pris le contrôle au point que je déteste désormais la tombée de la nuit.

Ali, c’est la vie, et la vie ne peut pas s’épanouir sans lui ; il anime l’espace et rythme le temps. Il est la lumière sans laquelle la vie n’est pas belle à nos yeux.

Espoir et liberté

Je plaide auprès de l’humanité toute entière afin qu’elle demande aux représentants de l’État de libérer mon fils. Ce jeune homme plein d’ambition et mû par la volonté de donner devrait être libre de vivre l’existence à laquelle il aspire. Ils devraient au minimum le faire bénéficier d’un nouveau procès qui soit public et équitable, et conforme aux normes internationales. Il faudrait aussi que la procédure s’appuie sur des preuves plutôt que sur des charges inventées de toutes pièces.

Je suis plus que certaine que mon fils est innocent. Et je garde un espoir fort, qui ne s’estompe jamais malgré les difficultés et les défis. Cet espoir se concrétisera ; Ali retrouvera la liberté, et il sera encore plus optimiste et généreux qu’avant.

Malgré tout cela, Ali garde le moral, dieu merci. Il dit : « Je suis un homme qui vit d’espoir. Si mes espoirs se réalisent, je serai reconnaissant à Allah. Dans le cas contraire, je serai heureux que cet espoir m’anime. » Moi aussi l’espoir me fait vivre, car la manière de penser de mon fils est saine, et permet que la vie puisse continuer. »

Aidez à sauver Ali al Nimr de l’exécution

Joignez-vous à notre appel visant à inciter le roi Salman d’Arabie saoudite à annuler la déclaration de culpabilité et la condamnation d’Ali al Nimr, et de deux autres jeunes militants, Abdullah al Zaher et Dawood Marhoon, également arrêtés alors qu’ils étaient adolescents, et qui risquent d’être mis à mort pour avoir pris part aux mêmes manifestations. Ils ont épuisé toutes leurs voies de recours et pourraient être exécutés à tout moment.

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