Noura Hussein, une jeune femme soudanaise, a été condamnée à mort en 2018 pour avoir tué l’homme avec qui elle a été contrainte à se marier, quand il a essayé de la violer. Le récit terrifiant de Noura expose ce qu’une personne éprouve quand elle est condamnée à mort, et le sentiment de solitude qui l’a submergée parce que sa famille l’avait rejetée.
« La première chose qui m’est venue à l’esprit, c’est "Qu’est-ce qu’une personne ressent quand elle est exécutée ? Que fait-elle ?". Je me trouvais dans une situation particulièrement difficile au moment de ma condamnation, ma famille m’avait reniée. J’ai dû faire face seule à ce choc. »
Cette affaire a provoqué une vague d’indignation à travers le monde, et à la suite d’une intense campagne menée par Amnesty International et d’autres intervenants, la peine de mort prononcée contre Noura a été annulée. La peine capitale a été remplacée par une peine de cinq ans d’emprisonnement assortie du versement d’une indemnité appelée diya (« prix du sang ») d’un montant de 337 500 livres soudanaises (environ 8 400 dollars des États-Unis).
Mais pour Noura, le combat se poursuit, car le parquet a déposé un recours auprès de la Cour suprême en vue de rétablir la peine de mort prononcée contre elle. Son sort reste incertain.
Pour ceux d’entre nous qui accordent la plus haute valeur à la vie humaine, le fait d’ôter la vie représente l’acte le plus vil qui soit. Depuis plus de 40 ans, Amnesty International mène campagne pour que soit abandonnée la peine de mort, qui est le meurtre prémédité et commis de sang-froid par l’État, au nom de la justice, d’un être humain. Ce châtiment cruel, inhumain et dégradant est non seulement une violation du droit humain le plus fondamental qui soit, à savoir le droit à la vie, mais aussi un acte d’une totale inutilité.
Il n’existe aucun élément convaincant prouvant que la peine de mort ait un effet dissuasif particulier pour les meurtres, les infractions à la législation sur les stupéfiants et les autres types de crimes. Elle est en fait souvent utilisée pour faire peur ou pour donner l’impression que l’on se montre intransigeant envers la criminalité, alors que cela ne résout rien. Dans tous les pays concernés, elle est utilisée de manière disproportionnée contre les plus démunis ou les minorités ethniques ou raciales.
Diminution du nombre d’exécutions recensées à travers le monde
La tendance est cependant en train de s’inverser.
Le rapport sur l’utilisation de la peine de mort dans le monde, que nous rendons public aujourd’hui, montre que le nombre d’exécutions recensées à travers le monde n’a jamais été aussi bas depuis au moins 10 ans. Au total, 690 exécutions ont été recensées à l’échelle mondiale en 2018, ce qui représente une diminution de 31 % par rapport à 2017 et de 58 % par rapport au chiffre historiquement haut enregistré en 2015, qui était de 1 634.
Il est ainsi intéressant de noter que les pays qui recourent le plus à la peine de mort – notamment l’Arabie saoudite, l’Irak, l’Iran et le Pakistan, qui sont responsables de 84 % de toutes les exécutions recensées en 2017 – ont beaucoup moins appliqué ce châtiment en 2018.
En Iran, par exemple, le nombre d’exécutions a en effet diminué de 50 % en 2018 à la suite d’une modification de la législation iranienne relative à la lutte contre les stupéfiants ; le pays a toutefois été responsable de plus d’un tiers de toutes les exécutions recensées à travers le monde.
Comme certains des partisans les plus acharnés de la peine de mort procèdent moins souvent à des exécutions, nous pensons que ce n’est qu’une simple question de temps avant que ce châtiment cruel d’un autre temps ne soit relégué au passé.
Des indices encourageants
De nombreuses mesures encourageantes ont été prises à travers le monde pour mettre fin à l’utilisation de la peine de mort, et bien des cas sont venus nous rappeler que les droits humains et les mouvements abolitionnistes ont le pouvoir de changer le cours de la vie d’une personne, comme dans l’exemple de Noura Hussein.
En Afrique, les autorités du Burkina Faso ont aboli la peine de mort pour les crimes de droit commun en supprimant ce châtiment dans son Code pénal, et la Gambie et la Malaisie ont l’une et l’autre déclaré un moratoire officiel sur les exécutions. Aux États-Unis, la loi relative à la peine capitale dans l’État de Washington a été déclarée inconstitutionnelle en octobre 2018.
Lors de l’Assemblée générale des Nations unies, en décembre, 121 pays – chiffre sans précédent - ont voté en faveur de la résolution appelant à un moratoire mondial sur la peine de mort. Seuls 35 pays ont voté contre cette résolution.
Il ne faut pas laisser retomber cette dynamique.
Certains pays ont toutefois pris des mesures à contre-courant de cette tendance globalement positive.
Un petit nombre de pays ont en effet procédé à un nombre d’exécutions supérieur à celui de l’année précédente. Parmi eux figurent les États-Unis, le Bélarus, le Japon, Singapour et le Soudan du Sud. Le Viêt-Nam a pour la première fois rendu publiques ses statistiques relatives à la peine de mort, et il a ainsi admis avoir exécuté 85 personnes en 2018. En conséquence, le Viêt-Nam figure à présent au quatrième rang des pays procédant le plus massivement à des exécutions, après la Chine, l’Iran et l’Arabie saoudite.
Ce châtiment cruel a un effet dramatique sur les personnes, comme l’a expliqué Nguyễn Thị Loan, la mère de Hồ Duy Hải, un Vietnamien qui a été condamné à mort en 2008 après avoir été déclaré coupable de vol et de meurtre. Il a dit qu’on l’a torturé pour le contraindre à signer des « aveux ».
« Il a été arrêté il y a 11 ans et notre famille est depuis déchirée. Je ne supporte plus cette douleur. Le fait de penser à mon fils qui souffre derrière les barreaux me fend le cœur », a expliqué Nguyễn Thị Loan à Amnesty International.
Toujours en Asie, la Thaïlande a procédé à sa première exécution depuis 2009, et le président du Sri Lanka, Maithripala Sirisena, a déclaré vouloir reprendre les exécutions après un répit de plus de 40 ans, publiant une offre d’emploi pour des bourreaux en février 2019.
Nous sommes également préoccupés par la forte hausse du nombre de peines de mort prononcées dans certains pays l’an dernier. En Irak, ce nombre a quadruplé, atteignant au moins 271 exécutions en 2018, et en Égypte, il a augmenté de plus de 75 %, atteignant au moins 717 exécutions.
Si les pays qui procèdent à des exécutions représentent à présent une minorité sur le déclin, l’élan qui s’est créé ne doit pas faiblir, afin que la peine de mort puisse être totalement abolie. Toute vie humaine doit être protégée, et non froidement supprimée.