Mozambique. « Ils ont pris notre beau sable et ne nous ont rien laissé » Par Robert Shivambu et David Matsinhe, Amnesty International

Des villageois mozambicains réclament une indemnisation pour la destruction de leur village due aux activités d’une entreprise minière chinoise.

C’est le cœur lourd que Nassire Omar, un pêcheur de 60 ans, a quitté l’année dernière son ancienne demeure, dans le village côtier de Nagonha (nord du Mozambique).

Il nous a dit qu’il avait abandonné le village où il vivait depuis 2004 à la suite d’une inondation dévastatrice. Au total, 1 300 habitants ont quitté Nagonha pour se réinstaller à un kilomètre à l’ouest du village.

Grâce au revenu qu’il tire de la pêche, Omar a pu monter un petit commerce, qui l’aide à subvenir aux besoins de sa femme et de ses six enfants. Mais ces derniers temps, les affaires n’ont pas été bonnes.

Selon Omar, tout a commencé à changer en 2011, lorsque Haiyu Mozambique Mining Co. Lda, filiale de la société chinoise Hainan Haiyu Mining Co. Ltd, a obtenu une concession l’autorisant à extraire du sable des minerais lourds tels que l’ilménite, le titane et le zircon.

« Cette entreprise a détruit nos vies. Mon commerce est touché. Je vendais des plats cuisinés aux pêcheurs. Ils ne viennent plus ici pour acheter de la nourriture parce que mon commerce est un peu loin de l’océan, maintenant », nous a dit Omar.

Comme les autres villageois, Omar accuse les activités minières de Haiyu d’avoir contribué à l’inondation de 2015, qui a presque anéanti le village, détruisant 48 habitations et faisant 290 sans-abris.

Selon les recherches menées par Amnesty International, qui a fait état des répercussions de l’inondation dans un rapport publié au début de l’année, les activités de Haiyu ont probablement contribué de manière importante à l’inondation subite de 2015.

Une analyse détaillée d’images satellites de la région prises entre décembre 2010 et octobre 2014 a fait apparaître une accumulation de dépôts de sable liés à l’exploitation minière aux environs de Nagonha. Les images ont également mis en évidence un changement graduel du débit naturel de l’eau.
En octobre 2014, les images satellites montraient qu’environ 280 000 mètres carrés de zones humides au nord du village étaient recouvertes de sable, et que le canal reliant les lagunes au nord du village à la mer avait été complètement obstrué. 

Ce bouleversement du paysage a non seulement fait courir aux villageois le risque d’être emportés dans l’océan Indien, mais les a aussi privés de ressources naturelles vitales fournies par les zones humides environnantes, notamment l’eau potable, les plantes médicinales, les fruits sauvages, le bois de chauffage et les lagunes où ils pêchaient.

Révolté par ces dommages, Omar s’est associé à d’autres habitants pour dénoncer les activités minières irresponsables menées dans leur village et demander réparation à l’entreprise minière chinoise.

C’est un combat à la David contre Goliath, mais Omar estime que cela vaut la peine de le mener, car les atteintes sont trop conséquentes pour être ignorées.

Omar a dit que Haiyu avait fait preuve d’une arrogance absolue en ne prenant pas l’entière responsabilité de ses actes et en tirant profit de l’absence de réglementation de l’industrie minière par les autorités mozambicaines. Selon les recherches d’Amnesty International, Haiyu n’a pas réalisé d’évaluation en bonne et due forme de l’impact environnemental ni consulté la population avant de s’installer, alors que l’entreprise y était tenue en vertu du droit international et de la législation nationale.

«  Cette entreprise mène ses opérations d’extraction depuis près de 10 ans. Elle a pris du sable de bonne qualité ici, mais quand on regarde Nagonha, elle n’a rien fait pour améliorer la situation de la collectivité là où elle menait ses activités minières », a déclaré Omar.

Selon les recherches d’Amnesty International, Haiyu n’a pas réalisé d’évaluation en bonne et due forme de l’impact environnemental ni consulté la population avant de s’installer, alors que l’entreprise y était tenue en vertu du droit international et de la législation nationale.

«  Pire encore, elle n’est disposée ni à nous écouter ni à réparer ses erreurs. Il est lamentable que cette société se serve depuis sept ans en bon sable ici et nous ait laissé vivre dans de si mauvaises conditions.  »

Omar a souligné que Haiyu pourrait tirer des enseignements d’autres entreprises minières internationales qui mènent leurs activités de manière responsable, au Mozambique ou ailleurs. « J’ai vu à la télévision qu’une entreprise minière à Gaza avait réinstallé 700 ménages et ici, ils ne sont pas capables de réinstaller 229 ménages ? »

L’entreprise chinoise a nié toute responsabilité dans l’inondation de 2015, la qualifiant d’événement naturel d’une ampleur sans précédent en 100 ans. Elle a rejeté l’affirmation d’Amnesty International selon laquelle ses activités avaient un impact négatif sur l’environnement.

Les habitants de Nagonha font partie des personnes les plus pauvres du monde, vivant sous le seuil de pauvreté. Nombre d’entre eux espéraient que l’arrivée de la société minière en 2011 améliorerait leur vie, mais ce n’a pas été le cas. La population n’a ni école, ni centre de santé, ni eau courante salubre. Pour l’eau de boisson, les habitants utilisent des puits creusés facilement contaminables. Il n’y a pas d’assainissement, ce qui signifie que les habitants sont vulnérables aux maladies infectieuses telles que le choléra et la typhoïde.

Omar a dit que tout ce que les habitants voulaient, c’était que Haiyu assume la responsabilité de ses actes.

« Ils ont une dette envers nous, parce qu’ils ont pris notre beau sable et ne nous ont rien laissé. Nous ne savons pas combien de sable ils ont extrait pendant sept ans, mais nous savons qu’ils en ont tiré profit et nous voulons ce qui nous revient de droit. Ils ont pris toutes les richesses qu’il y avait ici et nous ont laissés sans rien. »

Les autorités mozambicaines doivent remédier immédiatement à leur manquement en ce qui concerne la protection des plus vulnérables et veiller à ce que les habitants de Nagonha reçoivent des réparations, notamment sous forme d’indemnisation, pour les pertes subies.

Elles doivent également intervenir afin que les activités minières de Haiyu ne fassent pas courir à Nagonha le risque d’une nouvelle inondation catastrophique qui pourrait rayer le village de la carte.

Cet article a initialement été publié par le Mail and Guardian.

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