Parlons de viol Par Cara Balen est étudiante et membre d’Amnesty International

Il n’est pas facile de parler de viol, d’évoquer les détails sordides et le traumatisme dévastateur qui s’ensuit. C’est si difficile qu’en tant qu’individus et en tant que société, nous préférons bien souvent esquiver le sujet.
Pourtant, aussi dur que cela puisse être, nous devons parler de viol.

Selon une étude récente portant sur les États membres de l’Union européenne, une femme sur 20 âgée de 15 ans ou plus a déjà été violée dans l’UE – soit environ neuf millions de femmes. Selon une étude britannique [1] réalisée en 2018, une femme sur 10 a déclaré avoir été violée pendant ses études universitaires.

Je suis étudiante à l’université et commence à réaliser que de nombreux jeunes n’ont pas les idées claires au sujet de ce qui constitue un viol ou une agression sexuelle. Il subsiste trop de « lignes floues » ou de « zones grises » et, contrairement à d’autres crimes tels que le vol, les coups et blessures ou la fraude, nous sommes nombreux à ne pas savoir précisément ce qui est caractérisé comme un viol.

Pourtant, malgré cette confusion, la définition du viol devrait être très simple : il y a viol lorsqu’une personne pénètre de manière intentionnelle le vagin, l’anus ou la bouche d’une autre personne sans son consentement.
Limpide. Un acte sexuel devient illégal lorsqu’il est effectué sans le consentement de l’autre.

Or, si la définition juridique du viol dans les normes internationales paraît claire, il semble qu’elle ne soit pas pleinement reconnue par la société.
Les recherches ont également révélé que plus d’une personne sur quatre dans l’UE estime qu’un rapport sexuel sans consentement peut se justifier dans certaines circonstances, notamment si la victime est sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue, accepte d’être raccompagnée chez elle, porte des vêtements qui révèlent son corps, ne dit pas clairement « non » ou ne se défend pas.

Ces conclusions choquantes sont moins surprenantes lorsque l’on sait que seuls neuf pays de l’Espace économique européen (EEE) reconnaissent qu’un rapport sexuel sans consentement constitue un viol. Les lois dans d’autres États européens se concentrent sur la résistance et la violence plutôt que sur le consentement. La présomption selon laquelle une victime était consentante si elle n’a pas opposé de résistance physique pose de graves problèmes, car des experts [2]ont reconnu que la « sidération » ou « paralysie involontaire » est une réaction physiologique et psychologique très courante face à une agression sexuelle.

Les définitions défaillantes et archaïques du viol perpétuent une dangereuse culture de culpabilisation des victimes à travers le continent. Les craintes des femmes de ne pas être prises au sérieux se confirment encore et encore, des victimes courageuses en quête de justice étant fréquemment trahies par des définitions juridiques du viol qui leur portent préjudice.

Mais les définitions ne suffisent pas. Si la législation en Grande-Bretagne énonce clairement qu’une relation sexuelle doit être consentie, c’est une autre histoire dans la vie quotidienne. La popularisation de la culture des « lads » (garçons) dans les universités britanniques, qui porte aux nues l’hypermasculinité et glorifie les conquêtes sexuelles, perpétue l’idée que les étudiants devraient avoir accès au corps des femmes à titre de gratification.

Ajoutez l’adage bien ancré que « les garçons seront toujours des garçons », et le sexe devient un acte qui est fait pour les hommes et par les hommes, sans prendre en compte la satisfaction sexuelle de la femme ni son bien-être. Il est temps d’en finir avec cette culture toxique qui encourage les hommes à considérer les femmes comme des objets sexuels passifs.
Beaucoup croient que le viol suppose forcément qu’une personne se débatte et dise clairement non. C’est faux. S’il n’y a pas consentement, c’est un viol, même si la victime reste silencieuse et ne résiste pas.

Il est essentiel de comprendre que le consentement ne se résume pas au fait de ne pas dire non – il s’agit du pouvoir de dire oui. Et de la possibilité de changer d’avis, car le consentement est un processus bien plus qu’une déclaration figée. Il renforce le pouvoir de chacun, en donnant à chacun le droit de décider pour son propre corps, de se livrer volontairement à un acte sexuel ou de s’arrêter avant de commencer à se sentir mal à l’aise. Tout acte sexuel qui va à l’encontre de ces principes est illégal et il est primordial de le savoir.

D’où l’importance de la campagne d’Amnesty International Parlons de consentement. Elle met l’accent sur le sens du consentement et sur le fait qu’il doit être donné de manière active, et non déduit de la passivité d’une personne.

Cette campagne s’attache à revendiquer notre droit de faire uniquement ce que l’on veut dans la chambre – ou partout ailleurs – en sachant que donner notre consentement a du poids au regard de la loi.
Le consentement est un concept très puissant et nous devons tous connaître son fonctionnement afin d’être en mesure de l’utiliser pour se sentir heureux et en sécurité.

Un nouveau trimestre universitaire débute, des jeunes hommes et des jeunes femmes arrivent dans les résidences et les campus à travers toute l’Europe. Il est vital que ces espaces soient des lieux sûrs où ils pourront apprendre et aimer.

Alors n’ayons pas peur, parlons de viol et de consentement.

Cet article a été initialement publié par Euronews.

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