La lutte contre la COVID-19 a fait un immense pas en avant avec le lancement historique des deux premiers vaccins dans plusieurs pays européens, au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Canada aussi. Pour un grand nombre de personnes, cette nouvelle représente la lumière au bout du tunnel, car nous pourrions avoir la possibilité de mettre fin à cette pandémie.
Pourtant, derrière cette bonne nouvelle, il y en a des mauvaises.
Cette crise est mondiale et elle exige donc une solution mondiale. Un vaccin, quel qu’il soit, ne sera efficace que s’il est équitablement distribué et rendu accessible dans un premier temps aux personnes qui sont le plus vulnérables – indépendamment de leur lieu de vie, de leur identité ou de leur niveau de richesse.
Le nationalisme vaccinal en cause
Nous avons tous le droit d’être protégés contre la COVID-19. Cependant, alors que les pays riches font provision de doses, le potentiel salvateur des vaccins risque d’être sapé par les inégalités et les intérêts des entreprises.
Dans une compétition effrénée pour garantir leur voie de sortie de cette pandémie, les pays occidentaux ont fait des achats anticipés de milliards de doses [1] du futur vaccin et en auront ainsi suffisamment pour vacciner presque trois fois la totalité de leur population d’ici la fin 2021. Cette pratique, connue sous le nom de « nationalisme vaccinal », implique de vastes accords commerciaux bilatéraux entre des entreprises et un certain nombre de pays.
Une étude récemment menée par la People’s Vaccine Alliance, dont font partie Amnesty International, Frontline AIDS, Global Justice Now et Oxfam, montre qui aurait accès au vaccin si ces contrats étaient concrétisés aujourd’hui.
Le Canada et le Royaume-Uni ont acheté suffisamment de doses pour vacciner chacun de leurs citoyens cinq fois
Le Canada et le Royaume-Uni ont acheté suffisamment de doses pour vacciner chacun de leurs citoyens cinq fois. Les États-Unis ont obtenu 800 millions de doses d’au moins six vaccins, et se réservent la possibilité d’en acheter un milliard de plus. L’Union européenne, le Japon, le Canada et l’Australie ont opté pour la même stratégie, et se sont ainsi assuré des millions de doses supplémentaires potentielles.
Les provisions de vaccins limitent le nombre de doses auxquelles les autres pays auront accès pour protéger leurs populations contre la COVID-19. Concrètement, 67 pays, dont le Kenya, le Myanmar, le Nigeria, le Pakistan et l’Ukraine – qui ont enregistré près d’un million et demi de cas à eux tous – ne pourront vacciner qu’une personne sur dix, à moins que nous ne corrigions le tir sans plus attendre.
Les obligations des gouvernements et de l’industrie pharmaceutique
Les gouvernements et l’industrie pharmaceutique ont des obligations et des responsabilités en matière de droits humains : ils doivent prendre des mesures pour améliorer l’accès du plus grand nombre de personnes dans le monde à ces innovations vitales. La santé et les moyens de subsistance de millions de personnes dépendent de la disponibilité d’un vaccin sûr et efficace, distribué en temps voulu et de façon équitable, afin que le droit à la santé soit respecté, que les gens puissent gagner leur vie et voir leurs proches sans craintes ni restrictions.
Sans accès équitable au niveau international, les inégalités préexistantes ne feront que se creuser – et les populations marginalisées et victimes de discriminations de longue date continueront d’être touchées de façon disproportionnée.
Les personnes vivant dans des camps de réfugiés surpeuplés et insalubres, par exemple, sont susceptibles de présenter un plus grand risque d’exposition au virus et n’ont souvent pas accès aux soins médicaux requis, vaccins compris. Les communautés indigènes en Amazonie équatorienne [2], elles aussi, sont en danger : elles sont plus vulnérables au COVID-19 du fait du manque d’accès à l’eau potable, à la nourriture, aux fournitures médicales, aux services de santé et aux tests de dépistage.
Plusieurs organismes des Nations unies ont également signalé que près de la moitié des travailleurs et travailleuses dans le monde courent le risque de perdre leur moyen de subsistance. La Banque mondiale, quant à elle, a indiqué que 88 à 115 millions de personnes pourraient tomber dans l’extrême pauvreté en 2021, et ce chiffre pourrait aller jusqu’à 150 millions.
Travailler à l’équité pour tous les pays en matière d’accès au vaccin
Les gouvernements sont tenus de faire en sorte que les personnes les plus vulnérables partout dans le monde aient accès aux vaccins dès leur disponibilité. Ainsi, les États riches doivent s’abstenir de conclure de gros accords bilatéraux avec les entreprises pharmaceutiques. Ils devraient plutôt rejoindre et soutenir des initiatives mondiales visant à garantir l’équité pour tous les pays en matière d’accès au vaccin, comme le mécanisme COVAX de l’Organisation mondiale de la santé [3].
Les États riches doivent s’abstenir de conclure de gros accords bilatéraux avec les entreprises pharmaceutiques
Les grandes entreprises pharmaceutiques doivent également assumer leurs responsabilités en termes de droits humains et garantir l’accès le plus large possible à leurs innovations, en faisant passer l’humain avant les brevets.
Il est essentiel que les voix des groupes de population marginalisés trouvent un écho si l’on veut que les politiques nationales de vaccination ne soient pas discriminatoires ni sources d’exclusion.
Ce n’est qu’en œuvrant ensemble que nous pouvons mettre fin à cette pandémie et bâtir un avenir plus juste et plus durable.
Pour plus d’informations, veuillez consulter le guide complet d’Amnesty International sur les droits humains et les recommandations stratégiques relatives aux vaccins contre la COVID-19.
* Cet article a initialement été publié sur gal-dem [4]