Preuves numériques. Utiliser de nouveaux flux de données dans la recherche sur les droits humains Par Christoph Koettl, analyste de l’équipe de réaction à la crise d’Amnesty International

C’est une vidéo à l’image tremblante, probablement filmée avec un téléphone portable, qui a récemment révélé ce qui ressemble à un charnier au Burundi.

En recoupant le contenu de cette vidéo avec les images satellites disponibles gratuitement sur Google Earth, Amnesty International a localisé précisément cette fosse commune à la périphérie de Bujumbura, la capitale du pays. Armés de ces informations, nos chercheurs ont alors pu utiliser les images satellites pour étudier de loin l’émergence et les caractéristiques de ce site.

Nos conclusions ont appuyé les témoignages oculaires indiquant que des dizaines de personnes semblent avoir enterrées là après avoir été tuées par les forces de sécurité en décembre 2015.

Les médias internationaux ont largement relayé cette découverte, poussant même le ministre burundais des Affaires étrangères à déclarer : « Je ne suis pas spécialiste des images satellites, je ne ferai donc aucun commentaire dans un sens ou dans un autre [sic], et je ne suis pas malheureusement pas un expert en technologie. »

Cette histoire est l’un des exemples les plus récents illustrant la manière dont les flux de données peuvent contribuer de façon significative à la recherche sur les droits humains, notamment lorsqu’ils sont associés à des méthodes d’établissement des faits reconnues.

La liste des nouvelles sources de données est longue et comprend les images et vidéos satellites, les images aériennes prises par les drones, les contenus des réseaux sociaux ou les informations de terrain géoréférencées. Amnesty International n’est pas la seule à y avoir recours dans le milieu de la recherche sur les droits humains, et un nombre croissant de chercheurs souhaite pouvoir utiliser « l’investigation numérique pour expliquer les conflits ».

Comment rassembler tous les éléments ?

Quand on regarde cette liste, on se demande si les technologies modernes et les flux de données émergents influencent la recherche traditionnelle d’informations sur les droits humains, et de quelle manière.

Amnesty International s’est associée à Benetech et The Engine Room afin d’étudier l’utilisation de ces données et les processus associés dans le cadre de ce type de recherches. Nous nous intéressons plus particulièrement aux ensembles et flux de données relativement récents ou émergents afin de réfléchir à la manière dont ils pourraient enrichir – et non remplacer – les méthodes habituelles de recherche.

Ce projet vise à mieux comprendre comment les données s’intègrent dans la documentation des droits humains, comment elles peuvent l’améliorer et comment elles sont (et ne sont pas) utilisées ou comprises à l’heure actuelle, à la fois par les chercheurs sur les droits humains et ceux qui lisent leurs rapports.

Nous voulons savoir avec quels types de données, de flux de données et de formats travaillent les chercheurs et les organisations œuvrant dans le domaine des droits humains, et recueillir des renseignements sur les défis qui y sont associés. L’objectif général consiste à déterminer ce qui est nécessaire pour que ces nouveaux flux et ensembles de données puissent contribuer aux méthodes habituelles de recherche, et ce dont les chercheurs sur les droits humains ont besoin en termes d’orientations et de soutien afin de pouvoir travailler efficacement dans ce nouvel environnement.

Ce projet vise également à tisser des liens forts entre les différents groupes qui composent le milieu de la documentation des droits humains, y compris les non-spécialistes et ceux qui travaillent spécifiquement avec ces nouveaux ensembles et flux de données, pour garantir la pertinence des résultats de nos travaux et inspirer d’autres actions.

Pour ce faire, la participation de la communauté sera primordiale, ce qui implique de collaborer avec les acteurs clés lors de certains événements tels que RightsCon, l’un des rassemblements internationaux majeurs concernant Internet et les droits humains, qui se tiendra entre fin mars et début avril 2016 dans la Silicon Valley.

Sur la base du succès de travaux récents, comme la découverte de preuves numériques du charnier au Burundi, nous avons pour objectif principal de déterminer comment les nouveaux flux de données et la recherche assistée par les technologies peuvent faire de nous de meilleurs observateurs des droits humains.

Pour en savoir plus sur le Laboratoire des preuves recueillies par les citoyens d’Amnesty International.

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