Le Laos est un pays enclavé et niché le long du Mékong, et il se situe au sud de la Chine. Il est connu pour son environnement calme et pour être le pays sur lequel les États-Unis ont lâché plus de 260 millions de bombes durant la guerre d’Indochine, mais il reçoit rarement autant d’attention que ses pays voisins.
Cette semaine, Barack Obama sera le premier président des États-Unis à se rendre dans le pays pour un sommet de l’ANASE. En amont de sa visite, de hauts responsables américains ont évoqué un début de partenariat en matière de développement entre les deux pays, axé sur la santé, la nutrition et un enseignement de base.
Comme le notent souvent ceux qui visitent le Laos, le rythme de vie est particulièrement lent dans le pays. Mais sous cette surface tranquille que le président Obama va rencontrer, se cachent des problèmes endémiques en matière de droits humains.
Cette escale au Laos offre aux journalistes une rare occasion d’aborder certaines questions urgentes avec des représentants des autorités. Des questions que la population laotienne ne peut pas poser en raison des graves représailles auxquelles elle s’exposerait alors. En anticipation de ces questions, le Laos a imposé de sévères restrictions aux médias. Les journalistes étrangers doivent soumettre tous leurs articles à un censeur du gouvernement avant de pouvoir les diffuser.
Évidemment, les journalistes vont vouloir se débarrasser des chaperons qui leur ont été assignés afin de surveiller leurs mouvements. Ces restrictions, aussi excessives soient-elles, sont simplement irritantes, par rapport à la répression que subissent au quotidien les gens ordinaires au Laos.
Par exemple, l’an dernier, une femme du nom de Phout Mitane a été arrêtée dans la province de Xayaburi parce qu’une photo qu’elle avait prise, montrant apparemment un policier en train d’extorquer de l’argent à son frère, a été postée sur Internet. Elle a été incarcérée pendant deux mois rien que pour cela.
Les journalistes auront peut-être aussi envie de demander où se trouvent Lodkham Thammavong, Somphone Phimmasone et Soukan Chaithad, trois militants pour la démocratie qui ont été arrêtés en mars de cette année, alors qu’ils étaient retournés au Laos depuis la Thaïlande pour renouveler leurs passeports, et de s’enquérir de leur bien-être. Ils avaient tous les trois posté sur Internet des billets critiquant le gouvernement, et avaient participé à une manifestation pour la démocratie à l’ambassade du Laos en Thaïlande.
Lorsqu’ils sont retournés au Laos, ils ont disparu dans le système pénal. Ils ont été détenus au secret pendant deux mois, puis il a été question d’eux dans un bulletin d’information de la télévision publique les blâmant pour avoir menacé la sécurité nationale en postant des messages sur les réseaux sociaux. On ignore toujours où ils se trouvent.
Citons également le cas de Bounthanh Thammavong, un ressortissant polonais d’origine laotienne qui a été jeté en prison pour quatre ans parce qu’il avait critiqué le parti au pouvoir sur Facebook. Très peu d’informations ont été fournies en ce qui concerne son bien-être.
Il y a aussi la question que personne au Laos n’ose poser, par crainte pour sa sécurité : « Où Sombath Somphone se trouve-t-il ? »
Ce membre éminent de la société civile, qui a été arrêté par la police et filmé alors qu’il était emmené à bord d’un camion, en décembre 2012, n’a plus jamais reparu et l’on reste sans nouvelles de lui. Son cas est devenu emblématique de la question des disparitions forcées au Laos ; huit autres cas ont été portés à l’attention du groupe de l’ONU chargé d’enquêter sur les disparitions forcées, qui constituent des violations des droits humains et de véritables crimes.
Le gouvernement laotien s’est abstenu de diligenter une enquête indépendante sur la disparition de Sombath Somphone, et a fait obstacle aux initiatives visant à évoquer ce cas lors de précédents événements de l’ANASE.
La délégation qui va débarquer avec Air Force One a deux possibilités. Elle peut soit s’immerger dans la sérénité laotienne, et quitter le pays en en retirant que très peu d’impressions, hormis celles qui orneront leurs passeports, soit tenter d’obtenir des réponses aux questions qui tenaillent depuis longtemps les gens au Laos, mais que ces derniers n’osent pas poser.