Qu’est-ce qu’un salaire vital et pourquoi cet enjeu relève-t-il du domaine des droits humains ?

Chacun a des droits économiques, sociaux et culturels. Cela inclut les droits à un logement, à l’alimentation, à l’eau et à l’assainissement, à l’éducation et aux soins de santé. Beaucoup de personnes accèdent à ces droits en gagnant un salaire ou un revenu qui leur permet de payer pour obtenir ces biens et services. Mais toutes celles et ceux qui travaillent n’ont pas un salaire assez élevé pour répondre à ces besoins essentiels.

Près de 241 millions de travailleurs et travailleuses dans le monde entier vivent dans l’extrême pauvreté [1], c’est-à-dire que ce qu’ils et elles gagnent ne couvre pas le coût de la vie pour eux et leur famille. Les travailleurs et travailleuses sont souvent pauvres dans les secteurs qui reposent sur de vastes chaînes d’approvisionnement mondiales et complexes, comme le secteur de l’habillement, dans lequel leur rémunération n’est pas à la hauteur d’une qualité de vie décente.
Les défenseur·e·s des droits humains et des droits du travail exigent le versement de salaires vitaux pour faire sortir les travailleurs et travailleuses de la pauvreté et garantir un travail décent.

Qu’est-ce qu’un salaire vital ?

Un salaire vital, parfois appelé salaire décent, est le revenu minimal nécessaire pour répondre à ses besoins essentiels et réaliser ses droits humains. Il prend en compte le coût de la vie, ce qui intègre des fondamentaux tels que :

• l’alimentation,
• le logement,
• l’énergie,
• l’eau,
• les installations sanitaires,
• les soins de santé,
• l’éducation,
• l’habillement
• et le transport

On doit pouvoir gagner un salaire vital en une semaine de travail normale, sans horaires de travail excessifs et relevant de l’exploitation.

Le coût de la vie varie en fonction de là où l’on vit. Les économistes utilisent des méthodes et formules complexes, comme la méthodologie Anker [2] ou les calculs de la Asia Floor Wage Alliance [3], pour déterminer les salaires nécessaires à une qualité de vie décente. Ces méthodes prennent aussi en compte l’effet de l’inflation sur le coût de la vie.

Pourquoi cet enjeu relève-t-il du domaine des droits humains ?

Rémunérer le travail par un revenu vital peut sortir le ou la salarié·e d’un cycle de pauvreté et leur permettre d’accéder à leurs droits économiques, sociaux et culturels.

Exiger des employeurs qu’ils versent à leurs employé·e·s un salaire vital peut aussi corriger l’écart de rémunération croissant entre les hommes et les femmes qui expose davantage les femmes à la pauvreté. À l’échelle mondiale, le revenu des femmes est de 20 % inférieur à celui des hommes [4].

Le concept d’un salaire vital s’accorde aux garanties de droits humains qu’on retrouve dans plusieurs cadres juridiques internationaux cruciaux comme le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels [5] qui a été ratifié par 172 États et la Constitution de l’Organisation internationale du travail [6] qui rassemble 187 États membres.

Accorder un salaire vital relève aussi du bon sens économique. Le Forum économique mondial estime que si tous les travailleurs et travailleuses recevaient un salaire vital, cela pourrait générer 4 600 milliards de dollars américains en PIB supplémentaire chaque année [7].

Quels pays obligent les employeurs à verser un salaire vital ?

Il n’existe aucun pays dont les lois nationales obligent les employeurs à verser un salaire vital à leurs travailleurs et travailleuses indexé sur le coût de la vie et tel que défini par les principes de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Les avantages d’un salaire vital sont évidents et le concept s’inscrit dans le droit fil des normes et du droit internationaux relatifs aux droits humains, mais les États persistent pourtant à ne pas l’inscrire pour autant comme obligation dans leurs lois nationales concernant l’emploi. Sans ces exigences nationales, il est presque impossible d’empêcher les employeurs de verser un salaire qui place les salarié·e·s en dessous du seuil de pauvreté.

Quelle est la différence entre le salaire vital et le salaire minimum ?

À travers le monde, des lois ont fixé des niveaux minimaux de rémunération pour lutter contre les salaires trop faibles. Toutefois ces lois sont souvent insuffisantes.

Elles ne prennent pas nécessairement assez en compte le coût de la vie dans le pays et n’ont parfois pas été revues depuis des décennies. Elles peuvent s’appuyer sur des indicateurs comme le revenu moyen ou médian pour calculer des niveaux de référence qui déterminent ensuite le niveau de rémunération le plus bas qu’un employeur est autorisé à verser.

Quand un gouvernement précise le montant minimal qu’un travailleur ou une travailleuse doit recevoir, cela devient souvent le montant maximal qui est versé aux employé·e·s de certains secteurs, sauf à devoir réaliser des heures supplémentaires excessives. Le résultat, c’est que pour beaucoup de personnes, le salaire minimum marque un plafond plutôt qu’un plancher.

Ainsi, s’il vaut mieux avoir un salaire minimum que ne pas en avoir, cela reste cependant moins efficace qu’un salaire vital et enferme souvent les populations dans un cycle de pauvreté.

Pourquoi les salaires minimums sont-ils si bas ?

La vision politique et sociale du salaire minimum diffère selon les pays. Cependant, dans presque tous les contextes, le débat a jusqu’ici été dominé par les intérêts des personnes les plus riches et les plus influentes de la société. Pendant des décennies, ceux qui souhaitaient que les salaires minimaux restent faibles ont argué que cette approche stimulait la croissance économique, souvent grâce au succès des entreprises, et que les travailleurs et travailleuses, leurs droits et leurs moyens de subsistance s’en porteraient mieux. Cet argument, qui s’inscrit souvent dans une logique d’« économie du ruissellement », a été largement démonté par des recherches concluant [8] qu’« accroître le revenu des classes pauvres et moyennes stimule en vérité la croissance » alors qu’« accroître le revenu du quintile le plus élevé freine la croissance ».

Dans les pays à économie en développement, il n’est pas rare de devoir survivre avec un salaire minimum particulièrement faible. C’est à cause du fait que certaines entreprises, qui sont souvent de grandes corporations multinationales qui bénéficient de la surproduction et de la surconsommation de marchandises dans les pays à revenu élevé, tirent profit d’une main-d’œuvre à bas coût qui travaille de longues heures et dont les droits au travail sont peu protégés.

Exemple : Les faibles salaires de l’industrie textile

La structure du secteur de l’industrie textile et son modèle commercial qui repose sur une main-d’œuvre importante [9] amènent les entreprises à réduire leurs coûts en recrutant des ouvrières et des ouvriers qui ne coûtent pas cher. Les États souhaitent fournir cette main-d’œuvre peu onéreuse pour attirer les investissements de ces entreprises. Cela crée un nivellement par le bas : les employeurs rognent sur les rémunérations des salarié·e·s pour se rendre plus attractifs aux yeux des acheteurs. En fixant le salaire minimum au niveau le plus bas possible, les États creusent également un écart salarial hommes-femmes plus large puisque les femmes sont les plus concernées par les faibles rémunérations, surtout dans l’industrie textile.

Une enquête mondiale effectuée par l’Organisation internationale du travail en 2017 [10] a confirmé que les salaires des ouvrières et ouvriers de l’industrie textile sont aussi directement influencés par les pratiques d’achat entre marques et fournisseurs. Les salaires devraient plutôt être déterminés par les besoins et droits essentiels des employé·e·s.

On a là un exemple typique de la façon dont les grandes enseignes utilisent leur pouvoir et leur influence pour dicter aux fournisseurs régionaux leurs prix, au lieu de reconnaître le coût réel du travail nécessaire à la production.

Que puis-je faire pour aider à assurer à tout le monde un salaire vital ?

Les États sont juridiquement obligés de respecter, protéger et concrétiser les droits humains, ce qui signifie qu’ils sont contraints par le devoir de garantir que les travailleurs et travailleuses et leurs familles puissent mener une vie digne.

Partout dans le monde, des militant·e·s et des syndicats appellent leurs gouvernements à reconnaître ce devoir et à enfin garantir un salaire vital à tous·tes les travailleurs et travailleuses. Ces militant·e·s et syndicalistes sont les premiers spécialistes d’une approche basée sur les droits humains des rémunérations équitables et d’autres droits des travailleurs et des travailleuses, et les États doivent donc veiller à les impliquer dans tous processus visant à l’amélioration des salaires et des conditions de travail.

Pour mener à bien ce travail, il faut que des personnes comme vous prennent la parole et expriment leur soutien, afin qu’ensemble nous réussissions à peser dans la balance du pouvoir et à obtenir que les droits des travailleurs et travailleuses soient garantis partout.

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