Samedi, Jinan est devenue un nom en plus parmi les dizaines de personnes tuées délibérément par la famine provoquée depuis deux mois par le siège inhumain imposé par Israël. Sans qu’aucune aide d’urgence ne parvienne aux habitants de Gaza. Pas d’eau, pas de nourriture, pas de carburant. Il s’agit bien d’une punition collective mortelle, qui n’est autre qu’une violation flagrante du droit international. Affamer une population civile est un crime de guerre.
Jinan fait aussi partie des dizaines de milliers de Palestiennes et Palestiniens tués par les actions militaires israéliennes à Gaza depuis octobre 2023. Des bombardements impitoyables qui éliminent des familles entières, la destruction de toutes les infrastructures vitales, y compris les hôpitaux, des « ordres d’évacuation » successifs qui déplacent les civils vers des zones toujours plus restreintes, des assassinats délibérés d’humanitaires et de journalistes. Cela dure depuis des mois, si ce n’est le très bref cessez-le-feu. Les intentions derrière ces crimes ne laissent planer aucun doute. Les dirigeants israéliens sont clairs dans leurs paroles et leurs actes : l’objectif est de détruire les Palestiniens et Palestiniennes de Gaza. C’est un génocide en action.
Depuis sa mise sur pied, le gouvernement belge « Arizona » n’a pas pour autant pris de mesures décisives pour mettre fin au génocide en cours à Gaza. Toutefois, l’accord de coalition mentionne le respect du droit international. Le ministre des Affaires étrangères Prévot a récemment mis les points sur les i au Parlement, les présidents du CD&V et de Vooruit appellent également à une position belge plus forte. La nouvelle présidente de la N-VA, Van Peel, et le Premier ministre, Bart De Wever, semblent également adopter un ton quelque peu différent. En outre, les partis de la majorité annoncent travailler sur une résolution sur Gaza.
Dans le débat politique qui se dessine, la reconnaissance officielle de la Palestine fait l’objet de toutes les attentions. La pression monte pour que la Belgique rejoigne l’initiative lancée par le président Emmanuel Macron en faveur de la reconnaissance de la Palestine en tant qu’État. Le débat sur la reconnaissance ou non de la Palestine est en effet un sujet légitime de discussion politique. Mais ce débat risque de détourner l’attention s’il n’est pas accompagné d’une action immédiate pour stopper le génocide à Gaza. La situation est insoutenable et ne pourrait être plus urgente. Si la violence à Gaza ne cesse pas, le débat sur la reconnaissance de l’État palestinien risque de devenir un mirage.
À court terme, il s’agit littéralement d’une question de vie ou de mort : la pression sur Israël doit être intensifiée pour que l’aide humanitaire puisse être envoyée sans restriction à la population de Gaza. Un cessez-le-feu doit être appliqué immédiatement, les civils israéliens retenus en otage doivent être libérés, et Israël doit libérer les Palestiniens détenus arbitrairement.
Pour pousser Israël à changer de cap, l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël est ainsi un levier efficace. La Belgique doit se joindre à d’autres pays européens, dont l’Espagne, l’Irlande et les Pays-Bas, pour revoir cet accord à la lumière des violations du droit international humanitaire commises par le gouvernement israélien. La Belgique devrait également prendre l’initiative de mettre en place un embargo européen sur les armes pour empêcher que les armes européennes ne soient utilisées pour commettre d’autres crimes de guerre.
Au niveau national, il est urgent d’adopter une législation visant à interdire les produits provenant des colonies illégales et les investissements dans ces dernières. Après tout, la Cour internationale de justice est claire quant à leur illégalité et la Belgique ne peut continuer à permettre à son économie de contribuer à perpétuer la situation.
Tous les moyens possibles doivent être mis en œuvre pour mettre fin au génocide en cours. Cela peut se faire en rétablissant les limites du droit international comme référence claire, en soutenant pleinement les enquêtes sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité de la Cour pénale internationale, en mettant fin à l’occupation illégale du territoire palestinien et en mettant fin au régime d’apartheid mis en place par Israël à l’encontre de la population palestinienne.
Telles sont les priorités que nous voudrions voir inscrites à l’ordre du jour du gouvernement et du Parlement de notre pays, et ce, au plus vite. Ces priorités transformeraient l’indignation politique en actions susceptibles de sauver des vies. Pour que ce génocide cesse. Pour qu’il n’y ait plus de victimes comme Jinan. Pour qu’un avenir soit encore possible pour la population de la Palestine, reconnue ou non.
Carine Thibaut, directrice d’Amnesty International Belgique francophone
Wies De Graeve, directeur d’Amnesty International Vlaanderen
Arnaud Zacharie, secrétaire général du CNCD-11.11.11
Els Ertogen, directrice générale d’11.11.11