En Pologne, un hashtag pourrait lancer un mouvement de l’ampleur de #MeToo pour les personnes LGBT Par Mikołaj Czerwiński, coordinateur Égalité de traitement à Amnesty International Pologne

Il y a 10 jours, le 20 juillet, je me suis dirigé vers la place principale de Białystok, d’où la toute première marche des fiertés LGBTI de la ville devait partir. Il y régnait un véritable chaos.

Des milliers de personnes en colère faisaient face aux participant·e·s, criaient des insultes homophobes et donnaient de grands coups de poing, de botte et de hampe de drapeau.

J’ai vu un jeune homme tomber par terre sous les coups de pied de skinheads, et une femme poussée sur la chaussée. Une jeune maman m’a dépassé en courant avec son enfant, et un garçon avec la lèvre ouverte s’est fait arracher son drapeau arc-en-ciel des mains, et le drapeau a été brûlé. La police restait sur le côté et observait.

J’étais venu à la marche des fiertés de Białystok avec des collègues d’Amnesty International mais, face à la pluie de pavés et de pétards, nous nous sommes rendu compte que nous ne pourrions pas surveiller la situation des droits humains comme nous l’avions prévu. Au lieu de cela, nous nous sommes rassemblés en tête de cortège pour montrer notre solidarité.

De manière incroyable, alors qu’ils étaient quatre fois moins nombreux et la cible d’un flot d’insultes et de violences, les participant·e·s n’ont pas cédé de terrain. Les gens, joyeux, dansaient ostensiblement sur de la musique presque assez forte pour noyer les « Dégagez les pédés ! » qui étaient scandés. Et lorsque les organisateurs ont déroulé le drapeau arc-en-ciel géant qui guiderait le cortège, j’ai senti mes yeux se remplir de larmes.

Pour de nombreux Polonais et Polonaises, le degré de violence qui a marqué la marche des fiertés de Białystok a été surprenant, mais il ne sortait pas de nulle part. Au cours des derniers mois, les pouvoirs publics polonais et les médias qui leur sont favorables ont diffusé de plus en plus de propagande homophobe et transphobe, et ils ont fait de l’homophobie un thème de rassemblement en vue des prochaines élections parlementaires.

Plus tôt dans l’année, Jarosław Kaczyński, le président du parti au pouvoir (Droit et justice [PiS]), a décrit « l’idéologie LGBTI » comme une « menace » venue de l’étranger et dangereuse « pour l’identité polonaise, pour notre nation, pour son existence et par conséquent, pour l’État polonais ». En réponse au soutien affiché par plusieurs municipalités, dont Varsovie, aux personnes LGBTI, le Premier ministre Mateusz Morawiecki a déclaré que les parents polonais ne voulaient pas que leurs enfants soient encouragés dans leurs « tendances homosexuelles » et certains responsables régionaux du parti ont tenté de déclarer « zone sans idéologie LGBTI » des villes et des régions entières.

Des responsables politiques et les médias conservateurs se sont ralliés avec enthousiasme à cette campagne, qui propage un discours homophobe sur Internet et sur le terrain. Un journal a même offert des autocollants « zone sans LGBTI » à ses lecteurs.

Cela dit, dans les 10 jours qui ont suivi les violences de Białystok, quelque chose de miraculeux s’est produit en Pologne.

Le 29 juillet, un jeune homme du nom de Tomasz a posté un message sur Twitter [1] pour suggérer que les personnes LGBTI publient des photos d’elles-mêmes « à l’école ou au travail, qui montrent que nous sommes des gens normaux que vous pourriez croiser n’importe où : dans un magasin, dans la rue, au bureau ». Il a ajouté le hashtag #jestemLGBT (« je suis LGBT ») et, deux jours plus tard, ce hashtag était toujours en tête de la liste des tendances sur Twitter Pologne ; des milliers de personnes ont exprimé leur soutien en twittant ou en re-twittant des messages.

Les Polonaises et Polonais ont utilisé ce hashtag sur les réseaux sociaux pour montrer qui ils sont derrière les étiquettes : pompier, étudiant, médecin, serveuse, ou tout simplement la personne à côté de qui l’on s’assoit dans le bus ou que l’on croise dans la rue. « J’en ai marre de la façon dont la communauté LGBTI est déshumanisée en Pologne, a twitté Alexandra, une étudiante. Je suis juste une personne normale. Je me lève le matin, je vais travailler, je rentre à la maison, je fais à dîner pour ma copine et moi, je suis un cours du soir et je vais me coucher. » Des dizaines de milliers d’autres personnes se sont jointes au mouvement et montrent leur solidarité et leur soutien en twittant le hashtag #jestemzLGBT (« je suis avec les LGBT »).

« Je suis très heureux qu’une simple action ait eu de telles répercussions, m’a dit Tomasz lorsque je lui ai parlé. Beaucoup de gens m’ont contacté pour me confier que le hashtag les a aidés à trouver le courage de dire à leurs amis qu’ils étaient LGBTI. Malgré toute la haine à laquelle sont confrontées les personnes LGBTI, les derniers jours ont montré qu’elles étaient très fortes et qu’elles n’avaient pas honte de leur identité. »

Bien qu’un hashtag seul ne suffise pas à éradiquer l’homophobie ancrée dans la société, le mouvement #MeToo a prouvé que les réseaux sociaux pouvaient être un outil efficace pour redonner du pouvoir aux gens, combattre les préjugés et aider à redéfinir ce qui est acceptable ou non dans une culture. Il reste encore beaucoup à faire pour la Pologne. Elle devrait déjà protéger les participant·e·s aux marches des fiertés de manière adéquate pour garantir que les violences de Białystok ne se reproduisent plus.

Cependant, le mouvement de solidarité, fort du soutien d’un nombre considérable de personnes sur les réseaux sociaux, a indubitablement prouvé la soif de changement dans le pays.

Comme l’a twitté une Polonaise le 31 juillet, avec le hashtag #jestemLGBT : « Un jour, je pourrais être votre amie. Un jour, je pourrais être un membre de votre famille. Mais aujourd’hui, je suis aussi quelqu’un. »

Cet article a été initialement publié en anglais par Euronews.

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