Dix « bonnes résolutions » pour les droits humains en Belgique Par Philippe Hensmans, directeur général de la section belge francophone d’Amnesty International

Janvier est traditionnellement le mois des « bonnes résolutions » et des engagements divers pour un « mieux ». Cette démarche s’applique le plus souvent à nos vies personnelles, mais l’état du monde et de notre pays, en proie à d’inquiétants troubles, pourrait en bénéficier. Pour ce faire, les droits humains constituent un prisme intéressant, qui permet tout de suite de faire la clarté sur ce qui doit constituer d’absolues priorités.

En cette période de mise en marche effective des nouveaux gouvernement régionaux et de perspectives de constitution d’un gouvernement fédéral, voici dix conseils très utiles pour une Belgique plus respectueuse de ces droits qui nous protègent toutes et tous :

1) Mettre fin à l’exportation et au transit d’armes vers les pays impliqués dans le terrible conflit sévissant au Yémen, comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. La Wallonie est essentiellement visée, mais une meilleure collaboration entre les Régions avec le niveau fédéral permettrait de progresser sur ce point ;

2) Créer une commission permanente et indépendante chargée d’examiner la politique et la pratique en matière d’expulsion et de retour des personnes sans permis de séjour valide, afin qu’elle soit et reste conforme aux obligations de notre pays en matière de respect des droits humains ;

3) Sécurité et droits humains vont de pair. La plus grande prudence est de mise dans le cadre, notamment, de la collecte de données relatives à la « radicalisation » ; celle-ci doit être légale, nécessaire et proportionnelle.

4) L’intérêt supérieur de l’enfant doit être au cœur des décisions concernant les enfants de Belges en Syrie et en Irak. Il faut les sortir des camps où ils se trouvent et les ramener ici ;

5) Les droits à la liberté d’expression, d’association et de manifestation pacifique sont fondamentaux. Il est essentiel de les garantir en toutes circonstances, même quand les recours à ces droits sortent du cadre prévu – la désobéissance civile pacifique est également protégée par le droit de manifester. Il est tout aussi indispensable de s’exprimer au nom de tous ceux et de toutes celles qui doivent faire face à la répression de ces mêmes droits dans le monde entier, quand bien même d’importants intérêts économiques seraient en jeu ;

6) Améliorer sensiblement les conditions de détention en Belgique, qui demeurent inhumaines. Faire plus et mieux dans ce sens, notamment en envisageant des possibilités de détention à petite échelle comme dans les maisons de transition.

7) Intensifier la lutte contre les violences sexuelles. Donner à ce combat une place centrale dans la politique de sécurité, assurer un budget suffisant et stable pour prendre des mesures appropriées et durables, et augmenter encore le nombre de centres de soins pour les victimes ;

8) Transformer le “devoir de vigilance" en matière de droits humains, autrement dit le devoir pour les entreprises d’évaluer l’impact de leur activité sur les droits humains – en une obligation légale dans notre pays. Chaque entreprise devrait alors veiller à ne pas encourager les violations des droits humains, tant en Belgique qu’à l’étranger, tant dans ses propres activités que dans la chaîne d’approvisionnement ;

9) Mettre la deuxième et dernière année de présence de la Belgique au Conseil de sécurité des Nations Unies au service des droits humains. Montrer que la coopération internationale est dans l’intérêt de toutes et tous, et placer les droits humains au sommet de l’ordre du jour en toute occasion ;

10) Donner à l’Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits humains les moyens d’être rapidement opérationnel, avec des ressources humaines et financières lui permettant de fonctionner de façon optimale. Il faudra également passer dans les délais les plus brefs tous les accords nécessaires pour le doter d’un mandat interfédéral.

Soyons clair : nous aurions pu allonger cette liste d’au moins 10 autres conseils comme aider la police à régler le problème du profilage ethnique, respecter le droit au logement de chacun, mettre en place un système complet de soutien aux victimes du terrorisme, ne pas détenir des enfants pour des raisons liées à la migration...

Que le prochain gouvernement fédéral se constitue sur la base d’une coalition « violette-jaune », « Vivaldi » ou « arc-en-ciel », les droits de la personne peuvent et doivent être la colonne vertébrale de la politique qui aura été déterminée. Dans cette optique, ces dix « bonnes résolutions » constituent autant de points de repère dont il serait bon que les échos se fassent entendre dans les drinks de Nouvel An de chaque parti politique.

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