Campagne contre le Coronavirus : le diable est dans les détails Par Philippe Hensmans, directeur général de la section belge francophone d’Amnesty International

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Les mesures de lutte contre le Coronavirus— indispensables — devraient inclure certaines dispositions spécifiques visant des groupes vulnérables, tels que les migrants, les femmes victimes de violence de genre ou les personnes dont les revenus sont réduits par la crise. Sinon, elles risquent de perdre en efficacité et entraîner des conséquences désastreuses.

En cas de crise sanitaire, le respect des droits humains ne doit pas être vu comme un luxe

Il nous faut d’abord saluer les efforts déployés par divers groupes, bien évidemment en première ligne tous les personnels de santé, pour arrêter la propagation du virus et protéger, en particulier, les personnes les plus vulnérables. Si nous devons faire confiance aux spécialistes à propos des mesures qui sont prises pour lutter contre la pandémie, il est vital toutefois que les droits humains servent de repères aussi dès aujourd’hui dans tous les efforts de prévention, de préparation, de confinement et de traitement pour mieux protéger la santé publique et soutenir les groupes et les individus les plus à risque. C’est ainsi qu’un des droits fondamentaux, le droit à la santé, pourra être garanti.

Il est bien évidemment urgent d’augmenter la sécurité des professionnels du secteur de la santé contre le danger potentiel de contagion au COVID-19.

Les groupes vulnérables touchés de plein fouet par le coronavirus en Belgique

Il y a cependant de quoi être préoccupé·e pour les personnes qui se trouvent dans une situation particulièrement vulnérable, aggravée par la crise sanitaire en Belgique. Il est nécessaire que tou·te·s les habitant·e·s du pays aient accès, sans aucune forme de discrimination, aux soins de santé. De même, l’accès aux tests de dépistage et de traitement est essentiel aussi dans tous les lieux de détention, ou dans les centres de séjour temporaire pour demandeur·se·s d’asile.

Les victimes qu’a faites le Coronavirus — et qu’il fera malheureusement encore— ne seront pas seulement les personnes qui en auront été atteintes. Bien d’autres personnes en souffriront pour d’autres raisons. Charge à nous de ne pas les considérer comme des “dégâts collatéraux

Il est capital de renforcer les mesures de protection sociale et économique visant à garantir que ceux qui se trouvent dans une situation de plus grande vulnérabilité et dont les revenus sont diminués par cette crise puissent continuer à maintenir un niveau minimum essentiel de tous les droits, y compris le droit au logement et à la nourriture, entre autres. Il s’agit d’un cas particulièrement préoccupant des sans-abri, pour qui les autorités doivent garantir des mesures qui protègent leur droit à la santé.

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Dans tous les cas, la privation de certains services essentiels (aides familiales, banques alimentaires, soins ou repas à domicile, repas chauds à l’école…) peut entraîner des conséquences désastreuses, qui auront elles-mêmes un impact sur les capacités de traitement de notre système de santé.

Il en va de même en ce qui concerne les démarches que doivent normalement respecter certaines personnes : accès au CPAS, détermination de la garde d’enfants, suivi des dossiers pour l’accès aux allocations de chômage… Même si la digitalisation des services a beaucoup progressé, encore faut-il disposer du matériel et de la connexion nécessaire pour en bénéficier.

Les violences conjugales et sexuelles susceptibles d’augmenter en période de confinement

En ce qui concerne les victimes de violences basées sur le genre, il est nécessaire de renforcer l’assistance téléphonique pour elles et les informations sur les ressources existantes dans le cadre des mesures visant à restreindre les déplacements et l’isolement au domicile de ces personnes. Le confinement augmente sensiblement, si l’on en croit les experts, les dangers qu’elles courent. Appeler les services de secours peut être parfois très compliqué et lorsque cela se passe, il n’est pas certain que les mesures adéquates puissent être prises. Il est dès lors capital que les services de police, qui vont pouvoir consacrer plus de temps sur le terrain afin de garantir les mesures de confinement, soient aussi plus attentifs à tous les signaux (témoignages de voisins…) qui pourraient leur parvenir. Des campagnes de rappel des numéros verts (violences conjugales, viol) devraient être relancées afin que les victimes puissent profiter de toutes les opportunités pour y faire appel.

Bien que ce soit l’État qui ait l’obligation de respecter, protéger et réaliser le droit à la santé, les individus et les entreprises ont également des responsabilités, dont la première est le respect des mesures indispensables qui nous protègent ainsi que les autres citoyens. Il s’agit d’une crise dont nous ne pouvons sortir que si nous restons ensemble (à distance), en promouvant la coopération et les soins entre tous. L’épidémie en cours nous montre à quel point une politique pensée et respectueuse des droits fondamentaux est capitale.

Les victimes qu’a faites le Coronavirus — et qu’il fera malheureusement encore— ne seront pas seulement les personnes qui en auront été atteintes. Bien d’autres personnes en souffriront pour d’autres raisons. Charge à nous de ne pas les considérer comme des “dégâts collatéraux”.

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