J’écris, donc ils sont Par Philippe Hensmans

Depuis plus de 50 ans, des militants et sympathisants d’Amnesty écrivent, faxent, tweetent… en faveur d’individus en prison ou en danger. Et ça sert à quelque chose ? Demandez aux victimes !

Ainsi, Imen, tunisienne, que j’ai eu l’occasion de rencontrer à sa libération et qui est aujourd’hui une amie, nous écrivait récemment :

« À 25 ans, le désir de vivre libre est plus important que la peur. C’était mon cas en 1998, dans la Tunisie terrorisée de Ben Ali, avant d’être arrêtée pour avoir manifesté pacifiquement.
On m’a battue, violée, privée de sommeil, torturée de mille et une façons alors que des apprentis tortionnaires observaient pour apprendre… Pendant 15 mois, j’ai vécu l’enfer.

Mais il y a eu ce jour où on m’a appris que des milliers de sympathisants d’Amnesty avaient écrit des lettres en ma faveur. Ce fut comme une première libération. Enfin, je voyais un filet de lumière du fond de ma cellule.
Je n’étais plus seule. Des personnes comme vous me le confirmaient.
Puis un jour, j’ai été libérée, grâce à cette incroyable mobilisation. Vous savez, à partir de ce moment, Amnesty est devenue une partie intégrante de mon identité.
Mon histoire n’est pas exceptionnelle. Elle arrive malheureusement à des milliers de personnes.
De tout mon cœur, je leur souhaite de ne pas subir ce que j’ai subi il y a 16 ans. Je leur souhaite aussi de voir leurs conditions de détention s’améliorer et d’être libérés, grâce à notre action. Croyez-moi, vos messages d’espoir peuvent tout changer pour elles et eux.
Mon nom est Imen Derouiche. Je vis maintenant au Québec et je suis la preuve vivante qu’avec Amnesty, Écrire, ça libère. »

Des personnes à l’histoire parfois secrète

Que dire de plus ? Et bien que le cas d’Imen, comme celui des milliers de personnes pour qui nous avons écrit et agi depuis des années, est rarement à la une des journaux. Ce sont des personnes dont l’histoire est presque secrète. Ce sont des activistes qui se battent pour les autres, des militants syndicaux, des journalistes, des militantes pour les droits des femmes… qui paient le prix lourd pour leur engagement. Parfois, elles étaient tout simplement au mauvais endroit au mauvais moment. En attendant, elles sont jetées dans des geôles immondes, torturées, violées, parfois condamnées à mort sans même un procès.

Pourquoi les gouvernements font-ils cela ? Ils vous donneront beaucoup de raisons, déguisant en « terroriste » un militant écologiste, par exemple. Mais, en vérité, ils ont simplement peur. Peur de la contradiction, peur de voir leur mauvaise gestion ou les violations des droits humains qu’ils commettent révélées au grand jour. Mais ils sont extrêmement embarrassés aussi lorsque, comme le Premier ministre hongrois tout récemment, ils sont littéralement bombardés par des milliers de lettres leur demandant de changer leur politique. Car ils savent que tout cela va finir par se savoir.

Raif Badawi, blogueur saoudien, s’est vu condamné à 1000 coups de fouet pour avoir donné son avis. Un jugement presque en cachette. Plus d’un million de signatures ont été collectées en sa faveur ; des manifestations ont lieu depuis plus d’un an devant des dizaines d’ambassades de ce pays partout dans le monde. Son cas, grâce à l’opiniâtreté des citoyens qui ont accepté de consacrer un tout petit peu de leur temps à écrire pour lui, est devenu célèbre et les coups de fouet ont été arrêtés après la première séance.

Des Villes lumières pour illuminer des cellules

Des cas comme Raif, il y en a des dizaines que les « citoyens du monde » belges défendent tous les jours.
Une trentaine de villes vont s’illuminer ce soir en Wallonie et à Bruxelles pour célébrer ces victimes souvent inconnues qui attendent là-bas ce « filet de lumière qui vient illuminer leur cellule », comme le dit si bien Imen.
Bien sûr, on ne libère pas d’un tweet tous les prisonniers d’un pays. Mais nous aidons en tout cas les personnes dans leurs prisons à survivre et parfois à voir leurs conditions de détention s’améliorer. Certes, cela n’entraîne pas de changements structurels immédiats. Mais, au final, nous garantissons aux victimes qu’elles ne sont pas seules. C’est cela, la solidarité internationale : des gens « ordinaires » prêts à agir quand les chefs et les gouvernements ne respectent pas les droits humains. Aucune victime d’injustice ne devrait être abandonnée, même si son seul allié est un jeune dans une classe, à l’autre bout du monde, qui écrit une lettre pour le soutenir.

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