Mexique : la mort au coin de la rue ou du salon Par Philippe Hensmans, directeur général de la section belge francophone d’Amnesty International

La mort, surtout quand approche la Toussaint, est partout au Mexique : dans les magasins, dans les administrations, dans les rues, dans les restaurants, dans les familles. On trouve des autels, en mémoire de membres de la famille ou d’un chanteur connu. Des papiers découpés ornent les plafonds des bistrots. Dans quelques jours, les enfants vont sortir, maquillés en cadavres. La mort est partout donc. Mais pas seulement dans le folklore ou les croyances religieuses. Elle est provoquée par des bandes, qu’il s’agisse de criminels ou de policiers, qui règnent par la terreur.
Toussaint Mexique fêtes des morts
Une des causes majeures qui explique ceci (avec la corruption et les gangs, mais c’est souvent lié), c’est l’impunité de sa police et surtout de l’armée, qui représente à elle seule un état dans l’état.
En ne perdant pas de vue les femmes victimes de féminicides, qui sont en nombre incroyablement élevé.
J’ai eu le plaisir d’accompagner la section mexicaine pour une mission de 15 jours à travers tout le pays. Objectif : soutenir les défenseurs locaux et leurs familles, en apportant notamment le soutien des sections d’Amnesty du monde entier, dont la section belge.

Sommaire
 Un mécanisme de protection des défenseurs mexicains insuffisant
 Ocosingo et le viol des soeurs Gonzales : un moment capital dans l’histoire des droits humains au Mexique
 Violences policières : combien de José chaque jour ?
 Des territoires mortels pour les défenseurs des droits de l’environnement
 10 femmes assassinées chaque jour au Mexique

Départ donc le lendemain de mon arrivée (14 octobre) à l’aube pour un long trajet en minibus pour Cuetzalan, passé Puebla. Arrivée à 15h, après 6h de parcours sineux dans les montagnes (on recommande de ne pas se rendre dans cette ville après 18h, tellement les routes sont dangereuses la nuit, notamment en raison de la pluie et du brouillard). À l’arrivée, rencontre avec deux incroyables groupes de défenseurs des droits des autochtones locaux : deux coopératives, dont l’une, Tosepan (http://www.tosepan.com/) a été fondée en 1977.
Elle ne produit pas seulement du café ; au fil du temps, elle s’est constituée de fait en une Union de 9 coopératives, regroupant des centaines de petits groupements locaux, avec un système de représentation et de démocratie assez incroyable.

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L’une de ces coopératives, dont l’animateur est un jeune homme au départ un peu timide quand il commence à présenter son projet et qui fait partie des jeunes Amnesty, est devenue une quasi-banque non usuraire (hallal dirait certains), qui regroupe pas mal d’employés et gère des bureaux alimentés par l’énergie solaire. Une réponse à la CFE (compagnie d’électricité pour le dire rapidement) qui veut installer un relais électrique près de la ville, affirmant que celle-ci va avoir besoin d’un renforcement de la production d’électricité pour répondre à ses besoins. 
Ce projet a suscité une mobilisation incroyable, avec la mise en place d’un campement sur le lieu même, tenu pendant plus de 100 jours, avec chaque jour des formes de mobilisation différentes. Car en réalité, affirment les militants, d’autres projets se cachent derrière cette idée, car la richesse de la région, c’est non seulement sa beauté qui attire les touristes, mais aussi les minerais de son sous-sol dont l’extraction réclamerait de l’énergie en masse. Et voilà que l’on se retrouve devant des enjeux qui, dans un pays comme le Mexique, ne se limitent pas à des risques de détention administrative après une action de désobéissance civile. 

Un mécanisme de protection des défenseurs mexicains insuffisant

Plusieurs des militants que nous avons rencontrés mardi et retrouvés le lendemain sur les lieux du projet pour le moment abandonné, font l’objet d’un "mécanisme de protection" mis en place par le ministère de l’intérieur : un genre de smartphone avec bouton d’alerte pour prévenir les autorités en cas de menace. Mais dans une région où il faut sortir de sa voiture pour espérer obtenir une connection au réseau téléphonique ou même satellitaire, on comprendra que c’est une protection insuffisante. Deux militants ont d’ailleurs été assassinés, tandis que plusieurs autres sont aujourd’hui poursuivis pour entraves à l’action publique.

Amnesty les soutient donc, et nous étions là pour trouver des moyens de mieux travailler ensemble. Car les entreprises concernées sont redoutables dans le "social enginering", comme l’appellent nos amis : distribuer des facilités, financer des facilités scolaires,... pour montrer combien elles sont porteuses de "progrès".


Mais le progrès, nos amis des coopératives luttent pour celui-ci, même si la très vaste majorité est composée de paysans portant en permanence leur machette au côté : c’est d’ailleurs amusant de voir un de ces militants, portant à la fois le T-shirt "VALIENTE" (Brave) d’Amnesty et sa machette bien en vue.

Nous aurons l’occasion de nous en rendre compte à plusieurs reprises d’ailleurs. Nous avons été accueillis à deux reprises dans la cafétéria de la coopérative. 
Branchée, proposant du café et des produits de beauté bio, ainsi que des plats "slow food", elle est l’exemple même de la réussite de l’alliance entre des valeurs ancestrales, liées à la terre et à une culture bien plus vieilles que les "canons" que certains veulent nous imposer ici - et d’ailleurs nombreuses et nombreux sont ces militants qui ne parlent (ou ne veulent pas parler) espagnol -et des idées nouvelles, ou en tous cas liées à une réflexion en profondeur. 

Ainsi, une autre de ces coopératives est constituée d’un groupe de jeunes menant des projets qui leurs sont propres et qui vont de l’avant. 

La diversité homme/femme est particulièrement renforcée (dans toutes les coopératives d’ailleurs) ; certains ont d’ailleurs été se former à l’institut Simone de Beauvoir à Mexico...
En quittant Cuetzalan, les longues heures en minibus pour revenir à Mexico fileront à toute allure : beaucoup d’idées en tête, forcément.

Ocosingo et le viol des soeurs Gonzales : un moment capital dans l’histoire des droits humains au Mexique

Il y a plus de 25 ans maintenant, trois soeurs vivant au Chiapas, les soeurs Gonzales, ont payé le prix fort de la lutte contre les tendances indépendantistes des peuples indigènes qui vivent là : elles furent violées par des militaires. La plus jeune était adolescente à l’époque. Amnesty fut l’une des premières organisations à dénoncer ces faits. Elle n’a cessé depuis de demander justice et de soutenir ces femmes (et les organisations locales qui agissaient en permanence).

L’affaire aurait désespéré plus d’une activiste. Mais ce serait mal connaître les militant•es locales d’Amnesty International… et notamment une des plus anciennes membres (depuis 1978 : au premier plan sur la photo ci-dessus) qui n’a jamais baissé la garde pendant ces 25 années et va accompagner les trois sœurs tout au long du processus, y compris dans la chaîne humaine qui a protégé les trois soeurs des médias intrusifs durant cette matinée.
Voilà donc que le 18 octobre dernier, une cérémonie officielle était organisée sur la grand place d’Ocosingo, près de là où vivent les trois soeurs et leur maman. Une bannière gigantesque, un podium, une centaine de chaises, et des dizaines de journalistes : le gouvernement fédéral, représenté par la secrétaire d’état à l’intérieur (l’équivalent de notre ministre de l’intérieur), accompagné du sous-secrétaire d’état aux droits humains, allait reconnaître officiellement sa responsabilité dans le viol des trois soeurs. Et cela s’est passé comme cela en effet. Mais ce ne fut pas une mince affaire.
Les discussions du gouvernement avec les soeurs et les ONG ont duré des semaines, et lorsque ma collègue Tania est apparue au petit déjeuner du jour de la cérémonie, elle était sur les genoux : il avait fallu encore discuter jusque tard dans la nuit.
C’est qu’il ne suffit pas pour un gouvernement de reconnaître sa responsabilité : il faut accorder une réparation aux victimes, punir les coupables et prendre des mesures structurelles pour que cela ne se représente plus…

Quelques minutes avant la cérémonie officielle, nous nous sommes donc retrouvés avec les victimes et le gouvernement pour la signature d’un accord. Mais même celles et ceux qui attendaient à la porte de la salle où se déroulaient cette opération l’ont entendu : la colère des trois soeurs Gonzalés n’est pas éteinte et elles l’ont fait savoir.
C’est qu’un acteur important n’était pas là : l’armée. Ou plutôt, n’était plus là : des troupes avaient patrouillé dans la ville tôt le matin avant de se retirer. Comme un signe presque provocateur. Je ne pense pas, comme les trois soeurs et leur maman l’ont répété publiquement, que l’armée aurait du être présente. Les auteurs devraient être en prison, et l’armée doit être au service de l’état. Cependant, le rôle qu’elle joue au Mexique est visiblement plus important. On comprend leur irritation.
Mais ne nous trompons pas : pour tous les activistes du pays, ce qui s’est passé à Ocosingo ce matin-là est crucial. L’état (poussé il est vrai par la Commission interaméricaine des droits de l’homme) a reconnu sa responsabilité. Enfin. Et cela va d’ailleurs servir d’exemple pour nombre de rencontres avec les autorités que nous avons rencontrées lors de cette mission.

Violences policières : combien de José chaque jour ?

Et c’est d’ailleurs ce dont nous avons parlé avec les autorités lors de l’étape suivante : Mérida. Située dans le Yucatán, elle connaît aussi les mêmes problèmes que beaucoup d’autres états du pays : l’impunité dont jouit la police.


Nous avons eu l’occasion d’en discuter longuement avec Adelaïda, la maman de José Adrian. Arrêté en rentrant de l’école José Adrián revenait à pied de l’école alors qu’une bagarre entre un groupe de garçons venait de se passer dans la rue. Lors de cette bagarre, des pierres avaient été jetées sur une voiture de police. Quand la police est arrivée sur place, la situation s’est envenimée. Au lieu d’être protégé par la police comme il aurait dû l’être, des voisins ont vu la police arrêter l’enfant et le battre contre une voiture de police, lui piétiner la tête et lui causer des blessures au cou. Ils lui ont arraché sa chemise et ses souliers et l’ont emmené à la prison de la police dans la ville voisine de Chemax. Ils lui ont passé les menottes, l’ont pendu au mur et l’ont abandonné là pendant des heures. Pour pouvoir le libérer de prison, ses parents ont été forcés de payer une amende et de payer pour les dommages causés à la voiture de police. Les parents de José Adrián auraient pu rentrer à la maison et essayer d’oublier ce qu’il s’était passé, mais ils ont décidé de se battre pour que justice soit rendue. Ils ont porté plainte et lancé un appel pour que les policiers responsables soient identifiés.
Si l’histoire de José a été choisie pour notre opération du « Marathon des lettres » en 2019, c’est pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’il est extrêmement important qu’il obtienne réparation et puisse reprendre ses études (il a été terriblement éprouvé par l’affaire, et fait l’objet de harcèlement de la part des autres élèves de son école d’origine). Se reconstruire, ce n’est pas une mince affaire. Ensuite, parce qu’à travers cet exemple, Amnesty veut obliger l’état du Yucatán, la municipalité de Mérida ainsi que l’État mexicain à assumer leurs responsabilités et à prendre les mesures nécessaires pour que ce type de comportement policier cesse. Car malheureusement, l’histoire de José n’est pas un cas isolé. Nous avons pu ainsi en parler avec des membres de l’association locale Indignation, qui a relevé des dizaines de témoignages similaires. Pour ces derniers, avec qui nous avons rendu visite au directeur juridique du secrétaire d’état à l’intérieur du Yucatán, ce fut un pas en avant : ils obtiennent rarement des rencontres avec les autorités. Indignation fait un travail remarquable dans la région, mais semble peu entendue par les responsables politiques. Ceci fait partie aussi des objectifs d’Amnesty International dans ce type de mission : renforcer l’influence des associations locales. L’avenir nous dira si ce sera le cas dans les mois qui viennent.

La maman de José, qui nous a accompagnés dans ces rencontres, tient d’ailleurs à remercier toutes celles et ceux qui ont signé la pétition en sa faveur, et surtout les personnes qui vont signer cet appel lors de notre opération d’écriture de lettres, le « Marathon des lettres ». Notre soutien est capital pour elle.

Des territoires mortels pour les défenseurs des droits de l’environnement

Notre destination suivante est passée par une tout autre région du pays : Chihuahua, au nord de Mexico, relativement proche de la frontière américaine (où se trouvait une autre mission d’Amnesty International en même temps, concernant les droits des réfugiés).
Région gangrénée par les trafics et quasi gérée par les gangs (un activiste nous dira qu’il a reçu de ceux-ci des instructions très claires : interdiction de circuler entre 18h et 6h du matin), les assassinats sont fréquents et 16 défenseurs de l’environnement et des personnes indigènes ont été tuées en 2018.
Nous étions d’ailleurs présents pour commémorer le triste anniversaire de la mort de Julian Carrillo, défenseur de la terre et du territoire du peuple indigène Rarámuri au Coloradas de la Virgen, une communauté isolée dans les montagnes Tarahumara du Chihuahua. Depuis 2007, il défendait son territoire ancestral contre l’exploitation illégale des forêts, des mines et des cultures de drogue. Le meurtre de Julián est une tragédie. Depuis des années, le défenseur dénonçait les attaques et les menaces de mort dont il était victime. Cinq autres membres de sa famille, dont son fils, ont également été tués. De nombreux autres dirigeants autochtones des Coloradas de la Virgen ont fait l’objet de menaces, d’attaques, de procès inéquitables et de meurtres. La situation des défenseur·e·s des droits humains, en particulier de la terre, du territoire et de l’environnement, au Mexique et dans le monde demeure très préoccupante. En effet, au total, 321 défenseurs des droits humains ont été assassinés en 2018.

Nous étions donc rassemblés sur la place devant le palais du gouvernement, avec une petite centaine d’activistes locaux, dont certains font l’objet de la protection des PBI (Peace Brigades International), tant la situation est risquée.


Une croix a été érigée, rejoignant ainsi celles commémorant le décès d’autres activistes, mais aussi des nombreux féminicides que connaît la région. Chaque assassinat d’une femme est représenté par un clou planté dans la croix…
La famille de Julian était là aussi ; c’est qu’elle n’ose plus rejoindre son lieu de vie, devenu trop dangereux pour ses membres. Pourtant, la vie en ville est peu compréhensible pour la veuve de Julian et ses enfants. C’est là qu’on mesure toute la distance qui existe entre la culture de cette communauté et celle de l’état : la notion-même du temps qui passe n’est pas la même et l’année qui vient de s’écouler depuis la mort de leur mari et père ne se calcule pas de la même manière pour eux.


Après la cérémonie, nous avons obtenu un rendez-vous avec la personne chargée dans l’administration de l’État du Chihuahua de la protection des défenseurs des droits humains. Lourd travail, notamment en raison de la criminalité et de la complexité institutionnelle du Mexique. Vous l’aurez compris, les révisions de la constitution en Belgique, c’est « Martine à la mer » en comparaison : police municipale, de l’État, fédérale,… De même, le mécanisme de protection des défenseurs relève du fédéral (intérieur), mais oblige les États à adopter des procédures pour lesquelles ils n’ont pas toujours les moyens. Beaucoup de nos discussions, d’ailleurs, continuent à tourner au fil des rencontres, sur ce mécanisme de protection. Beaucoup nous disent qu’il n’a pas été conçu pour des zones rurales, par exemple. Le gouvernement du Chihuahua, nous dit sa déléguée, tente de mettre un programme plus adapté, et a même lancé une campagne sur le sujet. Nous avons tous eu droit à un splendide badge…
Mais il nous fallait cependant rappeler que l’État a des responsabilités ; nous avions entre autre apporté un album photo réalisé par des militants d’Amnesty Espagne : tous ensemble, au total, ils ont couru jusqu’à franchir la distance symbolique de 10.000 km, celle qui sépare Madrid de Chihuahua. On peut se demander quel impact ce type d’action peut bien avoir sur les autorités. Ce qu’il ressort en tout cas ici, c’est que l’attention que cette crise des droits humains suscite sur la plan international (j’ai pu mentionner que plus de 7.000 personnes avaient signé une pétition pour Julian le matin-même) a de l’impact. Les responsables politiques se sentent obligés de proposer des réponses. De l’intérêt d’un mouvement international…

Mais la réunion qui suivi a montré aussi à quel point ce type de visite peut susciter de l’espoir. Rassemblées dans les bureaux du CEDEHM (Centre pour les droits humains des femmes), une trentaine de personnes nous attendaient patiemment, après la rencontre avec les autorités. Chacune à leur tour, calmement, réprimant parfois difficilement leurs larmes, elles nous ont raconté pourquoi elles étaient là et l’espoir qui malgré tout les faisait encore agir.
Certaines ont vu leur mari ou fils disparaître il y a plus de 8 ans, sans aucune nouvelles. Un carton blanc autour du cou, avec la photo du disparu, elles reprennent à leur compte la stratégie des « Folles de la Place de Mai » argentines, dont certaines sont d’ailleurs venues leur raconter leur stratégie, leurs échecs et leurs succès. D’autres sont des personnes déplacées, chassées par les cartels de la drogue qui occupent maintenant leurs terres, sans que personne n’ose s’y opposer réellement. Sauf quelques activistes présents dans la salle, et qui veulent continuer le combat malgré la mort de leur collègue Julian.


J’écoute leurs histoires, fasciné par leur calme et leur détermination. Au mur sont toujours collés les « Papillons de la solidarité » que nos collègues canadiens ont envoyés il y a deux ans, pour montrer leur soutien et leur solidarité à ces femmes qui se battent contre les « disparitions » au Mexique, bien souvent au risque de leur vie. Car il en faut du courage…

« Nous relisons les messages de solidarité qui sont écrits sur chacun de vos dessins, nous dit un des membres de l’association. À chaque fois, ça fait du bien… ».

Il est évident que la solidarité, ça aide, qu’elle vienne de loin (Belgique, Espagne, Canada,…) ou des autres victimes. Mais il existe aussi des dispositifs mis en place par l’État (fédéral ou local) pour venir en aide aux victimes. Nous sommes donc allés à la rencontre, dans les bureaux du procureur général, des personnes qui sont en charge, précisément des victimes. Le cas de la famille de Juliàn Carrillo est symptomatique de toutes les difficultés rencontrées — mais aussi de l’importance pour ces personnes d’avoir des associations comme l’ASMAC (Alianza Sierra Madre AC), qui nous accompagnait, comme soutien permanent. C’est que la famille réside en ville aujourd’hui, dans une culture et un mode de vie, dans un refuge aussi, qui leur sont totalement inconnus. Les enfants ont des difficultés et il est difficile de trouver des écoles qui leur garantissent une éducation proche de leur culture. Comme écrit plus haut, le temps passe différemment et « leurs visages changent complètement dès qu’ils peuvent entrer dans un parc », nous dira-t-on. Bref, l’aide qui doit leur être apportée est très difficile à mettre en oeuvre. Tout le monde dans la salle de réunion sait qu’il n’y a qu’une seule vraie solution : leur retour sur leurs terres ancestrales. Mais là, on se heurte à d’autres problèmes que même l’État et la police n’arrivent pas à gérer…
C’est sans doute une illustration de plus de tous les dysfonctionnements que connaît le Mexique aujourd’hui : beaucoup de mécanismes et de protocoles sont mis en place, mais ils n’arrivent pas à régler le fond des problèmes.

10 femmes assassinées chaque jour au Mexique


La dernière étape de la mission a lieu en ce moment à San Luis de Potosi : il s’agit de mettre en évidence encore une fois les centaines d’assassinats qui touchent chaque année des femmes au Mexique, tout en restant impunis. Un exemple frappant parmi d’autre est celui de Karla Pontigo. Cette étudiante de 22 ans, a été retrouvée morte près de son travail le 28 octobre 2012. Malgré les différents coups et blessures qu’elle portait sur le corps ainsi que la preuve qu’elle avait été agressée sexuellement, le bureau du procureur général de l’État a conclu que sa mort était un accident. Hier soir, veille de la mort de son assassinat, nous avons accompagné Esperanza, la mère de Karla Pontigo dans l’installation du mémorial des victimes de féminicide à San Luis de Potosi. Sept années d’impunité, de lutte constante, cette mère porte l’espoir en son nom !

Légende : Remise des 80 000 signatures au gouverneur de San Luis de Potosi pour demander que justice soit faite pour Karla Pontigo et les autres féminicides au Mexique.

Ce lundi 28 octobre, 7 ans depuis le meurtre de Karla Pontigo, après une brève réunion avec les avocats et les organisations de défense des droits humains, rendez-vous au Palais du gouverneur, Juan Manuel Carreras. Une meute de journalistes nous attendaient à l’entrée. Après de longues interviews, réunion de contenu avec le Gouverneur et ses assistants.
D’abord pour lui remettre les plus de 80.000 signatures collectées en faveur de Karla dont un cinquième collectées par la section belge francophone !). Ensuite, pour parler à la fois des mesures de réparations offertes à la famille, mais aussi des mesures que l’Etat devrait prendre : le gouverneur s’est engagé à assurer la mise en œuvre des mesures de réparation liées au féminicide de Karla, et notamment la présentation d’excuses publiques, l’installation d’un monument commémoratif et la garantie qu’une telle défaillance ne se reproduira pas.

« Les féminicides, me permets-je de rappeler, ne sont que la partie visible de l’iceberg. Pour chaque meurtre, il y a des centaines voire des milliers de femmes victimes de violences quotidiennes...  ».

La réunion durera plus d’une heure, avec des rendez-vous ultérieurs fixés et un suivi attentif de la part des ONG.

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