Mieux vaut allumer une bougie que maudire l’obscurité Par Philippe Hensmans

En ce jour où nous démarrons notre campagne « Flamme », j’avais prévu de faire avec vous le bilan de l’année.

Á l’occasion du lancement de notre campagne annuelle, j’aurais aimé vous parler de nos actions menées avec ténacité souvent, comme nos manifestations pour Raif Badawi, emprisonné et condamné à 1000 coups de fouet pour avoir osé penser en Arabie Saoudite.

A propos d’Arabie Saoudite, précisément, j’aurais aimé vous raconter nos rencontres avec nos dirigeants politiques, tant fédéraux que régionaux à qui nous avons parlé de la situation des droits humains dans ce pays et des crimes de guerre commis au Yemen. J’aurais aimé vous parler justement des ventes d’armes aux Saoudiens par la Wallonie.

J’aurais aimé vous parlé de l’Iran, des centaines de pendaisons annuelles, des étudiants comme Hamid Babaei, en prison aujourd’hui et pour qui toute la communauté étudiante liégeoise et plus largement belge, s’est mobilisée massivement et continue à agir.

J’aurais aimé vous parlé du succès que nous avons rencontré lors de l’approbation de la conférence du Caire+20, où les états les plus rétrogrades n’ont pas réussi à revenir sur des victoires récoltées il y a 20 ans. J’aurais aimé vous faire part de notre joie de voir que les droits des femmes à disposer librement de leur corps étaient, en théorie du moins, respectés dans ce texte.

J’aurais aimé vous faire part des victoires rencontrées justement dans ce domaine au Maroc, où la loi sur le viol a été modifiée. J’aurais aimé vous rappeler que l’Irlande a changé sa loi sur l’homosexualité, et qu’il ne lui reste plus qu’à changer sa loi sur l’avortement, même si le chemin est long.

J’avais aussi sur ma liste les attaques contres les défenseurs des droits humains en Russie, la torture systémique en Chine, où les viols qui continuent imperturbablement en République démocratique du Congo.

En parlant d’Afrique centrale, j’avais envie d’attirer votre attention sur les massacres qui risquent d’encore se dérouler en Centrafrique, tout comme un peu plus loin, au Burundi.

J’aurais aimé vous rappeler qu’il y a toujours une bonne centaine de détenus à Guantanamo, sans aucun jugement ou même inculpation. Mais en parlant des Etats-Unis, j’aurais aimé me réjouir avec vous de la progression de l’abolition de la peine de mort, même si la violence policière dans ce pays a encore montré son visage ségrégationniste.

J’aurais aimé vous montrer les statistiques de ces centaines de milliers de signatures de pétitions que nous avons récoltées tout au long de l’année, et des résultats positifs que nous avons engrangés.

Mais l’année s’est terminée comme elle avait commencé : des attentats meurtriers au Nigeria, au Liban, en Syrie, en Irak, en Turquie, en France… et des milliers de personnes qui fuient, hagardes, tous ces « malades qui nous gouvernement…et nous tuent ».

Jamais autant de personnes ne se sont retrouvées sur les routes. Jamais aussi, sans doute, la haine et le rejet de l’autre ne se sont manifestés aussi violemment et ouvertement.

Zéro minute de silence !, encore et encore

Et c’est la raison pour laquelle nous continuons notre combat. Car nous sommes des millions dans le monde, a refuser cela, à vouloir montrer notre résistance. Nous l’avons bien vu, en criant haut et fort lors de l’attaque contre Charlie Hebdo : "Zéro minute de silence !". Nous l’avons encore constaté en lançant « Refugees Welcome » avec d’autres associations, que bon nombre de nos concitoyens refusent d’être associés à cet esprit de rejet de l’autre.

La bougie, qu’elle soit de cire ou entre les mains du chat, est un moyen simple de montrer, précisément, son engagement et son soutien aux droits humains.

Spontanément allumée par des milliers de personnes en cas de catastrophe, comme on l’a encore vu ce week-end, elle est aussi pour nous un engagement sur le plus long terme. Car plus prosaïquement, c’est un moyen de nous soutenir financièrement.

Pour terminer, je voudrais vous faire lire quelques lignes que Imen Derouiche nous a fait parvenir :

À 25 ans, le désir de vivre libre est plus important que la peur. C’était mon cas en 1998, dans la Tunisie terrorisée de Ben Ali, avant d’être arrêtée pour avoir manifesté pacifiquement.On m’a battue, violée, privée de sommeil, torturée de mille et une façons alors que des apprentis tortionnaires observaient pour apprendre… Pendant 15 mois, j’ai vécu l’enfer. Mais il y a eu ce jour où on m’a appris que des milliers de sympathisants d’Amnesty avaient écrit des lettres en ma faveur. Ce fut comme une première libération. Enfin, je voyais un filet de lumière du fond de ma cellule.
Je n’étais plus seule. Des personnes comme vous me le confirmaient.
Puis un jour, j’ai été libérée, grâce à cette incroyable mobilisation. Vous savez, à partir de ce moment, Amnesty est devenue une partie intégrante de mon identité.
Mon nom est Imen Derouiche. Je vis maintenant au Québec et je suis la preuve vivante qu’avec Amnesty, Écrire, ça libère.

Imen Derviche

Voilà. Allumer une bougie, signer une pétition, c’est sans doute pas grand chose à première vue. Mais unis, on peut changer le monde. Faut le vouloir, c’est tout.

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