Une décennie de politiques attisant le fanatisme, la haine, la peur
Une décennie tumultueuse de conflits généralisés et de politique de rejet de l’Autre s’achève ; des guerres, parfois cachées ou oubliées l’ont ponctuée, parallèlement à la montée en puissance de politiciens qui colportent partout le fanatisme et la peur.
Ces dix dernières années ont vu l’impardonnable et interminable agonie de la Syrie, du Yémen, du Sud-Soudan, de Gaza, du Venezuela, de la Libye, de l’Ukraine, de la crise des Rohingyas, de l’incarcération massive des Ouïghours et d’autres minorités musulmanes en Chine, et de tant d’autres coins de notre monde ravagés par l’agitation et la violence.
Cette décennie a également été celle de Donald Trump, Viktor Orban, Vladimir Poutine, Narendra Modi, Recep Tayyip Erdogan, Jair Bolsonaro, Matteo Salvini, Rodrigo Duterte, Xi Jinping et d’un nombre croissant de dirigeants mondiaux qui ont délibérément entrepris de porter atteinte aux droits de la personne. Ils attisent sans vergogne la haine, le racisme et la misogynie, s’élevant et exerçant le pouvoir sur le dos des femmes, des réfugiés, des minorités raciales et religieuses, des peuples autochtones, des personnes LGBTQ et des défenseurs des droits humains.
Nous avons également fait face à ces courants inquiétants en Belgique, qu’il, s’agisse de la dégradation des conditions d’accueil des réfugiés et de la création d’une pseudo-crise des migrants, à des attaques terroristes d’une ampleur jamais vue chez nous et des restrictions à certaines libertés fondamentales qu’elles ont engendré, ou encore les dizaines de féminicides qui ont été enregistrés chaque année.
Une résistance internationale et courageuse, des mobilisations de masse
Pourtant, cette décennie a aussi été une incroyable décennie de chœurs de résistance inspirants qui réclament des droits et la justice ; propulsés par des vagues sans précédent de protestation, de détermination, d’indignation et de courage, littéralement partout dans le monde. Une résistance si souvent menée par des jeunes et des femmes.
Cette décennie a été une période de mobilisation de masse à couper le souffle, alors qu’un nombre stupéfiant de personnes se sont répandues sur les places publiques, dans les rues et les ruelles des communautés grandes et petites : les manifestations du " printemps arabe " au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, Black Lives Matter, FridaysForFuture et ses grèves pour le climat, le mouvement #MeToo et les marches des femmes ; parfois même, les citoyens ont décidé de prendre les choses en main, lorsque l’État refuse de remplir sa fonction, comme c’est encore le cas chaque jour avec la plateforme réfugiés.
Les manifestants qui ont refusé de baisser les bras ont renversé des dirigeants cruels, mis fin à des lois injustes et catalysé des luttes contre de profondes inégalités au Soudan, à Hong Kong, au Chili, en Haïti, en Algérie et au Liban ; ils ont parfois été confrontés à une violence terrifiante de la part des forces de sécurité qui a fait des centaines de morts, comme ce fut le cas en Iran et en Irak.
Des merveilles et menaces de la technologie au combat pour une justice climatique
La décennie a également été marquée par la tension entre les merveilles et les menaces de la technologie. Le monde numérique a ouvert de nouvelles plateformes de communication et de nouveaux moyens d’accès et de partage de l’information, souvent au bénéfice des mouvements de défense des droits de l’homme. Cependant, nous avons également assisté à une explosion de la haine, du racisme et du sexisme dans les médias sociaux ; à une prise de conscience croissante du fait que la montée de l’intelligence artificielle suscite des préoccupations inimaginables en matière de droits de la personne. De nouveaux outils de surveillance étatique et d’intrusion dans notre vie privée sont apparus. Ils constituent certaines des menaces les plus insidieuses et les plus effrayantes pour les droits de la personne que nous ayons jamais vues.
Par-dessus tout - alors que nous entrons dans les années 2020 - l’urgence de répondre au plus grave défi de notre époque en matière de droits de l’homme, la crise climatique mondiale, s’aggrave chaque jour.
Et le refus catégorique des gouvernements et des entreprises, y compris en Belgique, de prendre des mesures climatiques et d’offrir une justice climatique vraiment et ambitieusement sérieuse, est peut-être le plus impardonnable échec de la décennie en matière de droits de la personne.
La décennie écoulée nous rappelle que les menaces qui pèsent sur la protection des droits de la personne sont profondes et exigent de la vigilance ; que le pouvoir des gens est, en fin de compte, inarrêtable ; qu’il est très risqué d’adopter tout ce que la technologie offre sans s’attaquer à ses nombreux dangers ; et que si nous ne protégeons pas notre seul et unique climat mondial commun, tous nos efforts en matière de droits de la personne seront en fin de compte vains.
Il est donc impératif et il nous incombe à tous, avec une profonde détermination, de faire des années 2020 une décennie très différente.
Une décennie au cours de laquelle l’égalité des femmes, le leadership des femmes et le pouvoir des femmes seront constamment à l’avant-plan.
Une décennie au cours de laquelle nous respecterons enfin l’engagement - vide depuis bien trop longtemps - d’un monde qui ne sera " plus jamais " témoin d’atrocités de masse.
Une décennie au cours de laquelle nous serons tous à la hauteur de notre responsabilité personnelle et partagée de dire non au racisme, au sectarisme et à la haine.
Une décennie qui s’attaque à la crise climatique ; qui embrasse enfin la réalité catastrophique que sans climat, toutes les luttes pour les droits humains ne signifient inévitablement rien.
Tout simplement, une décennie qui - quels qu’en soient le coût, les inconvénients, la controverse ou les intérêts divergents - place les droits humains au premier plan.
Ce texte a initialement été publié sur le site du Vif [1]