Un coq wallon sans sang sur les plumes, c’est possible Par Philippe Hensmans, directeur général de la section belge francophone d’Amnesty International

Depuis qu’elle a approuvé le Traité sur le commerce des armes, il y a six ans, le 28 novembre 2013, la Wallonie a exporté pour plus de deux milliards d’euros d’armes et de munitions à destination de pays coupables de crimes de guerre au Yémen : en l’occurrence l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.

Pourtant, selon le Traité sur le commerce des armes, « un État Partie ne doit autoriser aucun transfert d’armes classiques... s’il a connaissance, lors de l’autorisation, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre… des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre. » Difficile d’être plus clair…

Des ventes d’armes vers l’Arabie Saoudite et la Turquie bloquées par la région wallonne

Un changement semble toutefois être en train de s’opérer. Le 9 octobre dernier, malgré la pression exercée par l’industrie de l’armement, le ministre-président wallon déclarait qu’une demande d’exportation de munitions pour l’Arabie saoudite avait reçu « un avis négatif compte tenu de la situation dans laquelle se trouve l’Arabie saoudite. »

Quelques jours plus tard, s’exprimant à propos d’éventuelles exportations d’armes vers la Turquie, le ministre-président ajoutait, « aucune arme wallonne n’a été vendue au gouvernement turc, à sa police ou à son armée… [Le gouvernement wallon] poursuivra bien entendu cette politique de refus de vendre des armes aux autorités turques. »

Ces déclarations sont importantes, car elles contrastent avec des années d’exportations d’armes irresponsables (et contraires au droit wallon).

La région wallonne manque toujours de transparence sur le dossier des ventes d’armes

Les pratiques wallonnes sont-elles devenues irréprochables pour autant ? Certainement pas : la question des exportations d’armes reste particulièrement opaque en Wallonie.
Ainsi, le rapport sur les exportations d’armes pour l’année 2018 n’est toujours pas disponible. De même, la Région wallonne n’a toujours pas rendu publiques les licences d’exportation d’armes à destination de l’Arabie saoudite délivrées entre octobre 2017 et mai 2019, comme l’a pourtant demandé en juillet dernier la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA).
Il reste également beaucoup de questions ouvertes par rapport à l’exportation au Canada de tourelles-canons produites par John Cockerill afin d’être assemblées sur des véhicules blindés légers destinés à l’armée saoudienne.
De nombreuses questions subsistent aussi à propos de licences et de contrats en cours : en juillet 2019 par exemple, la Wallonie exportait encore pour plus de 33 millions d’euros d’armes à destination de l’Arabie saoudite. Et il n’est pas impossible que ces exportations se poursuivent aujourd’hui.

La Wallonie doit respecter le droit et résister aux pressions du lobby des armes

Comme elle s’y est engagée publiquement le 9 septembre dernier, la nouvelle majorité wallonne doit respecter le droit. Elle devra notamment pour cela résister aux pressions de l’industrie de l’armement et de ses alliés de l’ombre, qui ne reculeront devant rien pour tenter d’infléchir les actions de la Région en matière de commerce des armes.

Les représentants politiques wallons soucieux de respecter le droit pourront en tout cas compter sur notre soutien et celui des quelque 75 000 personnes qui ont déjà signé nos pétitions appelant à l’arrêt des exportations d’armes à destination de criminels de guerre.

Le monde politique wallon peut faire en sorte que le coq hardi n’ait plus de sang sur les plumes !

Cette carte blanche est parue le 28 novembre 2019 sur le site du quotidien Le Soir [1]

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