Compassion du plus grand nombre, indifférence de quelques-uns Giorgos Kosmopoulos, chercheur sur la Grèce à Amnesty International

Giorgos Kosmopoulos livre ses réflexions sur la crise des réfugiés et la visite de Barack Obama en Grèce

Le jour où le président Barack Obama a remercié le peuple grec pour la « compassion extraordinaire » dont il a fait preuve dans sa réponse à la crise des réfugiés, je m’entretenais avec Haji Mohamad Lound, réfugié syrien dont le parcours aux mains des autorités grecques et européennes n’a guère été marqué par la compassion.

Haji, ainsi que son épouse et ses quatre enfants, ont été renvoyés illégalement depuis la Grèce vers la Turquie au mois d’octobre. « Notre situation est désespérée », me confie au téléphone ce graphiste d’Alep. « Mon fils souffre de problèmes respiratoires. Je ne peux pas trouver de travail en Turquie et nous ne nous sentons pas en sécurité. Je ne sais pas vers qui me tourner. » Il ne cesse de me demander quelles sont leurs chances de pouvoir retourner en Europe, mais je n’ai pas de réponse à lui donner.
Si l’accueil réservé aux réfugiés par de nombreux citoyens grecs a été extraordinaire, paradoxalement, plus l’on s’éloigne des plages de Lesbos et de Kos, plus l’attitude envers les réfugiés se durcit. En effet, parmi les plus éloignés de la crise – au sein des Parlements européens – les discours de compassion sont rarement suivis par des actes.

Le traitement réservé à Haji et sa famille illustre bien cette situation. Ils sont arrivés en Grèce le mois dernier après avoir fui l’avancée du groupe armé se désignant sous le nom d’État islamique (EI). « Lorsqu’une voiture piégée a explosé et a fait voler en éclats les fenêtres de notre maison, j’ai décidé qu’il était temps de plier bagage  », m’explique-t-il. Ils ont risqué leur vie en tentant la traversée vers l’Europe et ont été secourus et emmenés sur l’île de Milos, puis sur celle de Leros, où ils ont été enregistrés et ont fait part de leur volonté de solliciter la protection internationale.

Cinq jours plus tard, la police leur a dit qu’ils allaient être transférés vers Athènes et un groupe d’agents de Frontex, l’agence chargée des frontières de l’UE, les a escortés jusqu’à l’aéroport. Ils sont montés à bord d’un avion, dont la destination n’était pas Athènes et, deux heures plus tard, ils ont atterri à Adana, dans le sud de la Turquie. « Lorsque j’ai vu le drapeau turc à l’aéroport, mes rêves se sont brisés », me confie Haji.

Après avoir passé une semaine en détention en Turquie, Haji et sa famille ont reçu des documents attestant qu’ils bénéficient d’une protection temporaire et ont été livrés à eux-mêmes.

Tandis que les autorités de la Grèce et de l’Union européenne ont fortement insisté sur le fait que tous les réfugiés syriens arrivant en Grèce voient leur demande d’asile dûment examinée, les éléments de ce dossier laissent à penser le contraire. Haji et sa famille ont été privés du droit de demander l’asile, et aucune évaluation des risques n’a été menée sur les dangers qu’ils encouraient en cas de renvoi vers la Turquie. En outre, ils ont été privés des services d’un avocat durant les heures primordiales de leur expulsion.

Si les autorités grecques affirment qu’aucune faute n’a été commise, toute une série d’éléments, notamment des exemplaires signés de documents, prouvent que les personnes à bord du vol pour Adana avaient officiellement exprimé leur souhait de demander la protection internationale en Grèce.
Tandis qu’Haji et sa famille sont bloqués en Turquie, 62 000 réfugiés et migrants sont bloqués en Grèce, et vivent dans la peur et l’incertitude. Cette situation est la conséquence de l’accord sur la migration conclu entre l’UE et la Turquie, et du manque de détermination des dirigeants européens pour relocaliser le nombre promis de réfugiés qui se trouvent en Grèce.

Pendant son séjour à Athènes, le président Barack Obama doit mettre en lumière les conditions souvent effroyables de dizaines de milliers de réfugiés bloqués en Grèce, mais aussi l’incapacité des dirigeants du monde à faire face à la crise plus globale des réfugiés.

Alors que l’hiver approche et que le climat politique mondial se durcit, le président Barack Obama doit demander aux pays riches d’honorer leurs obligations et d’assumer une part bien plus importante et plus équitable de responsabilité dans la crise mondiale des réfugiés.

En attendant, Haji garde l’espoir que sa famille pourra être accueillie correctement en Europe et offrir une éducation à ses enfants. « Nous voulons simplement nous installer quelque part en Europe où nous serons acceptés, où nous nous sentirons en sécurité et où nos enfants pourront aller à l’école. »

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