La communauté Roms face aux expulsions forcées

Le 17 décembre 2015, des membres de plusieurs communautés roms, des militants et leurs partenaires de la ville de Cluj et d’ailleurs ont commémoré une longue histoire de violations des droits au logement et d’exclusion raciale dans cette ville. Des dizaines de personnes ont participé à diverses actions, notamment à une marche pour l’égalité, afin de commémorer les événements du 17 décembre 2010, date marquant l’un des jours les plus sombres pour l’ancienne communauté de la rue Coastei et l’une des plus emblématiques expulsions forcées d’une communauté rom ayant eu lieu en Roumanie.

Il y a cinq ans, au milieu d’un hiver rigoureux dont les températures ont atteint les -20 C°, 76 familles (environ 350 personnes), pour la plupart des Roms, ont été expulsées de force du centre de Cluj (Roumanie) par les autorités locales, un jour seulement après en avoir été notifiées.

La plupart des familles ont été contraintes de s’installer aux marges de la ville, dans la zone industrielle de Pata Rât, près d’une déchetterie et d’une ancienne décharge de produits chimiques. Elles ont ainsi été coupées de leurs emplois, de leurs écoles et de la vie qu’elles avaient dans la ville.

Quarante de ces familles ont été installées dans une petite pièce chacune, dans des logements sociaux inadaptés et surpeuplés, où elles doivent partager des salles de bain communes offrant seulement de l’eau froide et où il n’y a pas de chauffage. Les autres personnes expulsées sont restées sans logement. La municipalité leur a tout simplement dit de « construire quelque chose » sur les terrains voisins.

Aujourd’hui, les habitations que ces personnes ont improvisées n’ont toujours pas de statut juridique et n’offrent aucune sécurité d’occupation, ce qui expose leurs occupants à un risque d’expulsion constant.

Théâtre de tout un ensemble de violations des droits au logement, la ville de Cluj est le symbole de l’exclusion et de la ségrégation dont sont victimes les Roms en Roumanie. La zone de Pata Rât, où l’ancienne communauté de la rue Coastei a été « relogée » en 2010, abrite la plus grande concentration de communautés roms victimes de ségrégation vivant près d’une décharge en Europe.

Les communautés roms vivant à Pata Rât sont depuis longtemps victimes d’atteintes à leurs droits fondamentaux et sont délaissées par les autorités locales. La communauté de Dallas existe depuis 40 ans, mais elle reste considérée comme un quartier informel, ce qui empêche ses habitants d’obtenir des papiers d’identité et de relier leurs foyers à l’électricité. Le camp de la rue Cantonului s’est construit en grande partie au rythme des expulsions forcées de familles roms par les autorités locales au cours des 20 dernières années.

D’autres communautés roms de Cluj, comme celle de la rue Stephenson, sont aussi menacées d’expulsion. La plupart des initiatives menées en faveur de l’accès au logement social pour les Roms ou pour que ceux-ci obtiennent des garanties légales en matière de sécurité d’occupation ont laissé les autorités de Cluj indifférentes. Celles-ci cherchent au contraire à contraindre les familles roms à quitter leurs habitations, ou à les déplacer dans les villages environnants, renforçant ainsi la ségrégation dont elles sont victimes en matière de logement.

Le Centre européen des droits des Roms (CEDR) et Amnesty International se joignent aux communautés roms de Cluj pour demander aux autorités locales de garantir l’égalité des droits au logement pour les Roms, conformément aux obligations internationales en matière de droits humains de la Roumanie.

Les autorités locales doivent offrir une sécurité d’occupation aux personnes vivant dans des logements informels et qui sont souvent menacées d’expulsion forcée par les municipalités. Elles doivent également garantir à ces personnes un accès non discriminatoire aux logements sociaux et veiller à ce que les familles roms ne soient pas déplacées hors de la ville. Des organisations soutiennent depuis longtemps les communautés roms de Cluj et de toute la Roumanie dans leur combat pour la justice en matière de logement.

« Les expulsions forcées et la ségrégation des Roms en matière de logement sont interdites par le droit international relatif aux droits humains. De plus, ces exclusions approuvées par l’État nourrissent la discrimination anti-Roms au sein de la société, compromettant sérieusement tout progrès pour les Roms en Roumanie et dans toute l’Europe », a déclaré Gauri van Gulik, directrice adjointe du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

András Ujlaky, directeur du CEDR, a déclaré : « La ségrégation est un fléau qui touche les Roms dans toute l’Europe et dans de nombreux domaines tels que l’éducation ou le logement. Cela ne rend pas moins honteuse l’indifférence persistante des autorités roumaines envers la détresse des Roms à Pata Rât et ailleurs. Nous continuerons à lutter pour démanteler les structures qui empêchent les Roms de jouir d’une égalité totale et nous ne nous relâcherons pas avant que la justice ne soit rendue pour les violations des droits humains et tant que l’égalité ne sera pas respectée. »

Nombre d’organisations exhortent depuis longtemps les autorités roumaines à résoudre le problème de l’exclusion des Roms dans le domaine du logement, y compris les expulsions forcées, conformément aux obligations du pays au regard du droit international relatif aux droits humains. Récemment, le rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté a notamment souligné « le déni officiel » de la discrimination anti-Roms à la suite de sa visite dans le pays en novembre.

Un cycle inquiétant de violations des droits au logement des Roms s’est installé dans toute la Roumanie. Ces dernières années, les autorités locales ont menacé d’expulsion forcée ou expulsé par la force des communautés roms à Cluj-Napoca, Piatra Neam ?, Baia Mare, Miercurea Ciuc, Tulcea, Eforie Sud et Caracal.

Le CEDR et Amnesty International demandent au nouveau gouvernement roumain, libre de toute affiliation politique avec les autorités locales responsables du déracinement des communautés roms, d’appliquer des mesures anti-discrimination et d’instaurer sans délai des garanties solides contre les expulsions forcées.

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