Le long chemin vers l’abolition de la peine de mort en Mongolie

En Mongolie, les législateurs viennent de voter l’adoption d’un nouveau Code pénal qui abolira la peine de mort pour tous les crimes dès son entrée en vigueur en septembre 2016. Amarzaya Galsanlkhagva, qui fait depuis longtemps campagne au sein d’Amnesty Mongolie, revient sur ce long chemin parcouru vers la victoire.

Par Amarzaya Galsanlkhagva, Mongolie

Amnesty Mongolie fait campagne en faveur de l’abolition de la peine de mort dans le pays depuis la création de notre bureau en 1994, et nous sommes donc très contents de cette bonne nouvelle. C’est une victoire pour nos sympathisants à travers le monde, et cela montre une nouvelle fois que nous pouvons avoir une réelle incidence sur les droits humains en unissant nos forces.

Le chemin fut long et difficile pour arriver à convaincre les autorités en Mongolie d’abolir ce châtiment cruel, inhumain et dégradant. Nous nous sommes heurtés à de nombreux obstacles, sans jamais perdre espoir.

Un parcours jalonné de hauts et de bas

En me retournant sur mes 10 années de campagne contre la peine de mort, je me remémore tous les moments où le découragement m’a envahie. Le plus souvent, cela correspondait au moment où un crime grave avait été commis en Mongolie, amenant les familles des victimes ou des citoyens à exprimer haut et fort leur soutien à la peine capitale, sur les réseaux sociaux notamment.

Les arguments qui reviennent le plus souvent sont que la peine de mort dissuadera de commettre des crimes graves, ou que les meurtriers méritent ce châtiment, particulièrement lorsque les victimes sont des enfants. En ces périodes, j’avais très peur que l’abolition ne reste utopique dans mon pays.

Malgré ces moments de découragement, nous n’avons pas baissé les bras.
Au fil des ans, nous avons exploré divers moyens de sensibiliser la population et d’engager un dialogue avec les autorités. Chaque année depuis 2006, le 10 décembre, nous commémorons la Journée mondiale contre la peine de mort. Depuis trois ans, nous nous associons à l’action Villes pour la vie, le 30 novembre, pour commémorer la première abolition de la peine de mort par un pays européen en 1786.

Nous avons organisé des expositions d’art, des débats sur des films, des conférences devant des étudiants en droit, des tournées de conférences avec des familles américaines de victimes de meurtres qui s’opposent à la peine capitale, des rencontres avec des législateurs, et mené bien d’autres activités encore, qui ont contribué peu à peu à faire basculer l’opinion publique au fil des ans.

L’un des événements phares fut notre exposition de 2009, « Sur la potence », organisée à l’occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort. Elle présentait les œuvres d’Artur Judah Angel, ancien condamné à mort au Nigeria dont les dessins dépeignaient les conditions de détention dans les couloirs de la mort de ce pays. À travers son art, il a touché une corde sensible. L’exposition avait attiré des visiteurs très variés, dont des représentants de l’État et des agents pénitentiaires, des diplomates, des étudiants en droit et des avocats, des médias et de simples citoyens.

Notre campagne en faveur d’Erdene-Ochir a également fait très forte impression. Il s’agit d’un Mongol, reconnu coupable à tort de meurtre et condamné à mort en 1995. Sa condamnation à mort a été confirmée à trois reprises par trois tribunaux différents, avant qu’il ne soit reconnu innocent et libéré en 2002. Son cas illustre l’une des préoccupations majeures de tout débat sur l’abolition : le risque d’exécuter un innocent.

Un renversement de l’opinion

Au cours des sept années qu’il a fallu aux tribunaux pour annuler la condamnation d’Erdene-Ochir, nous avons pu observer le renversement de l’opinion publique, qui au départ était favorable à sa condamnation à mort, et y est devenue totalement hostile par la suite. Depuis, le soutien à la peine de mort n’a cessé de décliner. Selon un sondage réalisé en 2011 par le service de recherche du gouvernement mongol, en collaboration avec l’Association pour la protection du droit à la vie, une majorité de Mongols se disait favorable à l’abolition de la peine de mort au motif qu’elle est irréversible et peut conduire à exécuter des innocents.

L’abolition de la peine de mort en Mongolie est une décision historique et nous n’aurions pas pu y parvenir seuls. Elle nécessitait une volonté politique de la part des autorités mongoles pour faire avancer les choses. Le président Tsakhiagiyn Elbegdorj a annoncé en 2010 le gel des exécutions, première mesure sur le chemin de l’abolition depuis de nombreuses années.

Dans les années 1950, la Mongolie a aboli la peine de mort pour les crimes de droit commun comme le meurtre, mais l’a rétablie 10 mois plus tard sous la pression de la population. C’est pourquoi nous poursuivrons notre travail en Mongolie, et soutiendrons les actions en Asie et dans le monde en faveur de l’abolition totale de ce châtiment.

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