Message aux dirigeants du G20 : la croissance économique et les droits humains ne sont pas antinomiques Par Joshua Rosenzweig, conseiller auprès d’Amnesty International sur la responsabilité des entreprises en matière de droits humains

Si Paul vivait au Royaume-Uni ou aux États-Unis, il jouerait sans doute à Pokémon Go sur son téléphone entre deux cours. Mais ce garçon de 14 ans ne va pas à l’école. Au lieu de cela, il passe de longues journées dans des tunnels souterrains dangereux à extraire du cobalt à la main, et à transporter sur son dos de lourdes charges pesant entre 20 et 40 kilogrammes pour un ou deux dollars américains par jour. Il est l’un des quelque 40 000 enfants de République démocratique du Congo qui extraient le cobalt permettant de fabriquer les batteries qui font fonctionner nos téléphones et permettent la chasse aux Pokémons.

Leur enfance leur est volée par une chaîne d’approvisionnement mondiale complexe et non maîtrisée, d’un type pouvant fréquemment donner lieu à des violations des droits humains dans des pays dotés de réglementations et d’appareils judiciaires faibles, loin du siège des entreprises impliquées. Les histoires de ce genre ne sont pas limitées au commerce du cobalt.

Les dirigeants ont le pouvoir d’y mettre fin.

Les dirigeants des principales économies développées et émergentes du monde auront la possibilité de changer cela lorsqu’ils se réuniront cette semaine dans la ville de Hangzhou, en Chine, où le G20 planifiera la marche à suivre pour stimuler l’économie mondiale et abordera d’autres questions d’importance planétaire, telles que le réchauffement climatique.

La Chine - qui assure la présidence du G20 - cherche à encourager une augmentation des dépenses pour le développement des infrastructures, et à faire bénéficier les pays en développement des échanges et des investissements afin de parvenir à une croissance forte, équilibrée et durable. Elle est par ailleurs en faveur de « financements verts » supplémentaires pour les projets visant à réduire les émissions de carbone.

Un exemple est le développement de véhicules électriques plus performants, alimentés par des batteries au cobalt. Cela nous ramène aux enfants comme Paul, et montre pourquoi aucun programme de développement ne peut être qualifié de durable lorsque les États s’abstiennent de protéger - et les entreprises de respecter - les droits fondamentaux des personnes dont la vie est affectée par certaines activités économiques.

Les deux visages de la mondialisation

Les échanges commerciaux mondiaux et les investissements en faveur du développement peuvent avoir un impact énorme sur la vie de certaines personnes. Les opportunités d’emploi augmentent les revenus de personnes individuelles et de familles, et les nouvelles infrastructures et technologies peuvent rassembler.

Les entreprises offrant ces bénéfices à certains peuvent cependant faire beaucoup de mal à d’autres. Les recherches effectuées par Amnesty International montrent qu’en l’absence de contrôle, les échanges et investissements transfrontaliers peuvent avoir des effets dévastateurs sur certaines des populations les plus pauvres et marginalisées.

Des enfants comme Paul sont abandonnés par des entreprises parmi lesquelles figurent certaines des plus puissantes au monde, qui ne procèdent pas à certaines vérifications élémentaires afin de s’assurer que le cobalt utilisé dans leurs produits n’est pas extrait par des enfants.
Faire preuve de la diligence requise est une manière cruciale pour les entreprises d’assumer leurs responsabilités en matière de droits humains, mais rares sont celles qui prendront ces mesures essentielles à moins que la loi ne les y oblige. Le G20 peut montrer la voie en préconisant des mesures contraignant les entreprises à respecter les droits humains à travers l’ensemble de leurs opérations mondiales.

Pour que les projets de développement bénéficient à tous

Les pays du G20 peuvent par ailleurs user de leur influence auprès des institutions financières internationales, afin de garantir que les projets de développement des infrastructures qu’elles financent ne détruisent pas certaines communautés et ne laissent pas des milliers de personnes sans domicile ni indemnisation adéquate - ce qui est trop souvent arrivé par le passé.

Des garanties sont censées être en place pour prévenir ce genre de violations des droits humains. Mais en réalité, les droits humains sont quasiment absents des garanties offertes par les principales institutions financières internationales, ce qui signifie qu’elles consacrent beaucoup plus de temps à s’inquiéter de savoir si les prêts peuvent être remboursés qu’à se soucier du risque que certains projets contribuent à des expulsions forcées, des violations des droits des travailleurs ou des dommages environnementaux.

En n’apportant qu’un soutien de façade aux droits humains, ces institutions ne prennent pas en compte les inquiétudes légitimes des populations censées bénéficier des projets. La transparence, la participation et l’obligation de rendre des comptes doivent devenir prioritaires, afin que ceux dont la vie risque d’être le plus affectée par les projets de développement puissent avoir leur mot à dire quant à la conception et la mise en œuvre de ces projets.

Il est inquiétant de constater que l’espace dédié à ce genre d’échanges constructifs se réduit. Les membres du G20 doivent reconnaître que les libertés d’association, de réunion et d’expression sont essentielles à la réussite d’un véritable développement économique et social. Le besoin de relance de la croissance économique n’est pas une excuse pour marginaliser la voix des populations les plus vulnérables et les plus pauvres.

Les pays du G20 sont bien placées pour lutter contre ces injustices. Si le plan d’action ressortant des négociations de Hangzhou ne reconnaît pas la place centrale des droits humains, alors les déclarations relatives aux investissements durables ou inclusifs sonneront creux et des enfants comme Paul continueront à être oubliés.

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