Belgique :que la voix des victimes du terrorisme soit entendue ! Par Philippe Hensmans, directeur général de la section belge francophone d’Amnesty International

Après les attentats du 22 mars, les victimes ont été confrontées à d’innombrables problèmes. Beaucoup se sont senties abandonnées et perdues face au système complexe de compensation.

Malgré les modifications apportées, le système demeure incomplet et beaucoup trop embrouillé. Il est donc très difficile pour les victimes d’avoir accès à l’aide, aux réparations et aux indemnisations auxquelles elles ont droit.

Les histoires de victimes du terrorisme sont parfois hallucinantes. Elles se sentent perdues dans les voies du labyrinthe administratif ; le processus avec les assureurs s’avère difficile. Entre-temps, les coûts médicaux et autres sont élevés. Cela ne fait qu’engendrer plus de stress et de problèmes psychologiques. C’est inacceptable.

C’est l’avis également de Fionnuala Ní Aoláin, Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la protection des droits de l’homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, qui vient de présenter un rapport sur la Belgique au Conseil des droits de l’homme des Nations unies.

En réponse aux attaques terroristes, on pense spontanément à la déradicalisation, à la détection des suspects, à une meilleure sécurité... Dans son rapport, la Rapporteuse spéciale met cependant aussi en évidence un autre aspect de la politique liée au terrorisme : le soutien et le respect dont doivent bénéficier les victimes d’actes terroristes.

Après les attaques, les gouvernements expriment rapidement leur solidarité avec les victimes. Cela ne suffit pas : le gouvernement doit également respecter et protéger les droits fondamentaux des victimes. Ils ont droit à la reconnaissance, à un traitement respectueux, à une assistance médicale et psychologique et à un soutien social et matériel. En outre, ils ont également droit à ’un accès à la justice et à des réparations. Cela comprend, entre autres, une compensation rapide et efficace, basée sur des procédures simples et facilement accessibles.

À la suite des attentats du 22 mars 2016, la commission d’enquête parlementaire sur ces attaques a formulé des recommandations visant à mieux protéger les droits des victimes. Le gouvernement a pris diverses initiatives pour remédier aux carences du système d’indemnisation des victimes.

Mais beaucoup de travail reste à faire. Le système de compensation reste extrêmement complexe. Les victimes doivent s’adresser aux assureurs, aux caisses d’assurance maladie, aux institutions gouvernementales et éventuellement faire appel à une intervention limitée du fonds d’aide aux victimes ou à une pension de dédommagement. En raison de cette complexité, il est beaucoup trop difficile pour les victimes d’obtenir les indemnisations auxquelles elles ont droit. La commission d’enquête parlementaire a recommandé la création d’un fonds gouvernemental qui indemniserait immédiatement les victimes selon une procédure simple et facilement accessible. Le gouvernement pourrait alors réclamer ces frais aux compagnies d’assurance. Cela fait maintenant presque deux ans que les victimes attendent la mise en place réelle d’un tel mécanisme.

Dans des conditions déjà suffisamment terribles, un système clair, accessible et une réparation rapide des dommages font toute la différence.

La Rapporteuse spéciale des Nations Unies demande d’ailleurs aussi instamment de donner la priorité absolue aux droits des victimes et de prendre de nouvelles mesures pour respecter pleinement ces droits. Elle recommande également de créer un fonds de garantie pour les victimes du terrorisme, géré par le gouvernement. En France, un tel fonds existe depuis longtemps. Dans son rapport sur ce pays, qui a également été présenté ces jours-ci au Conseil des droits de l’homme — et qui est en outre particulièrement critique à l’égard de la politique antiterroriste française —, la Rapporteuse spéciale cite le système français en faveur des victimes du terrorisme comme un exemple pour d’autres pays.

Les associations de victimes réclament un tel fonds depuis longtemps. Il est temps que leurs voix soient entendues. Bien entendu, nous espérons tous qu’un tel fonds serve le moins possible à l’avenir, mais, dans des circonstances déjà suffisamment terribles, un système clair et accessible, et une indemnisation rapide des dommages causés aux victimes du terrorisme font toute la différence. Et, une fois encore, ces personnes y ont droit.

Philippe Hensmans
Directeur d’Amnesty International Belgique

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