Merci vous trois. Grâce à vous, Bemba est en prison. Par Philippe Hensmans directeur d’Amnesty Belgique francophone

Au moment où ce blog a été publié, nous n’avions pas encore appris la nouvelle de la condamnation de Radovan Karadži ? par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Celui-ci l’a reconnu coupable de génocide pour le massacre de Srebrenica.

C’était le soir même de la signature du traité entre l’UE et la Turquie à propos des réfugiés. Un traité scélérat, contre lequel nous avions lutté à fond pendant des semaines, mêlant interviews, cartes blanches, actions spectaculaires, rencontres avec des cabinets ministériels, pétitions,… Bref, toute la panoplie. Si nos arguments avaient parfois été repris par des journalistes ou des parlementaires, rien n’y avait fait cependant. L’Europe avait rejoint la Turquie et ses négations des droits fondamentaux.

J’étais sur la route, donnant encore quelques interviews à des journalistes qui avaient compris que ce traité allait engendrer des difficultés et des injustices énormes, mais que c’était trop tard. Ma voiture avalait les kilomètres, en chemin vers une conférence que je devais donner ce soir-là, dans les Ardennes et je réfléchissais au sens de tout cet engagement que nous avions soulevé chez les membres, militants anonymes, sans que cela débouche sur les résultats que nous attendions.
Je me demandais ce que j’allais bien pouvoir raconter aux personnes qui viendraient m’écouter. Et j’étais un peu las, je dois dire.

J’avais rendez-vous dans une brasserie avant la conférence avec trois piliers d’Amnesty dans cette région ; ils n’avaient pas organisé cette activité, mais avaient tenus à être là et à m’offrir à manger avant de nous rendre ensemble dans la salle de conférences locale.

Et ils m’ont fait un bien fou. Parce qu’ils n’étaient pas abattus par les nouvelles que je leur apportais. Membres d’Amnesty depuis le milieu des années 70, et aujourd’hui pensionnés, malgré de petits soucis de santé, ils sont d’une énergie impressionnante. Car souvent, des militants comme eux sont actifs dans une série d’autres associations. Ils m’ont raconté leurs combats quotidiens, leurs petites victoires, leurs émotions militantes. De l’animation dans les écoles avec des jeunes réfugiés, aux pizza artisanales qui ont fait leur réputation dans toute la région, sans parler des festivals d’été du coin qu’ils occupent avec leur stand, la gamme de leurs activités est sans fin. Et pourtant, ils sont “normaux” : ouverts, aimables et avec un sacré sens de l’humour.
Ils en ont fait signer des pétitions ! Et ils en ont vendu, des bougies ! Sans jamais exiger quoi que ce soit en retour, si ce n’est de l’engagement des autres. Et il y en a plein d’autres comme eux dans notre section.

En rentrant le soir sur l’autoroute, je me sentais mieux, presque requinqué. Je me suis dit que j’avais de la chance de travailler dans un mouvement comme celui-là. C’est grâce à leur travail, à leurs efforts de collecte de fonds, qu’Amnesty a pu bénéficier de sa renommée, que nous pouvons mener notre recherche et nos actions de pression, aussi.

Et justement, quelques jours plus tard, nous apprenions que Jean-Pierre Bemba, un ancien chef de guerre congolais, venait d’être condamné par la Cour pénale internationale. Cet homme, je l’avais rencontré à Kinshasa, en 2003, lors d’une mission avec la secrétaire générale d’AI de l’époque. Et nous lui avions dit qu’un jour, il se trouverait sur les bancs du tribunal à La Haye. Il avait souri, méprisant cet avertissement. Nous avons continué à faire pression sur les autorités, à produire des rapports, à faire du lobbying partout. Aujourd’hui, il est derrière les barreaux, et ce n’est que justice quand on pense aux centaines de victimes qu’il avait faites.

Je ne peux pas m’empêcher de dédier cette victoire à ces trois militants qui se seront reconnus certainement. Leur exemple nous fait un bien fou, et nous rappelle sans cesse que notre mission, c’est l’espoir. En avant ! Et M… aux mercenaires qui nous ont déclaré la guerre.

Philippe Hensmans
Directeur général

PS : Et même si finalement, il n’y avait qu’eux et l’organisateur comme participants au débat, je reviendrai quand ils veulent ;-)

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