Vous avez été condamné à une amende d’un million de francs congolais et une peine de six mois de prison (déjà effectuée en préventive). Pourriez-vous commenter cette décision ?
Pour justifier ma longue détention qui devenait injustifiable, ils m’ont condamné à six mois de prison pour « prouver » qu’ils n’étaient pas dans le faux. C’est ridicule. Le ministère public n’a pas été capable d’apporter la moindre preuve de ma culpabilité. Le dossier est vide, les accusations infondées. D’ailleurs, selon des informations en ma possession, les juges voulaient m’acquitter. Mais le chef du tribunal, qui dépend malheureusement des officines politiques, en a décidé autrement. C’est une condamnation dictée. Je ferai appel quand j’aurai les garanties d’une justice réellement indépendante. Je suis alors convaincu qu’on obtiendra l’annulation de ce jugement biaisé.
Quelles ont été vos conditions de détention ?
Les gens souffrent à Makala et j’étais parmi eux/elles. Quand j’en suis sorti en mars, on était 15000 détenu·e·s. Or, cette prison ne peut recevoir que 1500 personnes. La qualité de la nourriture, servie une fois par jour, laisse à désirer. Certaines personnes dorment à même le sol, d’autres dans des toilettes ou dans des douches. Les prisonnier·ère·s malades ne peuvent pas tou·te·s être pris·e·s en charge. Makala, c’est tous les jours trois ou quatre morts. Makala c’est l’antichambre de l’enfer, un mouroir. À l’image de notre pays, malheureusement.
La mobilisation autour de votre histoire a-t-elle été bénéfique ?
Je dois reconnaître les efforts des différentes organisations pour porter nos voix, en particulier Amnesty International. Je suis sûr que face au manque de preuve, au-delà de ma personne, c’est ça qui a mobilisé les gens. Cela m’a permis de ne pas passer inaperçu. Ma présence médiatique – même le président était interrogé à mon propos – et les visites que je recevais chaque jour ont par exemple permis d’éviter des surprises désagréables.
Quelles menaces planent sur la liberté de la presse en RDC ?
On m’a arrêté quelques semaines avant les élections : un ou une journaliste de moins sur le terrain, c’est une vérité de moins, une transparence de moins. Les journalistes sont menacé∙e·s, intimidé∙e·s, emprisonné∙e·s injustement, réduit∙e·s au silence, pour la simple raison qu’on dérange. Si nous renonçons, alors qui d’autre va travailler à notre place ? Il faut mettre les autorités face à leurs responsabilités. Notre pays fait face à plusieurs défis, dont celui de la gouvernance obscure. Les journalistes sont des phares. Nous apportons lumière et vérité.
Quels sont vos projets aujourd’hui ?
Je vais reprendre le travail dès le mois prochain, aux côtés d’autres journalistes qui sont habité∙e·s de cette volonté d’exercer librement. On fera de notre mieux pour continuer à mobiliser et former cette jeunesse africaine au journalisme libre et indépendant. Il faut encourager les journalistes à rester professionnel·le·s et à avoir le doute chevillé au corps. Je suis pour une presse libre, indépendante et professionnelle. Je veux la hisser au rang de quatrième pouvoir.
Propos recueillis par Guylaine Germain, journaliste.