Tunisie : les droits humains mis sous tutelle

Le 25 juillet dernier, les Tunisien·ne·s se sont prononcé·e·s sur le projet de Constitution porté par le président Kaïs Saïed par le biais d’un référendum. Malgré une très faible participation, une nouvelle Constitution a été adoptée, menaçant dangereusement les principales garanties institutionnelles en matière de droits humains.

Il y a plus de dix ans, le printemps arabe naissait en Tunisie, avec une soif inédite de liberté et de démocratie. Le régime parlementaire instauré alors pour prévenir un retour à une dérive autoritaire a rapidement été mis à mal par la corruption et le clientélisme de l’élite politique et économique du pays. C’est pourquoi le 25 juillet 2021, quand le président Kaïs Saïed a gelé le Parlement, le peuple tunisien a accueilli favorablement cette décision destinée à sortir le pays de la paralysie. Il s’agira pourtant du premier coup de force du président à l’encontre de la démocratie et des droits humains.

Des aspirations démocratiques réduites en miettes

Aujourd’hui, les électeur·rice·s du oui au référendum semblent continuer à voir en Kaïs Saïed le seul capable d’aller au bout de la révolution et le vote favorable au référendum paraît finalement représenter plus une défiance envers l’élite qu’une approbation du projet constitutionnel.

Pourtant, cette nouvelle Constitution ne répond en rien aux idéaux de la « révolution de jasmin » de 2011 et finit de cadenasser les droits humains, largement bafoués au cours des douze derniers mois.

Une année de régression pour les droits humains

Depuis un an, les avancées essentielles en matière de droits fondamentaux sont en effet en suspens. Depuis juillet 2021, tous les garde-fous au pouvoir exécutif n’ont cessé de tomber les uns après les autres. Gel du parlement, limogeage du gouvernement, décrets successifs, révocation d’une soixantaine de juges et projet de loi restreignant les droits des organisations de la société civile : autant de décisions qui menacent les droits humains.

Les premier·ère·s à en faire les frais sont les voix critiques et les opposant·e·s politiques. Ciblé·e·s par les autorités, il·elle·s font l’objet d’enquêtes criminelles, d’assignations à résidence et d’interdictions de voyage arbitraires. Des tribunaux militaires sont utilisés pour poursuivre des civil·e·s qui sont perçu·e·s comme des ennemi·e·s du président Saïed, en violation du droit international relatif aux droits humains. Parmi eux·elles, Amnesty a mis en avant les cas du journaliste Salah Attia, d’Abderrazak Kilani, éminent avocat et ancien bâtonnier de l’Ordre national des avocats de Tunisie, et du député tunisien Yassine Ayari, tous trois faisant face à des tribunaux militaires pour avoir critiqué le pouvoir en place

Une constitution taillée pour un pouvoir présidentiel Hégémonique

Dans les médias locaux, trois semaines avant le référendum, les auteurs de la version initiale du projet de Constitution ont fait valoir que le texte qui serait soumis au référendum était différent de celui qui avait été présenté, et ouvrait la voie à une dictature et au passage en force engagé cette dernière année.

Cette nouvelle Constitution est un coup de plus porté aux engagements et obligations de la Tunisie en vertu du droit international en matière de droits humains. Il accorde au président le droit de déclarer un état d’urgence d’une durée indéterminée et lui permet notamment de gouverner sans contre-pouvoirs. Les droits humains pourront être restreints, et ceux des femmes tunisiennes, ignorées par cette nouvelle Constitution, pourraient bien par ailleurs figurer parmi les premières cibles.

Plus de dix ans après la chute du régime de Zine el Abidine Ben Ali, les droits humains des Tunisien·ne·s sont de nouveau pris en otage par un Président à la dérive qui semble toujours plus déterminé à faire tomber un à un tous les acquis de la révolution.

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