En Afghanistan, j’étais dans l’équipe de football de Hérat, une grande ville du pays, de 2014 à 2020. J’étais aussi étudiante en sciences politiques et engagée sur des questions politiques. J’ai quitté l’Afghanistan un mois et demi après l’arrivée des talibans, via le Pakistan. Comme je faisais du foot, que je travaillais dans les médias, que je militais, et avec tout ce que ma maman et les femmes de mon entourage m’ont raconté à propos du premier régime des talibans, je pensais que ma vie était peut-être en danger. J’avais peur d’être emprisonnée. Je suis arrivée au Luxembourg le 7 octobre 2021, puis en France le lendemain. Dès mon arrivée, j’ai milité pour les droits des femmes afghanes. J’ai notamment mené une campagne pour demander au gouvernement français de délivrer le visa français aux Afghanes.
Mais les discriminations envers les femmes ont commencé avant l’arrivée des talibans. Déjà, dans certaines familles, des femmes étaient exclues simplement parce qu’elles sont femmes. Par exemple, mon père me disait toujours que je ne pouvais pas jouer au foot, car c’était pour les garçons.
« Le régime taliban prive toutes les femmes afghanes de leurs droits fondamentaux en raison de leur genre. C’est pour ça qu’on ne parle plus de discrimination, mais d’apartheid. »
Aujourd’hui, je me bats pour ça, mais beaucoup de filles n’ont pas le pouvoir de lutter contre leurs familles en Afghanistan.
Désormais, ces discriminations sont encore plus globales. Ça n’arrive pas que dans la famille, ça vient du régime. Le régime taliban prive toutes les femmes afghanes de leurs droits fondamentaux en raison de leur genre. C’est pour ça qu’on ne parle plus de discrimination, mais d’apartheid. Elles n’ont plus le droit d’aller à l’école, à l’université, au travail, de faire du sport, etc.
Du point de vue du droit international, c’est difficile de faire vraiment reconnaître cet apartheid, car les talibans constituent un régime terroriste et non un État. C’est pourquoi nous menons plusieurs campagnes, parfois en collaboration avec des femmes iraniennes. On interpelle les médias, on participe aux conférences des Nations unies. On demande à la communauté internationale de reconnaître cet apartheid de genre à l’égard des Afghanes. De mon côté, j’ai aussi lancé une pétition pour soutenir les athlètes afghanes. Pour moi, faire du sport est un droit fondamental à défendre.
Je crois que, grâce à nos résistances, beaucoup d’États ne reconnaissent pas les talibans comme un gouvernement. Si nous restions silencieuses, je suis sûre que des hommes politiques, pour leur intérêt, les reconnaîtraient sans faire attention aux conséquences pour les femmes afghanes.
C’est déterminant que de grandes organisations comme Amnesty International s’impliquent, car elles peuvent porter la voix des femmes afghanes jusqu’aux oreilles de la communauté internationale et de la société civile. Beaucoup de gens ignorent encore ce qui se passe pour nous. Après mes conférences, il y a toujours des personnes pour me dire qu’elles sont touchées, qu’elles aimeraient s’investir. Il faut réveiller cette résistance auprès des populations.
Chaque jour, la situation empire pour les femmes en Afghanistan. Et avec tous les conflits dans le monde actuellement, les gens se détournent du sujet. La majorité a oublié que les Afghanes vivent un enfer. On ne voit pas de drapeau de l’Afghanistan lors des grandes marches pour le 8 mars ou pour le mois des fiertés. J’ai peur que si on n’en parle pas, si on oublie ces femmes, le régime taliban soit normalisé et soit reconnu comme un véritable gouvernement.
Je vous le demande : n’attendez pas qu’il y ait toujours des femmes afghanes pour lever leur drapeau et parler de leur situation. Vous aussi, parlez d’elles, ne les excluez pas des grands mouvements. Ne les oubliez pas.
Propos recueillis par Guylaine Germain
