Europe, Nations-unies, Azerbaïdjan

Coups de projecteur

Un pas en avant dans la lutte contre les violences faites aux femmes

par Ariane Luppens, stagiaire auprès de Montserrat Carreras, chargée des relations extérieures

Amnesty International tient à saluer l’adoption par le Conseil de l’Europe de la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique conclue à Istanbul, le 7 avril 2011. Celle-ci sera signée théoriquement le 11 mai prochain avant d’être soumise à ratification par les 47 Etats membres.

Cette Convention, soulignons-le, s’inscrit dans un contexte plus large de lutte contre la violence et la discrimination, lutte chère au Conseil de l’Europe et cela d’autant plus que le quotidien des affaires traitées devant la Cour européenne des droits de l’homme apporte malheureusement son lot d’exemples de maltraitances caractérisées à l’égard des femmes. Certaines affaires ont ainsi marqué la jurisprudence, affaires dans lesquelles la Cour avait, systématiquement, souligné la responsabilité des Etats. Citons pour mémoire l’arrêt Opuz c.Turquie, du 9 juin 2009. En effet, si les Etats ne sont pas directement coupables des faits en eux-mêmes, ils peuvent l’être par passivité et/ou par omission, pourrions-nous dire. Par passivité, pour ne pas prendre au sérieux certaines plaintes ou pour ne pas s’opposer à certaines « traditions » bien entérinées comme le crime « d’honneur », encore en vigueur dans quelques pays membres du Conseil de l’Europe, au rang desquels figure notamment la Turquie. Par omission, en ne prenant pas toutes les dispositions législatives et autres susceptibles de prévenir les actes de violence ou de les sanctionner effectivement.

C’est dans ce contexte que la Convention qui vient d’être adoptée revêt toute son importance. Suivant donc la logique développée par la Cour européenne des droits de l’homme concernant les Etats, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique prévoit toute une série d’obligations pour les gouvernements. Des mesures pratiques doivent désormais être prises par les Etats en amont : obligation de prévoir des services de soutien spécialisés (article 22), des refuges (article 23), des permanences téléphoniques (article 24). Par ailleurs, touchant les actes de violence en eux-mêmes, il faut noter que contrairement à ce qui était à craindre, les définitions adoptées sont les plus favorables aux droits des victimes. L’exemple du viol est à ce titre significatif puisque l’article 36 qui lui est consacré montre bien que c’est le non-consentement et non pas le recours à la force qui doit être le critère à prendre en compte. De même, au chapitre des enquêtes, poursuites, droit procédural et mesures de protection (chapitre VI), la Convention prévoit un droit des victimes renforcé pouvant aller au-delà même de la volonté de ces dernières dans un cas bien particulier, celui du retrait de la plainte ou de la rétractation. La procédure sera ainsi poursuivie malgré tout (article 55). On retiendra également l’obligation pour les autorités concernées d’agir « rapidement et de manière appropriée », ce qui prend tout son sens notamment en cas de danger immédiat. Les victimes étant prioritaires, la Convention prévoit aussi des mesures de protection devant être effectives à « tous les stades des enquêtes et des procédures judiciaires » (article 56) et une aide juridique gratuite (article 57). Par ailleurs, il faut souligner la disposition, au titre des politiques migratoires et d’asile (chapitre VII), qui prévoit que la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre puisse être reconnue comme une forme de persécution au sens de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et « comme une forme de préjudice grave donnant lieu à une protection complémentaire/ subsidiaire » (Article 60).

Devant ces éléments positifs, on serait tenté d’applaudir sans réserve. Ce serait trop rapide. En effet, plusieurs choses sont à déplorer du point de vue d’Amnesty qui avait fait deux recommandations principales. La première consistait à défendre l’idée d’une convention spécifique à la situation des femmes, et non celle globale visant et les femmes, et les victimes de violence domestique quelles qu’elles soient. C’est néanmoins cette dernière option qui a été retenue si bien que le terme de « victime » très présent dans le texte renvoie aussi bien aux femmes, qu’aux hommes et même aux enfants. Enfin, tout ce qui a été obtenu en termes de droits et fixé formellement par la Convention, prend une tournure beaucoup plus relative quand on en arrive à la question essentielle du système de contrôle. Là encore, Amnesty s’était clairement prononcé pour un processus de révision périodique, où les gouvernements et les organes de la Convention discutent du contenu des rapports sur les Etats, qui soit renforcé par un mécanisme de plaintes individuelles et collectives. Ce mécanisme ne sera finalement pas adopté.

Ceci est tout à fait regrettable dans un contexte où peu nombreuses sont les victimes qui parviennent à voir leur cas examiné par la Cour européenne des droits de l’homme, et ce dans un délai acceptable. Un mécanisme parallèle aurait donc été plus que bienvenu et aurait participé par la même occasion à l’effort de dés-engorgement de la Cour. Cependant, il convient de considérer cette Convention comme une avancée par rapport à ce qui a précédé, ce qui donne lieu de croire que d’autres verront le jour par la suite.

Exiger un traité sur le commerce des armes à toute épreuve

Le 28 octobre 2010, Mateo Lopéz a reçu une balle dans le ventre, tirée par le passager d’une moto. Mateo et sa belle-sœur longeaient la rue principale de Catarina, s’apprêtant à se rendre à une réunion syndicale organisée à Guatemala. Mateo a survécu à ses blessures mais risque de subir de nouvelles agressions. L’enquête sur l’attaque n’a pas avancé et ses auteurs courent toujours.
Le cas de Mateo n’est pas isolé. Le Guatemala se situe au cinquième rang mondial pour le nombre d’actes de violence armée, commis avec des armes importées d’Argentine, de Corée du Sud, des États-Unis, d’Israël et de République tchèque.
Les homicides perpétrés en dehors de tout conflit constituent, selon certaines études, la forme la plus courante de violence armée à l’échelle mondiale. Près de 60 % de ces homicides sont commis avec des armes à feu.
Pour prévenir la violence armée, il faut recourir à de multiples solutions. Le traité sur le commerce des armes représente un instrument qui pourrait contribuer à empêcher la prolifération des armes à feu en demandant aux gouvernements de recenser les risques associés à la disponibilité d’armes légères et de munitions, afin de pouvoir suspendre les livraisons internationales en cas de risque élevé.
La prochaine réunion des Nations unies consacrée au traité sur le commerce des armes, en juillet, sera axée sur les dispositifs d’application. La semaine d’action mondiale d’Amnesty International (13-19 juin 2011) et d’autres événements organisés en prélude à cette réunion montreront comment la signature d’un traité sur le commerce des armes permettra de lutter contre la violence armée.
Agissez
Participez à la campagne pour un Traité sur le commerce des armes à toute épreuve. Rendez-vous sur http://www.amnesty.org/fr/campaigns/control-arms

Azerbaïdjan — On ne les fera pas taire

Sur la Toile et dans la rue, les jeunes militants d’Azerbaïdjan demandent qu’on les entende.
Poussez le cri de « Liberté » dans la rue en Azerbaïdjan, et vous passerez peut-être jusqu’à 10 jours derrière les barreaux. Incitez d’autres personnes à vous rejoindre, et la période d’emprisonnement pourra atteindre trois ans. Les jeunes militants du pays n’en sont pas moins résolus à dire ce qu’ils pensent. Harcelés de façon systématique par les autorités, ils continuent pourtant à réclamer des réformes démocratiques et l’éradication de la corruption au sein de l’appareil d’État.
Inspiré par l’exemple égyptien, Jabbar Savalan, 20 ans, étudiant et militant politique, a utilisé en février 2011 le réseau social Facebook pour proposer une « Journée de la colère » contre la corruption et la répression en Azerbaïdjan. Il a été arrêté le lendemain de cet appel. On l’a accusé de détention de 0,74 grammes de marijuana. Interrogé hors de la présence d’un avocat, le jeune homme a été contraint de signer des « aveux ». Il est passible de deux ans de prison. « Mon fils savait que la police l’avait à l’œil en raison de ses activités politiques, a déclaré sa mère, Teravet Aliyeva. C’est ridicule de l’accuser de détention de stupéfiants. C’est un étudiant doué et ambitieux. »
Au début du mois de mars, Bakhtiyar Hajiyev, un ancien candidat aux élections législatives, a lancé sur Facebook un appel à manifester le 11 mars en faveur de la démocratie en Azerbaïdjan. Cet homme de 29 ans a été arrêté peu après au motif qu’il n’avait pas respecté une décision de justice. Lors d’une audience devant le tribunal, il a fait passer à son avocat une note indiquant qu’on l’avait interrogé à propos de ses activités sur Facebook, qu’on l’avait frappé pendant sa garde à vue et qu’un policier gradé l’avait menacé de viol. L’arrestation de Bakhtiyar n’a pas empêché 4 200 cybermilitants de participer à la manifestation virtuelle du 11 mars.
Plusieurs d’entre eux ont été interpellés peu avant le 11 mars, et 43 autres ont été appréhendés alors qu’ils s’apprêtaient à se rassembler réellement dans les rues du centre de Bakou, la capitale. Jugés lors de procès à huis clos expédiés en quelques minutes, neuf au moins se sont vu infliger pour « refus d’obtempérer aux ordres de policiers » des peines allant de cinq à huit jours d’emprisonnement.
Le 12 mars, les militants ont porté leur combat dans la rue. Le parti de l’Égalité (opposition) a en effet organisé une manifestation place de la Fontaine, à Bakou. Après avoir encerclé les lieux, les policiers s’en sont pris aux personnes qui scandaient des slogans, les ont bâillonnées et les ont entraînées vers les fourgons. Plusieurs manifestants ont été frappés à la tête au moment de leur arrestation.
Les autorités azerbaïdjanaises déploient tous leurs efforts pour discréditer et intimider les militants. La télévision publique a diffusé plusieurs interviews et documentaires d’où il ressortait que les utilisateurs de Facebook seraient des « malades mentaux ». Depuis qu’il a participé à l’organisation de la « Journée de la colère de l’Azerbaïdjan », une action de grande ampleur prévue pour le 2 avril 2011, Elnur Majidli, un militant azerbaïdjanais vivant en France, subit un harcèlement incessant. « Je reçois des menaces tous les jours, révèle cet homme de 26 ans. Contre moi et contre ma famille. Je suis épuisé psychologiquement. »
Des centaines de protestataires qui se rendaient à la manifestation du 2 avril ont trouvé sur leur chemin des policiers antiémeutes équipés de boucliers, de matraques et de fusils chargés de balles en caoutchouc. Les forces de l’ordre ont dispersé les manifestants et arrêté au moins 150 personnes. Les 17 organisateurs du mouvement avaient été appréhendés auparavant. Dix d’entre eux, dont Elnur Majidli, ont été inculpés d’infractions pénales.

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