La France a décidé d’adopter une approche répressive du maintien de l’ordre

Recours à une force disproportionnée par les forces de l’ordre, lois encadrant l’organisation de manifestations excessivement larges et floues, etc. : en Europe, la France est particulièrement touchée par la répression du droit de protester. Afin d’obtenir une vue plus précise sur ce qui est en train de se jouer outre-Quiévrain, nous avons posé quelques questions à Fanny Gallois, responsable de programme Libertés pour la section française d’Amnesty International.

Le FIL :Quel est l’état du droit de protester en France ?

Fanny Gallois : Des lois trop vagues ou contraires au droit international entravent l’exercice du droit de manifester : la loi anticasseurs qui interdit de se dissimuler le visage en manifestation « sans motif légitime » ; la loi sur l’outrage envers les policier·ère·s ou encore celle sur le délit d’attroupement sont utilisées pour justifier des interpellations, des gardes à vue et parfois des poursuites et des condamnations de manifestant·e·s n’ayant commis aucune violence. La loi sur la Responsabilité pénale et la Sécurité intérieure, qui prévoit la surveillance des manifestations par drones, peut également avoir un effet dissuasif sur les manifestant·e·s et là encore entrave le droit de manifester.

Le FIL :Comment cela se vérifie-t-il sur le terrain ?

F.G. : Ces dernières années, le mouvement des Gilets jaunes, mais aussi des mobilisations de lycéen·ne·s, de soignant·e·s, contre la réforme des retraites ou contre la loi « Sécurité globale » ont fait face à un maintien de l’ordre brutal et des arrestations arbitraires de milliers de manifestant·e·s pacifiques.

Les forces de l’ordre ont fait un usage disproportionné de la force, notamment par le recours excessif de gaz lacrymogènes contre des foules majoritairement pacifiques et ont utilisé des armes susceptibles de mutiler, telles que les lanceurs de balles de défense. Dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes, le ministère de l’Intérieur a recensé plus de 2500 blessés chez les manifestant·e·s après un an de protestations, dont des blessures graves.

Le FIL :Quels sont les plus grands dangers pesant sur le droit de protester en France ?

F.G. : La France a décidé d’adopter une approche répressive du maintien de l’ordre, là où des stratégies de désescalade et de dialogue devraient être mises en place. Le niveau de violences et leur répétition exigent des réformes structurelles. On ne peut pas espérer que les pratiques changent si l’on continue d’appliquer les mêmes méthodes.

Malgré les multiples condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, l’accès à la justice pour les victimes de violences policières reste très difficile. Par exemple, la famille de Zineb Redouane attend toujours que justice soit rendue… quatre ans après les faits (voir p. 16-17) ! Or, il n’existe pas de mécanisme impartial permettant d’enquêter sur les allégations de recours excessif à la force par la police, ce qui pose un véritable problème.

Le FIL :Comment Amnesty International compte-t-elle agir pour sauvegarder le droit de manifester en général et en France en particulier ?

F.G. : Jamais le droit de manifester n’a été autant menacé qu’aujourd’hui. C’est pourquoi nous avons lancé cet été une grande campagne pour la défense du droit de protester dans le monde. Intitulée « Manifestez-Vous » en France, cette campagne réclame des autorités françaises une réforme structurelle des stratégies de gestion des manifestations, mais également que la France protège le droit de manifester dans le cadre de son action diplomatique, dans le monde, et qu’elle cesse d’exporter du matériel de maintien de l’ordre à destination d’États susceptibles de l’utiliser pour réprimer le droit de manifester et commettre de graves violations des droits humains.

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