Quand une jeune femme prénommée « Beatriz » s’est battue pour ses droits en avril et mai 2013 en faisant valoir son droit humain à la vie, des sympathisants d’Amnesty International ont uni leurs efforts à ceux de militants locaux et internationaux. Ensemble, nous avons inlassablement relayé son appel jusqu’à ce que les autorités finissent par l’entendre.
Salvadorienne de 22 ans, Beatriz souffre de pathologies graves, dont un lupus et des troubles rénaux. Lorsqu’elle est tombée enceinte, les médecins lui ont dit qu’elle risquait de mourir si elle menait sa grossesse à son terme. De plus, son foetus était anencéphale : il lui manquait une grande partie du cerveau et du crâne, et il ne survivrait que pendant quelques heures après la naissance.
Mais les médecins craignaient d’être poursuivis en justice, car l’avortement est totalement interdit au Salvador, et ils se sentaient ligotés par cette loi draconienne. C’est parce que les législations de ce type font courir de sérieux risques aux femmes et aux filles que seule une poignée de pays dans le monde a choisi de les adopter.
QUATORZE SEMAINES DE LUTTE
Militante des droits humains au Salvador, Sara García s’est rendue au chevet de Beatriz à l’hôpital pendant les 14 semaines de lutte qui ont suivi. Durant tout ce temps, Beatriz était séparée de son fils de un an, ce qui ajoutait encore à sa détresse.
« J’admire Beatriz – quelle force de caractère, nous a confié Sara. Tandis qu’elle luttait contre la mort, elle devait en même temps affronter l’hostilité du système. Et elle a choisi malgré tout de continuer à se battre pour ses droits ».
« Beatriz voulait avoir le droit de choisir la vie. Elle voulait connaître l’avenir avec son jeune fils, comme elle l’avait espéré. Aucune femme ne devrait avoir à endurer ce genre d’épreuve. »
Pendant ce temps, les soutiens à sa cause se multipliaient. Des militants d’Amnesty ont mené campagne en son nom dans 22 pays, sans relâche, faisant parvenir plus de 170 000 signatures au gouvernement salvadorien. Des experts de l’ONU, de la Commission et de la Cour interaméricaines des droits de l’homme ont demandé au gouvernement salvadorien d’accorder à Beatriz le traitement qui pouvait lui sauver la vie.
« C’était intense, a confié Sara qui était au coeur de cette campagne mondiale. La solidarité internationale a renforcé le poids de notre action à l’échelle nationale. »
Après s’être battue pendant plus de deux mois pour recevoir le traitement dont elle avait besoin pour rester en vie, Beatriz s’est finalement vu accorder une césarienne en juin 2013. Comme l’avaient prévu les médecins, le foetus n’a survécu que quelques heures après la naissance.
PLUS JAMAIS ÇA
Après son calvaire, Beatriz a remercié les personnes qui, dans le monde entier, avaient fait pression sur les autorités.
« Sans vous, je crois que je n’aurais pas été capable de supporter l’hôpital, a-t-elle écrit dans une lettre. J’espère que mon exemple évitera à d’autres femmes de subir la même épreuve. »
De retour dans sa famille, Beatriz a repris des forces. Le 2 décembre 2013, elle a présenté une pétition à la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Un aspect central de sa requête consiste à demander à l’État d’apporter des garanties de non-répétition afin que ce qu’elle a subi ne puisse jamais arriver à une autre.
Beatriz demande également réparation au gouvernement qui a violé ses droits humains, notamment son droit à la vie et à la santé, ainsi que son droit à ne pas être exposée à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
LA VIOLENCE DE L’ÉTAT ENVERS LES FEMMES
À travers notre campagne Mon corps, mes droits, nous continuerons à militer pour que toutes les femmes et filles du Salvador et du reste du monde aient accès, lorsqu’elles en ont besoin, aux traitements médicaux qui peuvent leur sauver la vie ou la santé. Les législations pénales draconiennes, comme l’interdiction totale de l’avortement au Salvador, sont cruelles. Elles sont fondamentalement discriminatoires et doivent être abrogées.
Comme l’a résumé Sara : « Il n’est pas juste que nous, les femmes, ayons à vivre cela. La pénalisation de l’avortement est une forme de violence exercée par l’État contre les femmes. »