Dossier : États-unis, un nouveau départ pour les droits humains ?

Le 20 janvier 2021, Joe Biden a été investi 46e président des États-Unis.
À ses côtés, Kamala Harris est devenue la première femme vice-présidente et la première personne de couleur à occuper ce poste, conférant déjà à cette nouvelle administration un caractère historique. Mais qu’en sera-t-il des droits humains ? Amnesty International a en tout cas beaucoup de recommandations à faire valoir.

Si de nombreuses violations des droits humains imputables aux États-Unis ont précédé la présidence de Donald Trump, force est de constater que les quatre années marquées de son empreinte ont été dévastatrices pour nombre de ces droits. Aussi, Amnesty International, dès l’annonce de la victoire de Joe Biden à l’élection présidentielle, a appelé celui qui est désormais le nouveau président des États-Unis et le Congrès à donner la priorité à un programme audacieux en matière de droits humains. Migration, racisme, brutalités policières, COVID-19, centre de détention de Guantánamo Bay, lutte contre le changement climatique, autant de chantiers auxquels doivent s’attaquer de toute urgence Joe Biden, Kamala Harris et leur administration.

Migration : plus d’humanité ?

Sous l’administration Trump, les droits des migrant·e·s et des demandeur·e·s d’asile, notamment celui de demander l’asile, ont subi une série ininterrompue d’attaques. À la frontière entre les États-Unis et le Mexique, des personnes en quête de sécurité ont ainsi été exclues, traumatisées et emprisonnées.

Rétablir l’accès à l’asile et cesser la criminalisation de la solidarité

Depuis mars 2020, l’accès à l’asile à la frontière mexicoaméricaine est pratiquement suspendu. En prenant comme prétexte la pandémie de COVID-19 et un manque de moyens, les États-Unis ont illégalement expulsé des dizaines de milliers de personnes, y compris des familles et des enfants non accompagnés. L’administration a également introduit une série étourdissante et infondée de nouvelles règles d’éligibilité à l’asile, notamment une interdiction d’asile pour les personnes qui transitent par un pays tiers sur leur chemin vers les États-Unis.

Ainsi, au lieu d’offrir un refuge aux personnes qui en ont besoin, les États-Unis ont conçu une série de politiques visant à les délocaliser, à les criminaliser et à leur refuser une protection. Tout en prétendant ne pas avoir les ressources adéquates pour y répondre, le pays a toutefois dépensé des milliards de dollars pour la militarisation de ses frontières.

Parallèlement, des milliers d’autres familles ont été séparées par les autorités tandis que, dans le même temps, ces mêmes autorités ont harcelé et criminalisé l’aide humanitaire apportée aux migrant·e·s en s’attaquant aux travailleur·se·s et aux avocat·e·s qui leur apportent du soutien.

Il est plus que temps que les politiques d’asile et de détention aux États-Unis cessent de violer les droits humains. C’est pour cette raison qu’Amnesty International appelle la nouvelle administration à annuler les politiques illégales qui limitent l’accès à l’asile et à assurer une procédure d’asile juste et équitable à la frontière.

Libérer les personnes enfermées pour avoir demandé l’asile

Durant le mandat de Donald Trump, les détentions de personnes migrantes ont largement augmenté. Des dizaines de milliers d’individus, dont des milliers de demandeur·se·s d’asile et de familles avec enfants, sont ainsi actuellement incarcérées dans des centres de détention pour migrant·e·s.

Cette situation, dramatique en soi, est devenue encore plus préoccupante depuis l’irruption de la COVID-19. Les migrant·e·s sont en effet entassé·e·s dans des installations insalubres, où le virus se répand très rapidement.

Toutes ces personnes n’ont rien à faire en détention. Aussi Amnesty International demande au gouvernement américain d’user de son autorité et de respecter ses obligations en libérant ces hommes, femmes et enfants, et en mettant un terme aux expulsions. La détention des migrant·e·s et des demandeur·se·s d’asile, fondée uniquement sur leur statut migratoire, constitue un mauvais traitement et un déni discriminatoire du droit à la santé, en particulier pour les personnes âgées et celles présentant un risque plus élevé de développer une forme grave de la maladie ou de décéder si elles contractent la COVID-19.

Racisme et brutalités policières : le temps du changement ?

Chaque année, près de 1000 personnes sont tuées par la police aux États-Unis ; des Noir·e·s, en majorité. Le 25 mai dernier, la mort de Georges Floyd, à Minneapolis, due à l’intervention violente de policiers, a été comme la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Des centaines de milliers de personnes, portées par le mouvement Black Lives Matter, sont ainsi descendues dans les rues aux États- Unis, mais ailleurs dans le monde, pour protester contre le racisme et les violences policières.

Des manifestations marquées par des violences policières

Pour le maintien de l’ordre lors de ces manifestations, les autorités ont fait appel à des agents fédéraux, qui n’ont pour la plupart aucune expérience en matière de contrôle des foules et de maintien de l’ordre. Cette situation n’a pas manqué de provoquer des violences policières et a violé le droit de réunion pacifique des manifestant·e·s. Dans ce contexte, Amnesty International appelle l’administration Biden à notamment ouvrir des enquêtes concernant les violations des droits humains commises lors de ces manifestations et à veiller à ce que le personnel destiné au maintien de l’ordre protège, respecte et facilite les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

Limiter l’usage de la force par la police

Amnesty demande également que des garde-fous soient mis en place pour assurer que le le droit à la vie des personnes de couleur et noires soit respecté. Pour cela, les autorités doivent mettre en place une réforme de la police, qui prévoirait une limitation claire par la loi de l’usage de la force.

Si Joe Biden a déjà signé quatre décrets dans la lutte contre la discrimination, ceux-ci restent flous et ont une portée très limitée. C’est pourquoi Amnesty International presse la nouvelle administration américaine à initier des politiques claires et efficaces pour lutter contre le racisme systémique.

Lutte contre la pandémie : moins d’inégalités ?

Globalement, les autorités américaines n’ont pas réussi à apporter une aide suffisante aux personnes les plus touchées par la pandémie. Parallèlement, la COVID-19 a eu un autre effet : elle a mis en exergue les discriminations ayant cours dans la société américaine. Ainsi, les Noir·e·s meurent deux fois plus vite du coronavirus que les Blanc·he·s et les membres des Premières nations sont quant à eux·elles 3,5 fois plus susceptibles de contracter la COVID-19 que les Blanc·he·s.

Le droit à un accès universel aux soins de santé bafoué

Bien qu’il soit un droit humain, l’accès universel aux soins de santé, sans discrimination, continue d’être bafoué aux États-Unis. Avant la pandémie, d’innombrables personnes souffraient déjà d’un manque d’accès à des soins de santé vitaux, du fait de leur coût exorbitant. Avec le déferlement de la COVID-19, les inégalités se sont encore exacerbées et les souffrances des communautés les plus vulnérables aggravées.

Amnesty International appelle le gouvernement américain à mettre en place un système public de soins de santé universel, équitable et non discriminatoire, qui garantit des soins complets et de qualité à tou·te·s. Il est par ailleurs fondamental que les droits humains occupent une place centrale dans la lutte contre la pandémie, en incluant pleinement les communautés et les personnes marginalisées dans les plans d’action visant à combattre la COVID-19.

Le personnel de santé, un pilier à protéger

Il faut également veiller à ne pas oublier le personnel médical et les travailleur·se·s essentiel·le·s, qui demeurent des piliers indispensables dans la lutte contre la COVID-19, mais qui ne sont pas suffisamment soutenu·e·s et protégé·e·s par les autorités. Ces personnes doivent pouvoir mener leur mission dans des conditions adéquates, qui les protègent, notamment en leur garantissant des conditions de travail favorables et le respect de leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

Guantánamo bay : enfin la fermeture ?

Le centre de détention Guantánamo Bay a été ouvert en janvier 2002 par le gouvernement américain, dans le sillage des attentats du 11 septembre. Il s’agissait alors d’établir d’une prison hors frontières pour accueillir les « combattants ennemis » capturés dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ».

Plus de 19 ans après son ouverture, 40 prisonniers musulmans, dont beaucoup ont subi des actes de torture, y sont toujours détenus pour une durée indéterminée. La plupart demeurent dans ce centre sans avoir été inculpés d’aucun crime et aucun n’a la possibilité de bénéficier d’un procès équitable.

Une fermeture déjà tentée, mais jamais achevée

Pendant sa présidence, Barack Obama avait mis en marche une ordonnance qui avait pour but de fermer la prison de Guantánamo Bay. Cette ordonnance a ensuite été annulée par l’administration Trump, qui a signé un décret visant à maintenir le centre de détention ouvert. Depuis lors, aucun nouveau détenu n’est entré et un seul a été transféré hors les murs de Guantánamo.

En 2009, Joe Biden, alors vice-président, avait déclaré : « nous respecterons les droits de ceux que nous traduisons en justice. Et nous fermerons le centre de détention de Guantánamo Bay. » Douze ans plus tard, l’occasion lui est offerte de se montrer à la hauteur de ses propos. Amnesty appelle dès lors le nouveau président à transférer les détenus libérables vers des pays tiers où ils seront en sécurité, à fermer le centre de détention de Guantánamo Bay et à permettre à tous les détenus restants la possibilité d’être jugés équitablement ou libérés dans des pays où leurs droits seront protégés.

Changement climatique : le retard rattrapé ?

La crise climatique a des effets dévastateurs sur l’environnement, mais également sur les droits humains... et cette situation va s’aggraver. Étant l’un des pays qui émettent le plus de gaz à effet de serre, les États-Unis sont très attendus sur ce sujet.

Une ambition climatique forte est nécessaire

En 2019, Donald Trump avait décidé de soustraire les États-Unis de l’Accord de Paris, aux termes duquel les États-Unis s’étaient engagés à réduire d’ici 2025 leurs émissions de 26 à 28% en dessous des niveaux de 2005.

Au cours de sa première semaine à la Maison-Blanche, le président Joe Biden a signé un décret pour que son pays rejoigne à nouveau l’Accord de Paris. Amnesty International salue ce geste et encourage la nouvelle administration à agir concrètement en faveur de l’environnement, en mettant en place un plan d’action conforme aux droits humains.

Dans cette optique, il est indispensable que les États-Unis adoptent les objectifs de réduction de leurs émissions les plus ambitieux, pour atteindre une baisse de ces émissions de 50% bien avant 2030, et d’atteindre l’objectif « zéro émission de CO2 » d’ici la même année, tout en assurant une transition juste qui renforce les droits humains.

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