Crise des réfugiés : notre humanité en question

Chaque jour, depuis plusieurs années maintenant, des milliers de personnes, fuyant les crises ou la violence, tentent désespérément de trouver protection dans nos pays, y compris en Belgique. Se détachant d’un maelstrom de chiffres, de préjugés, de stéréotypes, de polémiques, une question, essentielle, fondamentale, s’impose à nous : face à tant de détresse, la Belgique est-elle devenue inhumaine ?

Depuis 2011, près d’un million de personnes ont demandé l’asile en Europe et, en 2016, plus de 15 000 d’entre elles ont reçu une protection en Belgique. Ces chiffres, dénués de toute sensibilité humaine, font actuellement le lit de tous les groupements xénophobes sur le Vieux Continent, y compris en Belgique, et ouvrent grand la porte à tous les fantasmes et à tous les amalgames concernant les migrations contemporaines.

La manipulation des peurs et des angoisses de la population justifie des investissements colossaux dans des systèmes de surveillance sophistiqués, des dispositifs militaires et la formation de garde-frontières qui participent, dans certains cas, aux violations des droits humains subies quotidiennement par les personnes migrantes sur le chemin qui les mène vers une vie nouvelle.

Si les frontières belges ne comptent pas parmi celles où sont érigés les quelque 450 kilomètres de murs qui ferment les routes les plus sûres pour accéder au continent européen, notre pays n’hésite cependant pas à rejeter la responsabilité de l’accueil des réfugiés sur des pays comme l’Italie ou la Grèce. Au mois de juillet, la Belgique a même été le premier pays à conclure un accord avec cette dernière pour le rétablissement de la procédure dictée par le règlement de Dublin, selon laquelle le pays où un demandeur d’asile dépose sa première demande doit être celui qui traite ladite demande. Un signal supplémentaire qui démontre que la politique menée par le gouvernement ne va pas dans le sens de plus d’humanité dans un contexte où, de surcroît, le partage des responsabilités entre les États européens devrait être une priorité.

Loin de cet idéal, la Belgique rechigne à tenir ses promesses tant en matière de relocalisation de personnes arrivées en Italie et en Grèce que de réinstallation des réfugiés les plus vulnérables. Même si notre pays se situe dans la moyenne européenne, cela ne représente qu’une goutte d’eau lorsqu’on sait que près de 19 millions de réfugiés vivent dans les pays en développement, voisins des pays en crise, dont presque 10 % se trouvent en situation de vulnérabilité exigeant une réinstallation de toute urgence d’ici fin 2017.

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© Estelle Borel / Amnesty International - L’irresponsabilité des pays de l’Union européenne est responsable de milliers de morts en Méditerranée

Ne soyons pas les complices d’une tragédie humaine !

En se soumettant à l’examen des demandes individuelles de protection des individus, la Belgique et les autres États européens ne respectent pas leurs obligations en vertu du droit international, conformément à la Convention de Genève et à la réglementation européenne qui définissent les conditions de reconnaissance du statut de réfugié et de la protection subsidiaire. Cette volonté de refuser l’accès à l’Europe aux personnes qui fuient leur pays est d’autant plus inepte qu’elle ne les dissuade pas de tenter leur chance. Elle les oblige simplement à prendre des routes toujours plus dangereuses, à tomber entre les mains des trafiquants et à payer des sommes d’argent importantes pour espérer rejoindre le sol européen.

Le terrible bilan en Méditerranée centrale et les violations des droits humains endurées par des milliers de réfugiés et de migrants dans les centres de détention libyens sont directement liés à cette politique défaillante de l’Union européenne. John Dalhuisen, directeur pour l’Europe à Amnesty International, est on ne peut plus clair : « Si le deuxième semestre 2017 est à l’image du premier et qu’aucune disposition d’urgence n’est prise, cette route migratoire est en passe de devenir la plus meurtrière au monde ».

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Le travail des ONG pris pour cible

Refusant obstinément de prendre la mesure de la tragédie qui se déroule sous leurs yeux, les dirigeants européens préfèrent pour certains mener une campagne de diffamation à l’encontre des ONG de secours et de sauvetage opérant en Méditerranée centrale. En Belgique, Théo Francken, Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, les a notamment accusés d’engendrer davantage de morts en mer, avant de retirer ses propos.

Un communiqué conjoint d’Amnesty et d’autres organisations de défense des droits humains, relatif au premier anniversaire du « deal » entre l’UE et la Turquie, avait également titillé le Secrétaire d’État, qui avait lui-même posé la question : « Quel est le modèle le plus humain ? Celui où il n’y a pas de noyade. Grâce à l’accord avec la Turquie, plus personne ne meurt en mer Égée. (…) L’Europe lui paie 3 milliards d’euros par an. Pour la Belgique, cela revient à 72 millions par an, c’est un bon deal sur le plan financier » (extrait du Soir, samedi 18/03/2017).

Ce communiqué « célébrait » à sa manière le premier anniversaire de l’accord UE-Turquie qui permet de faciliter le renvoi des migrants qui atteignent le territoire européen via les îles grecques et la Turquie. Or la Turquie n’est ni un pays stable ni un pays sûr pour les réfugiés et les demandeurs d’asile qui y sont abandonnés dans des conditions précaires et n’ont qu’un accès très limité à l’éducation et à la santé. De plus, elle n’hésite pas à renvoyer chez eux les Syriens qui tentent de fuir la guerre qui sévit dans leur pays.

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David Ramos/ Getty Images - Plutôt que de prendre la mesure de la tragédie, certaines personnalités politiques préfèrent mener une campagne de diffamantion à l’encontre des ONG opérant en Méditerranée centrale.

IMPOSER DES VOIES SÛRES ET LÉGALES

Cet été, la Belgique a d’ailleurs publié comme chaque année sa liste de pays sûrs, qui impose aux demandeurs d’asile qui en sont originaires, une procédure accélérée. En estimant que ces personnes n’ont a priori pas besoin de protection, notre pays vise à les décourager de venir demander l’asile en Belgique et réalise de ce fait, un pas de plus dans sa politique de dissuasion envers les migrants.

Est-ce de cette manière que nous désirons voir notre pays prendre ses responsabilités envers les personnes en exil ? L’histoire devrait nous rappeler qu’avant de devenir des migrants, demandeurs d’asile, réfugiés ou sans-papiers, ces personnes sont avant tout des êtres humains qui rêvent, comme nous, de se retrouver en famille, de fonder un foyer et de trouver un travail. L’établissement de voies d’accès sûres et légales, telles que la réinstallation, les visas (humanitaire ou étudiant, par exemple) ou le regroupement familial, leur permettrait justement de demander cette protection légalement, sans devoir mettre leur vie en danger.

L’Union européenne est une des régions les plus prospères du monde et compte aujourd’hui près de 515 millions d’habitants, dont un peu plus de 11 millions en Belgique. Sauver des vies et offrir notre protection devrait être une obligation légale pour nos gouvernements et la priorité morale de tous les citoyens qui les élisent. Il en va de notre humanité commune.

Avec nous, interpellez le Premier ministre et le Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration pour que des voies d’accès sûres et légales soient mises en place. Ils sauront ainsi que la population en Belgique se mobilise pour un meilleur accueil des personnes en besoin de protection. Signez notre pétition et diffusez-la largement autour de vous.

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