TORTURE - L’ÉPROUVANTE VÉRITÉ

QUELS QUE SOIENT LE LIEU ET LA MÉTHODE EMPLOYÉE, LA TORTURE EST TOUJOURS UN CRIME AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL. CELA N’EMPÊCHE PAS DE NOMBREUX ÉTATS D’Y AVOIR RECOURS, NOTAMMENT AU NOM DE LA « SÉCURITÉ » ET DE LA « LUTTE CONTRE LE TERRORISME
 ». LE 26 JUIN AURA LIEU LA JOURNÉE INTERNATIONALE POUR LE SOUTIEN AUX VICTIMES DE LA TORTURE. À CETTE OCCASION, VOICI UN APERÇU
DE PRATIQUES QUI PERDURENT DANS QUELQUES-UNS DES PAYS AUXQUELS AMNESTY CONSACRE DES ACTIONS.

ÉTATS-UNIS : LA TORTURE EN TOUTE IMPUNITÉ

Le Palestinien apatride Zayn al Abidin Muhammad Husayn (également appelé Abu Zubaydah) a été arrêté au Pakistan et remis aux autorités américaines en mars 2002, au début de la « guerre contre le terrorisme » lancée par l’administration Bush. Il a plus tard subi des « techniques d’interrogatoire poussé », notamment le waterboarding – une torture qui s’apparente à un simulacre d’exécution par noyade.

Fin 2006, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s’est entretenu avec lui et avec 13 autres détenus à la base navale américaine de Guantánamo Bay, à Cuba. Tous sortaient des centres de détention de la CIA. C’était Abu Zubaydah qui avait été détenu au secret le plus longtemps ? quatre ans et demi de disparition forcée.

Les hommes ont raconté au CICR qu’ils avaient été maintenus dans des positions debout douloureuses pendant leur interrogatoire, les bras suspendus et enchaînés au-dessus de la tête.

Parmi les autres méthodes que recense un rapport du CICR ayant fait l’objet d’une fuite en 2007 figuraient les coups, l’enfermement dans un conteneur, la nudité prolongée, la privation de sommeil, l’exposition à des températures basses, les menaces de mauvais traitements, la suppression ou la restriction de l’alimentation solide et le waterboarding. De tous les détenus interrogés par le CICR, Abu Zubaydah était le seul à affirmer avoir subi l’ensemble de ces sévices.

Le CICR concluait que les agents américains étaient responsables de disparitions forcées – qui constituent également un crime au regard du droit international – ainsi que d’actes de torture et d’autres mauvais traitements. Il demandait aux autorités américaines de traduire les responsables présumés en justice. Ce qui, à l’heure qu’il est, n’a pas été fait. Abu Zubaydah est toujours détenu à Guantánamo, sans inculpation ni jugement, plus de 11 ans après son placement initial en détention.

RUSSIE : DES « PREUVES » COMPROMETTANTES

« Près de 80 % des personnes inculpées d’extrémisme ou de terrorisme sont torturées. Rares sont celles qui peuvent endurer ces épreuves sans faire de faux aveux ou dénoncer d’autres personnes. La plupart font des “aveux” qui deviennent ensuite des éléments de preuve capitaux pour l’accusation. »

Ces propos de Batyr Akhilgov, un avocat pénaliste d’Ingouchie, en Russie, mettent en évidence l’absence de traitement juridique équitable des personnes inculpées d’extrémisme ou de terrorisme, dès lors que les « aveux » arrachés sous la torture sont admis comme des « preuves ».

Batyr Akhilgov a travaillé sur plusieurs cas célèbres, notamment celui de Rassoul Koudaïev, un ancien détenu de Guantánamo. Peu après son retour en Russie, cet homme a été arrêté pour sa participation présumée à un attentat visant des installations gouvernementales à Naltchik, en 2005.

Rassoul Koudaïev proclame son innocence et affirme que la police lui a arraché des « aveux » sous la torture, notamment en le frappant des heures durant à coups de matraque et de crosse de fusil, en lui envoyant des décharges électriques, en lui entaillant les oreilles au moyen de petits ciseaux, en le faisant attaquer par des chiens et en lui insérant un objet tranchant sous l’oeil droit. Amnesty s’est procuré des documents, notamment des photographies, qui viennent étayer ses affirmations.

Pourtant, toutes ses tentatives de faire traduire ses tortionnaires en justice ont échoué. Le bureau du procureur a refusé d’enquêter sur ses allégations. Pendant ce temps, il compte au nombre de 58 les détenus toujours poursuivis sur la base de leurs « aveux » et incarcérés dans des conditions inhumaines et dégradantes. Ils sont fréquemment battus par les gardiens et privés de soins médicaux. Rassoul Koudaïev a introduit une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

EN IRAK, LA CULTURE MORTIFÈRE DE L’AVEU

Ahmad Amr Abd al Qadir Muhammad a été arrêté à Bagdad en 2006 et détenu au secret pendant plus d’un an. Lorsqu’elle a pu le voir pour la première fois, en août 2007, sa mère a été horrifiée. Il présentait des blessures visibles, notamment des cicatrices de brûlures. Il a affirmé avoir été obligé d’« avouer » sous la torture son appartenance à un groupe armé qui prévoyait de commettre des attentats à l’explosif.

Pendant le procès d’Ahmad, le tribunal a pris acte de sa rétractation, de sa déclaration selon laquelle il avait avoué sous la contrainte et la torture, et du fait que l’institut médicolégal avait découvert des cicatrices sur son corps. Le tribunal a néanmoins condamné Ahmad à la peine capitale en mai 2011 sur la base des « aveux » qu’il avait rétractés.

Il risque désormais d’être exécuté à tout moment. « Mon coeur souffre, a confié sa mère en évoquant leur situation dramatique. Cela m’anéantit. »

Son cas n’est pas isolé. Dix ans après la fin du régime inhumain de Saddam Hussein, les services de sécurité du nouveau gouvernement recourent fréquemment à la torture, notamment lors des interrogatoires de détenus arrêtés au titre de la législation antiterroriste.

Les « aveux » récents sont souvent filmés et diffusés à la télévision publique et sur la chaîne YouTube du ministère de l’Intérieur. Même s’ils n’ont pas été jugés ni reconnus coupables, les suspects sont souvent qualifiés de criminels. Beaucoup sont condamnés à de lourdes peines de prison ou à la peine capitale sur la base de leurs « aveux », et leurs tortionnaires pensent qu’ils ne seront jamais tenus de rendre des comptes.

Visionnez “Iraq’s lethal confession culture” en cliquant ici.

NIGERIA : VISITE À L’ABATTOIR

Soupçonné d’être un membre du groupe islamiste Boko Haram, qui a revendiqué des attentats et des massacres dans le nord et le centre du Nigeria, Ibrahim Umar a été arrêté en janvier 2012. Les charges retenues contre lui ont été abandonnées au bout de deux semaines.

Mais, après sa remise en liberté, la police l’a aussitôt arrêté une nouvelle fois et détenu sans inculpation dans un poste de police d’Abuja, la capitale, surnommé l’« abattoir ». Situé au sommet d’une colline à l’extérieur de la ville, cet immense entrepôt servait jadis à l’abattage du bétail, et des chaînes pendent encore au plafond.

Pendant sa détention, Ibrahim aurait vu des policiers emmener une quinzaine de détenus à l’extérieur et les abattre. Les détenus de l’abattoir font souvent l’objet de mauvais traitements et sont notamment privés d’eau, de nourriture et de soins médicaux. Lorsqu’il est tombé dans le coma après une crise d’appendicite, Ibrahim a été emmené à l’hôpital menotté, et son pied a été enchaîné à son lit. La police l’a renvoyé à l’abattoir avant qu’il ait pu subir l’opération préconisée par un médecin.

Le 7 août, un tribunal a ordonné à la police de relâcher Ibrahim sans délai. Pourtant, il n’a été libéré que le 3 janvier 2013. Il vit désormais au Royaume-Uni. La police nigériane ne s’est pas encore conformée à l’ordonnance du tribunal lui enjoignant d’indemniser cet homme pour sa détention illégale. « Ce qui m’est arrivé m’a fait comprendre que l’état de droit n’existait pas au Nigeria, a déclaré Ibrahim. Beaucoup d’innocents souffrent pour rien. »

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