Lorsque la question des personnes migrantes et réfugiées est abordée dans certains médias ou par certaines personnalités politiques, c’est bien souvent en termes négatifs, alarmistes, voire catastrophistes. Mais derrière cet épais voile sombre se cache une réalité malheureusement négligée alors qu’elle recèle des trésors d’humanité et d’espoir. C’est celle qui naît de l’ouverture à l’autre et de la main qu’on lui tend.
Cette ouverture, c’est celle de Simone (voir agenda, p. 7), qui, du haut de ses 89 ans, est allée à la rencontre de demandeurs d’asile à Bruxelles. De cet élan simplement humain sont nés une rencontre, une amitié, des liens « familiaux ». Bref, de l’humanité, de la vraie, celle qui naît dans les coeurs et qui s’exprime au-delà des barrières dressées par les peurs et les préjugés.
Cette rencontre avec celui ou celle qui vient d’ailleurs, qui a fui une situation catastrophique, qui a pris des risques immenses pour traverser terre et mer en quête de protection et qui, enfin, ne demande rien d’autre que de reconstruire sa vie, une nouvelle vie, poussé par un formidable élan vital, peut aussi se faire par la photographie. C’est tout le propos de l’exposition #JeSuisHumain, qui va commencer à circuler à Bruxelles et en Wallonie pendant deux ans.
Les photographes du collectif Huma, avec lesquels Amnesty a mis sur pied l’exposition #JeSuisHumain, sont partis à la rencontre de ces personnes « là-bas », dans les camps de réfugiés, au Liban, en Jordanie, et « ici », en France et en Belgique, où ils ont suivi quelques-uns des plus jeunes d’entre eux, nous livrant des portraits justes, touchants et empreints d’humanité.
Au fil des clichés, on rencontre Chinara, arrivée d’Azerbaïdjan avec sa famille en 2014. Jeune femme aussi sensible que curieuse, qui aime entendre les histoires des gens qu’elle rencontre et apprendre d’eux. Artiste accomplie, elle s’intéresse à ce qu’il y a de plus humain en vous, à ce qui vous plaît dans la vie, à vos valeurs. C’est le genre de personne avec qui on pourrait refaire le monde pendant des heures…
« Les gens ne veulent pas que les portes soient fermées. Leur générosité, leurs valeurs devraient nous donner de l’espoir. » Salil Shetty, Secrétaire général d’Amnesty International
Il y a Amer aussi, qui était champion junior de décathlon en Irak avant de devoir fuir son pays et qui entraîne désormais les jeunes du club d’athlétisme de Louvain, ce qui lui permet de payer les frais d’avocat, avancés par son entraîneur. « Amer est très apprécié », nous dit-on de lui, « il se lie facilement avec les autres et, au club de Louvain, les gens l’adorent. »
- Amer a vu sa seconde demande d’asile être rejetée, mais son entraîneur croit en lui. Il va l’aider à gagner cette course au droit de séjour.
Parlons enfin d’Hussein, le musicien, qui, après avoir quitté l’Irak par la fameuse route des Balkans, se retrouve à Bruxelles pendant l’été 2015, au parc Maximilien. Après avoir obtenu son statut de réfugié, il prend part à des projets artistiques et intègre le projet Refugees for refugees qui rassemble des virtuoses venus de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan, du Pakistan et du Tibet. Assoiffé
de découvertes et de rencontres, Hussein croit fermement que la migration est une chance lorsqu’elle permet la rencontre entre des êtres humains ouverts l’un à l’autre. Ses nombreux sourires ne peuvent que convaincre. Ses actes également. Depuis 2016, il rassemble autour de lui des artistes de différentes tendances pour monter son propre projet Nawaris, qui signifie « mouettes »
en arabe. Un symbole qui fait référence à un monde où les hommes et les femmes pourraient eux aussi traverser les mers pour se rapprocher de leurs rêves sans se soucier des frontières.
« La vie est comme une fête. Tu peux choisir de danser avec les autres ou de rester dans ton coin »
PLUS QU’UN DROIT FONDAMENTAL, LA LIBERTÉ D’ÉCHANGER DES IDÉES EST UNE CHANCE À SAISIR
Malgré les kilomètres qui nous séparaient avant leur arrivée et la réalité souvent brutale du parcours emprunté pour arriver jusqu’ici, les histoires d’Amer, Chinara, Hussein et les autres sont désormais intimement liées à la nôtre. Lorsqu’ils nous racontent comment ils ont été accueillis par des Belges qui leur ont donné un toit, de l’amour et une sécurité, de la compréhension et de l’écoute, on ne peut que s’émerveiller devant ces rencontres et ces moments de partage qui ont profondément bouleversé les valeurs de ces personnes et ont emmené celles et ceux qui les ont accueillis sur des chemins inattendus.
Nées en Irak, en Syrie ou en Azerbaïdjan, ces personnes qui ont fui leur pays en quête de protection savent qu’elles ont tout à recommencer et sont conscientes des efforts énormes qui les attendent.
- Hussein, musicien, a été contraint de fuir l’Irak en empruntant la fameuse route des Balkans. Il est finalement arrivé à Bruxelles durant l’été 2015.