Liu Xiaobo, lauréat du prix Nobel de la paix emprisonné, défenseur des droits humains, critique littéraire et épine dans le pied du gouvernement chinois, est mort en juillet. Il était toujours sous surveillance policière.
Tout au long de sa vie, Liu Xiaobo a fait preuve d’une détermination sans faille à parler vrai aux puissants, en sachant pertinemment ce que cela pouvait lui coûter.
L’année 1989 a marqué un tournant dans l’engagement politique de Liu Xiaobo. Il était revenu des États-Unis pour jouer un rôle de premier plan dans le mouvement en faveur de la démocratie. Pour ce motif, il a été incarcéré pendant deux ans. Plus tard, il a déclaré : « Pour le simple fait d’avoir fait paraître des opinions politiques différentes et pris part à un mouvement démocratique pacifique, un enseignant a perdu sa chaire, un écrivain a perdu son droit de publier et un intellectuel a perdu la possibilité de s’exprimer en public. » Il a été de nouveau détenu entre 1996 et 1999, cette fois dans un camp de « rééducation par le travail », puis placé sous surveillance policière permanente à son domicile de Pékin. Sans se décourager, il a continué à écrire des articles et des essais, souvent provocateurs et mordants, sur le système politique et la situation des droits humains en Chine, refusant systématiquement de se rendre à l’étranger de crainte que les autorités ne le laissent pas revenir.
Fin 2008, des amis lui ont demandé de contribuer à un manifeste connu sous le nom de « Charte 08 », qui appelait à un changement politique dans le pays. Les autorités ont été désarçonnées face à la diversité des premiers signataires, parmi lesquels figuraient d’éminents intellectuels et des fonctionnaires à la retraite. Après l’organisation réussie des Jeux olympiques plus tôt dans l’année les autorités s’étaient alors engagées à faire progresser les droits humains –, le gouvernement a cru qu’il pourrait faire de Liu Xiaobo un exemple sans susciter de tollé au sein de la communauté internationale.
Arrêté en décembre 2008, il a été détenu un an avant d’être jugé et condamné à 11 ans d’emprisonnement pour « incitation à subvertir le pouvoir de l’État » – la peine la plus lourde jamais prononcée pour cette charge à l’époque. En 2010, Liu Xiaobo a reçu le prix Nobel de la paix. Au lieu de saisir cette occasion de réparer la grave injustice qu’elles avaient commise, les autorités chinoises ont déployé des efforts considérables pour imposer un silence médiatique sur l’affaire. Elles ont assigné à résidence la poétesse et militante Liu Xia, épouse de Liu Xiaobo, ont interdit aux avocats de ce dernier toute initiative visant à obtenir sa libération, rejeté toutes les demandes de diplomates et d’observateurs internationaux souhaitant lui rendre visite en prison et effacé toute mention le concernant sur l’Internet lourdement censuré auquel les Chinois ont accès.
Mais c’est quand Liu Xiaobo a été hospitalisé au mois de juin pour un cancer du foie en phase terminale que le gouvernement s’est véritablement montré cruel et vindicatif, précipitant de fait son décès en n’accédant pas à son souhait d’être soigné dans un autre pays. Selon deux spécialistes étrangers autorisés à le voir brièvement début juillet, il pouvait et devait être autorisé à quitter le territoire, mais leurs appels sont restés lettre morte. Lorsque Liu Xiaobo est décédé, les autorités ont continué à faire preuve de cruauté en obligeant son frère à exprimer dans les médias internationaux sa « gratitude » envers le gouvernement pour tout ce que celui-ci avait fait pour sa famille.
Liu Xiaobo a un jour écrit qu’« un esprit calme et tranquille peut regarder une barrière d’acier et voir le chemin de la liberté ». Il ne connaîtra plus jamais cette liberté. Mais il a inspiré des millions de personnes dans le monde, qui luttent en faveur des droits humains afin qu’elles mêmes et d’autres puissent jouir d’une liberté fondamentale : le droit de s’exprimer librement et de demander des comptes aux puissants.
Ces militantes et militants poursuivront la lutte, pour que s’accomplisse le souhait de Liu Xiaobo que la « longue tradition de la Chine à traiter les mots comme des crimes » ne fasse plus de victimes.