La lutte contre les violences sexuelles constitue une priorité pour Amnesty International. Comment jugez-vous les intentions du nouveau gouvernement à ce sujet ?
Plutôt positives. Tout d’abord, nous disposons d’un gouvernement paritaire, ce qui est une bonne nouvelle. Au-delà de ça, il y a plusieurs points encourageants, comme la volonté de renforcer le monitoring concernant l’égalité des genres et des violences sexuelles, les centres de prise en charge des violences sexuelles (CPVS) et la fourniture de ressources nécessaires. Le gouvernement a également l’ambition de s’aligner sur les valeurs et instructions figurant dans la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe sur les violences faites aux femmes, que la Belgique a signé et ratifié. Cependant, d’autres questions restent toujours en suspens ; je pense notamment à la collecte de données, qui ne fait pas partie de l’accord du gouvernement et qui est nécessaire afin de mettre en place des politiques appropriées (voir p. 26-27). Par ailleurs, l’impunité dont bénéficient les auteur·e·s de violences sexuelles est encore trop prégnante, cela étant notamment dû au nombre important de dossiers classés sans suite.
L’affaire Chovanec, du nom de ce ressortissant slovaque probablement décédé des suites d’une intervention policière violente à son encontre à l’aéroport de Charleroi, a remis en avant la nécessité de mettre en place des mécanismes de surveillance des lieux de détention. Or, la déclaration gouvernementale n’en fait nullement mention...
En effet, et il n’y a même aucune mention du Protocole facultatif à la Convention contre la torture, qui permettrait d’obtenir une instance de contrôle et de réception de plainte, ce dont ne dispose pas notre pays. Alors que le Comité pour l’abolition de la torture appelle la Belgique à se doter d’un mécanisme d’enquête indépendant, nos dirigeant·e·s continuent à se référer au Comité P (le Comité permanent de contrôle des services de police, NDLR), majoritairement composé d’ancien·ne·s policier·ère·s. Un autre aspect essentiel est la formation des policier·ère·s. Non seulement sur les techniques d’intervention, mais aussi sur des pratiques comme le profilage ethnique (pratique consistant à contrôler une personne en raison de son apparence, et non de ses agissements, NDLR), fléau sur lequel nous avons enquêté il y a deux ans.
On peut lire dans la déclaration gouvernementale la volonté de cesser de recourir à la détention d’enfants pour des raisons migratoires, mais n’y a-t-il pas des points qui demeurent problématiques en matière de politique d’asile ?
La fin annoncée du recours à la détention d’enfants est un point positif, même si la déclaration peut parfois sembler contradictoire à ce sujet. Cela dit, de bonnes initiatives sont à mettre au crédit du gouvernement, telles que la mise en place d’un audit de toutes les structures de l’Office des étrangers, chose que nous demandons depuis longtemps. Nous veillerons donc à ce que le gouvernement maintienne le cap en ce qui concerne ses bonnes intentions et maintiendrons la pression pour une gestion des affaires publiques allant dans le sens d’un meilleur respect des droits humains.