Dossier : Big Pharma alimente une grave crise des droits humains

Actuellement, 1 % de la population est vaccinée contre le COVID-19 dans les pays à faible revenu, contre 55 % pour les pays riches. Et pour cause : les principaux laboratoires pharmaceutiques refusent toujours de participer aux initiatives visant à accélérer la vaccination dans le monde.

En refusant de renoncer à leurs droits de propriété intellectuelle et de partager leur technologie, six sociétés – AstraZeneca, BioNTech, Johnson & Johnson, Moderna, Novavax et Pfi zer – alimentent une crise des droits humains sans précédent.

En effet, le blocage des transferts de technologie par Big Pharma et ses manoeuvres commerciales à l’avantage des pays riches ont créé une pénurie de vaccins prévisible et dévastatrice. Les conséquences de cette attitude sont gravissimes pour certaines régions du monde, particulièrement pour les pays dont les systèmes de santé sont affaiblis.

LES PAYS À FAIBLE REVENU OUBLIÉS PAR LES BIG PHARMAS

Sur les 5,76 milliards de doses injectées dans le monde, une part dérisoire est allée à des pays à faible revenu, tandis que les pays à revenu intermédiaire supérieur ou à revenu élevé en ont reçu 79 %. Fait assez sidérant : Pfi zer BioNTech a livré neuf fois plus de doses à la Suède qu’à tous les pays à faible revenu réunis. Moderna, elle, n’a livré aucune dose de vaccin à un pays à faible revenu, et a alloué seulement 12 % de sa production à des pays à revenu intermédiaire.

Quant à Johnson & Johnson, elle n’honorera pas la plupart de ses engagements de livraison à COVAX (l’outil international conçu pour assurer une répartition équitable des vaccins) et à l’Union africaine avant 2022. Si AstraZeneca est l’entreprise qui a livré le plus de doses de vaccin à des pays à faible revenu, elle refuse de partager son savoir-faire et sa technologie avec les initiatives mises en place par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le laboratoire s’est par ailleurs opposé à la dérogation à l’Accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Novavax, enfin, reste opposée à toute forme de partage de savoir et de technologie. En dépit des milliards de dollars de financement public, les laboratoires se rendent coupables de manquements persistants, causant des atteintes aux droits humains subies par des milliards de personnes.

UN DÉFI PRIMORDIAL POUR FAIRE RECULER LA PANDÉMIE

Face à ce scandaleux constat, Amnesty International a décidé de lancer un défi aux États et à Big Pharma : celui de rattraper le retard qui permettrait d’atteindre l’objectif fixé par l’OMS de 40 % de la population vaccinée dans les pays à revenu faible ou intermédiaire inférieur d’ici à la fi n de l’année 2021.

Pour cette raison, Amnesty appelle les États à redistribuer de toute urgence les centaines de millions de doses actuellement inutilisées et aux laboratoires qui ont élaboré les vaccins de veiller à ce qu’au moins 50 % des doses produites aillent à ces pays. Ce n’est que de cette façon que nous pouvons espérer voir la fi n de la pandémie de COVID-19 et épargner à la planète une nouvelle année de souffrance et de peur.

LE VACCIN COMME BIEN DE SANTÉ PUBLIQUE MONDIAL : UNE OCCASION MANQUÉE POUR LA BELGIQUE

Le 23 septembre dernier, une résolution a été déposée à la Chambre des représentants de Belgique visant à faire du vaccin contre le COVID-19 un « bien de santé publique mondial accessible financièrement à tou·te·s »

Malgré ses intentions louables, ce texte passe à côté des recommandations qui pourraient réellement faire la différence, notamment celle qui viserait à répartir plus équitablement les capacités de production
des vaccins. Par ailleurs, la résolution ne demande pas que les surplus des pays riches puissent systématiquement être donnés à COVAX pour assurer leur distribution dans les pays à bas et moyen revenu.

Il est toutefois à noter que la résolution demande à la Belgique de s’engager pour améliorer la transparence des accords entre les entreprises pharmaceutiques et les pays concernant les contrats relatifs aux vaccins contre la COVID-19, ce qui est en effet crucial.

Bref, cette résolution ne restera pas dans l’histoire comme un pas décisif vers la sortie de la pandémie de COVID-19. Pour cela, il faudrait que la Belgique et les autres États, mais aussi les entreprises pharmaceutiques, changent radicalement de politique, ce à quoi Amnesty continue de les exhorter.

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